Intervention de Jean-Pierre Philibert

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 4 février 2020 : 1ère réunion
Étude sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020 — Audition de Mm. Jean-Pierre Philibert président de la fedom laurent renouf directeur des affaires économiques et fiscales mmes justine bertheau chargée de mission pacifique et mélinda jerco chargée de mission antilles guyane saint-pierre-et-miquelon à la fédération des entreprises des outre-mer fedom

Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM) :

Vos questions sont effectivement importantes. Monsieur le Sénateur Roger, la complexité bruxelloise est déjà extrême, mais nous ajoutons la complexité de monter des dossiers. Par exemple, si vous n'avez jamais vu un dossier de demande d'aide au fret, je vous conseille de le faire, car je vous assure qu'il faut un diplôme d'expert-comptable ou de très bons conseils pour le remplir.

J'ai vu des entreprises renoncer à demander cette indemnité car elles étaient incapables de remplir les dossiers. Le montant de l'aide au fret était encore proche de 30 millions d'euros par État en 2013-2014, contre 3 ou 4 millions d'euros inscrits dans la récente loi de finances. La complexité est telle qu'elle était très peu utilisée par les entreprises.

Lorsque nous avons fait l'évaluation de l'aide fiscale à l'investissement et de la défiscalisation, nous l'avons fait sur la base de l'imprimé 2083. Ces imprimés déjà extrêmement complexes sont insuffisants pour répondre aux exigences de la Commission européenne. L'imprimé ne répond pas à des questions essentielles. Par exemple, il ne renseigne pas sur le fait d'avoir, au cours des deux ou trois dernières années, présenté une demande de défiscalisation sur le même type d'investissement. Un grief que nous fait l'Union européenne est le « saucissonnage », un investissement dépassant le seuil d'éligibilité est fractionné pour tenter de le faire passer.

Non seulement nos procédures sont complexes, mais elles sont également insuffisantes. C'est ainsi le cas avec les imprimés 2083 pour l'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Nous demandons à ce que ces imprimés soient plus simples et surtout qu'ils aillent à l'essentiel. Bercy ne semble pas y être favorable. Pour démontrer que la défiscalisation permet de répondre aux objectifs de développement de l'emploi, nous avons besoin d'imprimés plus simples et qui posent les bonnes questions.

En ce qui concerne l'octroi de mer, je savais que le sujet serait au coeur de nos débats. C'est un sujet franco-français pour l'Union européenne. On demande à la Commission de nous autoriser à avoir un taux différentiel pour protéger la production locale. L'octroi de mer est un sujet extrêmement complexe, je n'ai pas la compétence pour vous répondre.

L'outil fiscal répond à des logiques différentes : protection de la production locale, financement des collectivités, avec la question de l'impact sur le coût de la vie. Je suis plus nuancé que vous sur la vie chère. En 2012, la loi de régulation économique visait clairement à lutter contre la vie chère, pour essayer de mettre fin à une trop grande complexité de la formation des prix qui était analysée par le Gouvernement comme ayant pour origine une même structure à tous les niveaux en France. En simplifiant, la loi a obligé les entreprises qui s'y sont pliées à ne pas être à tous les bouts de la chaîne de distribution des produits.

Lorsque vous décidez comme la Guyane de protéger la production locale et que vous augmentez la taxation sur les produits surgelés en matière d'alimentation, l'octroi de mer va avoir un effet sur le panier de la ménagère. Mais je considère que protéger la production locale est essentiel, voire plus essentiel.

On me fera sûrement des reproches pour ce que je vais dire. Le blocage des ports français a généré des pénuries dans nos territoires. Par contre, nous avons mesuré l'importance de la production locale. Nous nous sommes rappelé que nous avions des légumes du pays et un certain nombre de productions locales. Nous avons fait grief à la production locale, parfois de façon très véhémente, d'être insuffisamment productrice par rapport aux besoins de la population.

Il faut trouver un équilibre. Si nous n'avions plus de production locale, nous serions pour le coup totalement une économie de comptoir. Nous pouvons organiser un dispositif en important tout et la ménagère y trouvera peut-être son compte, mais réglera-t-on le problème de l'emploi et du développement économique ? C'est un équilibre extrêmement complexe à trouver. Nous n'avons pas la réponse. Un même outil fiscal a des objectifs complètement différents et divergents.

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