Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 10 février 2011 à 21h30
Adaptation au droit de l'union européenne en matière de santé de travail et de communications électroniques — Article 13, amendement 74

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau, rapporteur pour avis :

Je voudrais expliquer à nos collègues qui demandent la suppression de l’article 13 le cheminement qui a conduit la commission de l’économie à adopter la position qu’elle défend.

Le texte qui arrive ce soir au Sénat n’est plus celui qui avait été adopté à l’Assemblée nationale. Il résulte désormais du vote de la commission de l’économie.

Qu’est-ce qui a motivé la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP ?

La régulation sectorielle en France est-elle en cause ? De l’avis général, non ! Les résultats sont même plutôt bons. La France est en effet le premier pays pour l’accès à l’ADSL, pour la télévision sur Internet ; les consommateurs français bénéficient sans doute de l’un des tarifs les plus bas du monde concernant le triple play ; nous avons une industrie performante, ce qui lui permet d’investir et, subsidiairement, de payer quelques taxes, et notre marché domestique des télécommunications est essentiellement entre les mains d’opérateurs nationaux.

Dire que ces bons points sont le résultat de la politique de l’ARCEP ou de l’ART serait sans doute aller trop loin. Reste que, par un certain nombre de ses décisions, le régulateur a eu une influence favorable sur le déploiement de l’économie numérique en France. Citons, par exemple, la décision fondatrice du dégroupage et celle sur les terminaisons d’appels, qui ont permis de multiplier ce que l’on appelle les offres d’abondance, c’est-à-dire les forfaits illimités, notamment.

J’ajoute que, sur le plan juridique, les décisions de l’ARCEP sont rarement contestées et que, quand elles le sont, elles sont encore plus rarement annulées, par le Conseil d’État lorsqu’il s’agit de décisions réglementaires, par la cour d’appel de Paris pour toutes les autres décisions.

Nous avons donc un régulateur qui n’a pas entravé le développement de l’économie numérique et qui est juridiquement fiable. La motivation n’est donc pas à rechercher dans la qualité de la régulation.

Monsieur le ministre, vous avez expliqué à l’Assemblée nationale que votre initiative tenait à la nécessité que le Gouvernement ait une relation étroite avec les autorités administratives indépendantes qui disposent d’un pouvoir réglementaire.

En effet, l’article 21 de la Constitution est clair : le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire. Celui-ci peut être délégué aux communes, par exemple, en matière de règlement d’urbanisme ou, par la loi, aux autorités administratives indépendantes. C’est le cas de l’ARCEP, dont le pouvoir réglementaire est limité, dans son champ d’application, par le législateur et, dans ses effets, par le ministre chargé des communications électroniques via l’homologation. L’homologation signifie que le ministre a le pouvoir de dire oui ou non à l’entrée en vigueur de décisions réglementaires de l’ARCEP.

Dans le cadre du pouvoir réglementaire délégué, nous n’avons donc pas vu d’obstacle à ce que le Gouvernement formalise ce lien, comme il a pu le faire pour d’autres autorités administratives indépendantes qui ont un pouvoir réglementaire, par le biais de la création d’un commissaire du Gouvernement. C’est d’ailleurs ce que Patrice Gélard avait préconisé notamment dans son rapport.

Sur le principe, donc, cette initiative est compréhensible et ne peut pas être balayée d’un revers de la main

En revanche, la commission de l’économie considère que les modalités prévues ne sont pas les meilleures, y compris dans l’amendement n° 74, qui viendra peut-être tout à l’heure en discussion.

Je m’explique.

L’ARCEP n’a pas comme unique activité de prendre des décisions réglementaires. Elle a aussi un deuxième métier, qui est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a été créée en 1997 : résoudre le conflit d’intérêt éventuel entre l’État régulateur et l’État actionnaire de l’opérateur historique de télécommunications, qui en plus détenait à l’époque un monopole.

Tout le problème est là : l’État ne doit pas mélanger les genres. Il ne peut pas être juge et partie, arbitre et joueur. C’est non seulement une question de bon sens, mais également un problème de droit. L’ARCEP doit donc faire preuve d’un haut degré d’impartialité et d’indépendance. La directive que nous cherchons à transposer renforce d’ailleurs cette exigence.

En outre, la jurisprudence communautaire est claire. Nous savons donc aujourd’hui ce que la Cour de justice de l’Union européenne entend par le terme « indépendance » appliqué aux autorités de régulation.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission de l’économie propose de dire oui au commissaire du Gouvernement – rien en droit européen ou en droit interne ne s’y oppose –, mais d’encadrer son rôle et ses prérogatives de façon stricte afin que l’État, qui a un certain nombre d’intérêts notamment dans France Télécom, ne mélange pas les genres en portant une double casquette de tutelle et d’arbitre.

Pour conclure, je rappelle que la dernière autorité sectorielle de régulation dite « asymétrique », qui a été créée en décembre 2009 et qui concerne les chemins de fer, n’a pas « bénéficié », si j’ose dire, de la présence d’un commissaire du Gouvernement.

Voilà pourquoi la commission de l’économie propose cette voie, qui lui paraît être celle de la sagesse : un commissaire du Gouvernement, mais avec des pouvoirs encadrés.

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