Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 février 2020 à 9h00
Déplacement en guyane — Examen du rapport d'information

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

La Guyane a subi des coups de boutoir terribles sur le plan de son peuplement, avec une immigration massive, mais aussi un taux de natalité élevé. Quand on demande aux jeunes filles à Saint-Laurent-du-Maroni ce qu'elles veulent faire plus tard, elles répondent « cafeuses », c'est-à-dire qu'elles veulent vivre des allocations familiales ! Nous avons là un défi régalien, mais aussi un défi sur l'évolution de nos systèmes sociaux. On rêve encore en Guyane de la société arc-en-ciel, qui est une société de métissage, mais elle est de moins en moins sous nos yeux !

Le développement économique est freiné par l'absence d'infrastructures routières. Pour aller à Maripasoula, il faut prendre soit l'avion, soit la pirogue. En construisant des routes, on désenclavera des territoires peu peuplés, mais qui deviennent des zones de non-droit, avec une économie informelle marquée par les trafics et la corruption.

Certains avancent localement l'idée de passer de l'article 73 à l'article 74 de la Constitution, afin que la Guyane soit comme la Polynésie, fasse des lois de pays et puisse exploiter les gisements d'hydrocarbures offshores et les gisements aurifères, sans être gênée par les normes conçues pour la métropole. C'est faux, car la Guyane continuerait à devoir appliquer des règles européennes qui imposent un développement durable que les populations amérindiennes réclament ; actuellement, des femmes enceintes de Papaïchton ou de Maripasoula mangent du poisson contaminé au mercure, et accouchent de bébés avec de graves pathologies. Nous avons besoin de solutions qui soient de vraies solutions. Le changement de statut ne libérera pas la possibilité d'exploiter les ressources naturelles de la forêt, de l'or ou du pétrole autant que certains en rêvent.

Nous proposons une solution intermédiaire, une loi relative à la Guyane, pour adapter l'action publique aux réalités guyanaises. Nos administrations étatiques appliquent des procédures relevant d'un logiciel hexagonal, qui ne convient pas toujours au contexte guyanais. L'efficacité de l'action publique, y compris répressive, s'en ressent fortement. La loi Guyane doit être une loi d'adaptation de l'action publique aux réalités guyanaises, mais également une loi de programmation des moyens. Les moyens engagés en Guyane, et notamment les dépenses sociales, sont très importants, mais les services publics sont submergés par l'explosion de la démographie et sont dans une situation où éviter le pire est déjà un objectif ambitieux. Cela ne les décourage pas. La République a choisi des fonctionnaires de très grande qualité en Guyane, militaires, sous-préfets, qui font preuve d'une force de caractère extraordinaire et qui nous ont fortement impressionnés. Mais ils sont trop souvent contraints par des lois inadaptées aux réalités guyanaises et par l'insuffisance de moyens, notamment humains.

Il faudrait donner un coup d'arrêt à cette situation par une loi Guyane ambitieuse de programmation et d'adaptation de l'action publique, qui permette notamment au préfet de déroger à certaines règles nationales pour renforcer l'efficacité de l'action publique. Notre rapport a pour ambition que les habitants en Guyane sachent que le Sénat de la République est attentif à leur situation et déclenche le signal d'alarme. C'est vital pour la Guyane, pour sa société arc-en-ciel, afin de limiter les coups de boutoir de l'immigration et des trafics illicites, et de donner une ambition très forte à la Guyane. Ce voyage était formidable.

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