Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trop souvent, au cours de la législature, on s’est demandé pourquoi la procédure accélérée avait été engagée sur tel ou tel texte. Aujourd’hui, ce n’est évidemment pas le cas, et c’est précisément là que le bât blesse.
Oui, sur ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, il y a urgence à agir !
La directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le présent texte achève la transposition, aurait dû être totalement intégrée dans notre droit au mois de décembre 2009.
Encore plus impressionnant est le cas de la directive du 7 décembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, que transpose aussi ce projet de loi, dont le délai de mise en œuvre a expiré au mois d’octobre 2007. Vous en conviendrez, plus de trois ans de retard, ce n’est pas rien !
Plus généralement, le retard accumulé par notre pays en matière de transposition de directives n’est plus acceptable.
Il n’est plus acceptable, d’abord, sur le plan des principes. Alors que notre pays devrait donner l’exemple en tant que l’un des principaux membres fondateurs de l’Union, la France occupe le « glorieux » rang de sixième pays le plus en retard sur vingt-sept.
Il n’est plus acceptable, ensuite, sur le plan du droit, puisque le retard accumulé porte atteinte au principe de sécurité juridique.
Il n’est évidemment plus acceptable, enfin, en termes financiers. Faut-il le rappeler, en 2005 et en 2008, nous avons été condamnés à une astreinte semestrielle – excusez du peu ! – de 57, 8 millions d’euros et à une amende forfaitaire de 10 millions d’euros. Faut-il rappeler également que le risque est dorénavant encore plus grand, puisque les règles de contrôle communautaire en la matière ont été renforcées par le traité de Lisbonne ?
La Commission européenne a fixé les montants minimaux de l’amende forfaitaire et de l’astreinte journalière à respectivement 10 millions d’euros et 12 134 euros. Dans tous les cas, c’est le contribuable qui paye nos manquements. Et avec un déficit avoisinant les 7, 7 % du produit intérieur brut, nous ne pouvons tout simplement plus nous le permettre.
Mais il y a encore plus grave.
Parce que l’urgence est bien réelle, nous devons faire vite. Alors, sur quoi le Parlement est-il aujourd’hui tenu de se prononcer dans les plus brefs délais ? Parcourons le texte rapidement, puisqu’il y a urgence...
Son article 1er porte une mesure fiscale qui semble relever du bon sens, mais fait supporter aux communes une charge nouvelle qui ne sera pas compensée.
Son article 2 restreint le rôle de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, en supprimant des garanties indispensables en matière de certification et de maintenance des dispositifs médicaux. Les fabricants et vendeurs de matériels d’occasion pourront justifier eux-mêmes de la qualité de ces matériels, lesquels touchent par définition à la santé et à l’intégrité des personnes.
C’est la même logique avec l’article 3, qui assouplit les conditions de l’exercice et de l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Voilà une évolution surprenante si l’on considère que les établissements eux-mêmes continueront d’être régis par un régime d’autorisation drastique, alors que leurs organismes de contrôle ne relèveront plus que d’un simple régime déclaratif.
L’article 5 quinquies entend permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnance en matière de produits cosmétiques. Et chacun sait notre sentiment sur ces dessaisissements à répétition du législatif !
L’article 10 permettra à des assistantes sociales provenant de pays de l’Union d’exercer en France sans connaissance de la législation et de l’environnement socio-économique français.
Enfin, en matière de communications électroniques, l’article 13 crée un commissaire du Gouvernement auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, ce qui ne va évidemment pas sans poser de problèmes au regard des garanties d’indépendance attendues de la part d’une telle autorité. Nous présenterons d’ailleurs un amendement visant à revenir sur une telle disposition.
En résumé, nous le voyons, toutes les mesures sur lesquelles nous sommes tenus de nous prononcer en urgence n’ont rien d’anodin. Et certaines d’entre-elles sont même, sur le fond, très contestables. Contestées, elles l’ont d’ailleurs été par la commission des affaires sociales du Sénat – je parle sous le contrôle de sa présidente –, qui a émis un avis favorable à la suppression des principaux articles !
Nous connaissons l’argument qui va nous être opposé : nous sommes liés par des engagements européens pris de longue date ; impossible d’y échapper.
Tout cela nous place, nous, parlementaires, dans une situation extrêmement inconfortable, pour ne pas dire humiliante, et m’amène à conclure par deux remarques de fond.
Primo, si nous nous retrouvons aujourd’hui tenus de cautionner des mesures qui heurtent nos valeurs et notre éthique, c’est parce que, même après Lisbonne, les Parlements nationaux sont encore bien trop insuffisamment associés au processus de décision communautaire.