Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 février 2020 à 9h00
Projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere, rapporteur :

L'amendement COM-12 ne concerne pas le domaine pénal, mais l'organisation des professions juridiques, en particulier celle des notaires et des futurs commissaires de justice - profession qui réunira bientôt celles d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire.

Le Gouvernement nous demande de l'habiliter à réformer par voie d'ordonnance le fonds interprofessionnel d'accès au droit et à la justice (FIADJ). Ce fonds résulte de la loi dite « Macron » de 2015. Ses modalités de fonctionnement ont été définies par décret. Mais il n'a toujours aucune existence réelle, puisque ses règles de financement par la voie d'une taxe prélevée sur les professionnels ont été censurées à deux reprises par le Conseil constitutionnel.

Régulièrement interpellée sur cette question, la Chancellerie propose dans ce texte de la régler par voie d'ordonnance grâce à l'abondement du fonds par des contributions volontaires obligatoires, avec un objectif de péréquation au sein de chaque profession.

À l'origine, les initiateurs de ce fonds pensaient qu'il pourrait servir à financer l'aide juridictionnelle, voire la modernisation de certaines professions juridiques... Or les avis ont évolué. Chacun a pris conscience que l'argent des huissiers de justice doit servir aux huissiers de justice, celui des notaires aux notaires, et que, pour parler trivialement, on ne peut pas prendre dans la poche des uns pour donner aux autres !

Il faut par conséquent admettre qu'un fonds interprofessionnel n'est pas la solution. La redistribution concerne chaque profession, en interne. C'était l'approche défendue par le Sénat en 2015, par la voix de François Pillet.

Toutefois, le législateur a estimé que, si la déontologie et l'organisation des professions relevaient des ordres professionnels, leur participation à la vie économique justifiait un contrôle de Bercy. Les règles d'installation des professions réglementées du droit, celles qui régissent la tarification de leurs actes sont aujourd'hui inscrites dans le code de commerce et soumises à l'avis de l'Autorité de la concurrence. Ces règles ont toutes un impact sur la restructuration des professions et le maillage des territoires : ainsi, l'écrêtement des émoluments perçus à l'occasion des transactions immobilières a fait baisser ceux-ci de 1,3 % dans les Hauts-de-Seine, de 1,7 % dans le Val-d'Oise, mais de 16,9 % dans la Creuse et de 15,4 % en Lozère.

Pour sortir de l'impasse, et par souci de simplicité, je propose de supprimer le FIADJ et sa société de financement, pour laisser les ordres professionnels organiser eux-mêmes leur péréquation interne. Ils seraient habilités, à cette fin, à prélever sur leurs membres des cotisations dont l'assiette et le taux seraient fixés par arrêté du garde des sceaux, après avis de l'Autorité de la concurrence. Nous respecterions ainsi l'objectif de la loi de 2015, qui est de veiller à l'accès aux prestations délivrées sur l'ensemble du territoire, sans nous dispenser d'une approche économique qui, à mon avis, suppose au moins que l'Autorité de la concurrence soit consultée. Cet équilibre me paraît acceptable pour les ordres professionnels comme pour la Chancellerie.

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