Le présent article tend à permettre au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance afin de transposer en droit interne le troisième paquet télécoms adopté en novembre 2009 par le Parlement et le Conseil européens.
À ce titre, vous ne manquez jamais d’arguments pour justifier ce dessaisissement des parlementaires au profit du pouvoir exécutif : souvent, vous invoquez l’urgence, mais, pour ce chapitre, c’est l’argument de la technicité que vous nous opposez.
Vous tentez de rassurer les parlementaires en indiquant qu’ils seront associés à la confection de l’ordonnance puisque l’avant-projet leur a été soumis. Le pouvoir de décision est remplacé ici par une simple consultation.
Pourtant, les questions relatives à ce troisième paquet télécoms sont nombreuses, qu’il s’agisse du service universel, de la garantie du droit effectif à la neutralité du Net ou encore des moyens accrus de l’ARCEP en lieu et place de la puissance publique.
Autant de questions dont il serait utile de débattre au sein de notre hémicycle puisque, si certains aspects peuvent apparaître techniques, ces questions sont avant tout politiques.
En effet, si ces directives comportent, certes, quelques protections pour les consommateurs, celles-ci ne font pas le poids face aux lacunes et menaces pour les droits fondamentaux contenues dans le reste du texte, mais également dans notre législation nationale.
Nous estimons que ce texte ne règle pas la question de la neutralité du Net et les récentes déclarations du secrétaire d’État nous confortent dans cette analyse.
Ce principe qui exclut toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise est pourtant un principe fondateur du web.
Or, aujourd’hui, de nombreux opérateurs de télécommunications souhaitent remettre en cause la neutralité du Net dans le but de développer des modèles économiques fondés sur une gestion discriminatoire du trafic Internet.
De même, des gouvernements, de par le monde, cherchent à mettre en place des techniques de filtrage du réseau en vue de rétablir le contrôle dont ils jouissent sur les médias traditionnels.
Les enjeux sont donc très importants et la réponse du pouvoir politique devrait être à la hauteur.
Tel n’est pas le cas ici. Le secrétaire d’État a, en effet, annoncé mardi dernier qu’il fallait autoriser le filtrage en « instaurant des voies prioritaires ». Par ailleurs, le pré-rapport parlementaire sur la neutralité du Net réalisé, notamment, par la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale estime qu’« il n’y a pas de raison d’empêcher les opérateurs de réseaux de proposer des services d’acheminement avec différents niveaux de qualité ».
Nous voyons donc poindre ici la possibilité d’émergence d’un nouveau marché, celui de la qualité de l’acheminement, dont le risque patent est qu’il se développe au détriment des contenus non commerciaux.
Sur le fond, nous proposons la suppression de cet article qui, une nouvelle fois, prive les parlementaires de leurs prérogatives.
Nous demandons à l’inverse que, sur cette question, nous soit soumis un véritable projet de loi permettant la définition d’un haut niveau de service public et, notamment, l’intégration du très haut débit dans le service universel, la protection des consommateurs et la garantie effective de la neutralité des réseaux et des contenus.