Yves Krattinger vous a présenté les grandes lignes du budget de la défense, et je m'associe à ses propos.
En compléments de ceux-ci, je souhaite vous livrer quelques réflexions et observations.
Comme il a été dit, ce projet de loi de financement est conforme à la loi de programmation militaire, elle-même traduction du livre blanc. Dès lors, les faiblesses et critiques formulées autour de la loi de programmation militaire se trouvent confirmées dans le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis.
Optiquement, les moyens financiers disponibles pour la mission « Défense » sont reconduits en 2014 par rapport à 2013. Pour autant, les crédits budgétaires proprement dits sont en baisse de 497 millions d'euros. Les recettes exceptionnelles passent de 1,27 milliard d'euros à 270 millions d'euros. C'est la création d'un nouveau programme, le 402, intitulé « excellence technologique des industries de défense », abondé de 1,5 milliard d'euros en provenance du nouveau PIA, qui permet d'afficher une reconduction des crédits.
D'un strict point de vue budgétaire il convient de rappeler que le PIA est hors périmètre de la loi de programmation des dépenses publiques. Il est paradoxal de justifier son exclusion en raison de son caractère exceptionnel, et dans le même temps de l'intégrer en dépense pour financer celles engagées dans les années antérieures à sa mise en oeuvre.
Ainsi l'intégralité du PIA « Défense » sera décaissée en 2014. Il abonde deux opérateurs : le CEA pour 1,328 milliard d'euros et le CNES pour 172 millions d'euros, afin de financer également des engagements antérieurs. Interrogé, le ministère a fourni une réponse pour le moins confuse, puisque le PIA vise selon lui « à développer la recherche et la technologie dans les domaines des applications défense de l'énergie nucléaire et de l'observation spatiale. Il s'agit par définition d'activités s'inscrivant dans la temporalité longue des programmes d'armement, certains ayant débuté d'être financés sur le programme 146 ». On notera cependant qu'au-delà de la sémantique le souci du ministère de la défense est de financer avec ce programme des opérations antérieurement lancées.
Outre que ce recours au PIA pour financer des programmes anciens, tels que les chaufferies nucléaires des sous-marins Barracuda ou la simulation numérique qui a fait suite à l'arrêt des essais nucléaires, ne s'inscrit pas, semble-t-il, dans l'esprit qui avait présidé à la création de ce programme d'investissement d'avenir, il pose le problème, à crédits budgétaires constants, des recettes exceptionnelles en 2015 et les années suivantes, car par définition le recours au PIA ne peut qu'être ponctuel. C'est un fusil à un coup. La trajectoire des ressources de la mission défense repose sur des crédits budgétaires au même niveau en 2015 qu'en 2014, ce qui suppose à nouveau des recettes exceptionnelles d'un même montant de 1,77 milliard d'euros l'an prochain. Rappelons que sur la période 2014-2019, les crédits exceptionnels sont estimés à 6,1 milliards d'euros dont 1,5 milliard d'euros de PIA. Cela signifie qu'il reste millions d'euros par an, tandis le ministère affiche à nouveau une recette de 1,77 milliard d'euros en 2015.
En admettant que cette recette se concrétise, il apparait alors que, pour le reste de la période de programmation, le maintien du budget passe par une augmentation sensible des crédits budgétaires, dans un contexte de croissance incertain.
Sur les OPEX, je tiens à souligner l'effort effectué en 2013 pour fixer un niveau de provision permettant de couvrir les dépenses liées aux opérations déjà engagées au moment du vote de la loi de finances. L'opération Serval au Mali, qui n'était pas prévue et dont le coût en 2013 est estimé à 646 millions d'euros, devrait quant à elle être financée par abondement des crédits de la mission « Défense », conformément au principe posé par la précédente loi de programmation et repris par la nouvelle.
Mais la sensible baisse des provisions OPEX passant de 630 millions d'euros, en 2013 à 450 millions d'euros, en 2014, alors que tout laisse à penser que nous aurons à intervenir de nouveau sur le territoire africain, me semble renouer avec des pratiques de sous-évaluation manifeste. Le recours à la clause de sauvegarde qui consiste à prélever sur des crédits dits interministériels, ne me semble pas relever de bonnes prévisions.
On ne peut que souligner, pour s'en réjouir, l'effort fait en direction de l'équipement et de l'entretien des matériels, surtout après leur forte sollicitation dans les OPEX. Pour autant, et ceci n'est pas propre au gouvernement actuel, il est à craindre que la maintenance de nos équipements grève fortement les capacités d'entraînement de nos forces, faute de disponibilité de nos matériels. La baisse du niveau de réalisation des activités et de l'entraînement qui conditionne nos capacités d'intervention, traduit cette réalité et nous éloigne des normes retenues par l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Un pilote de chasse de l'armée de l'air effectuera en moyenne 150 heures de vol en 2014, alors que le minimum requis par les normes OTAN est de 180 heures. Un pilote d'hélicoptère de l'armée de l'air ne sera aux commandes de son appareil que 160 heures en 2014, contre une norme OTAN fixée à 200 heures, soit un déficit d'activité et d'entrainement de 20 %.
Une telle situation s'avère fâcheuse au moment où nous participons à son commandement intégré et que nous espérons voir se mettre en place une défense européenne qui permettrait de mieux répartir les efforts entre pays européens.
De ce point de vue, je serai personnellement vigilant sur l'évolution de la brigade franco-allemande.
Un autre point de vigilance concernera les externalisations. L'intérêt financier de l'externalisation de certaines fonctions de soutien n'a en effet pas été évalué : celle-ci ne saurait fournir une réponse budgétaire et opérationnelle aux difficultés que rencontre notre armée. Ce qui est concevable par temps de paix sur le territoire national, l'est sans doute moins par temps de guerre et lors des OPEX. Une armée indépendante ne peut pas tout sous-traiter car sa crédibilité repose sur son autonomie.
En conclusion, mes chers collègues, ce projet de budget, à l'image de la loi de programmation militaire, ne me parait pas sincère et par conséquent je voterai contre.