Je n’ai pas la passion des autorités administratives indépendantes. Beaucoup ont été créées au cours des trois ou quatre dernières années, et je crois même que leur nombre dépasse aujourd’hui la quarantaine.
Tout cela pour dire que je ne suis pas hostile à leur regroupement. Cette idée avait d’ailleurs été avancée lors de l’examen du texte sur la réforme de l’audiovisuelle avec un éventuel rapprochement du CSA et de l’ARCEP.
En revanche, je suis totalement opposé à la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP au détour de la transposition d’une directive. Introduire une telle disposition dans un texte visant à renforcer l’autonomie du régulateur frise la provocation !
Cette disposition est choquante, car on sait très bien que l’État est actionnaire majoritaire de La Poste et actionnaire principal de France Télécom, qui sont justement des sociétés qui doivent être contrôlées par ce régulateur. On imagine donc fort bien les risques de conflit d’intérêt.
Cette disposition est également inquiétante, puisque, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire sans obtenir non plus de réponse de la part de M. le ministre, on sait très bien que, derrière tout cela, il y a la question de l’attribution des fréquences issues du dividende numérique. L’État veut en effet attribuer ces fréquences en fonction de critères financiers contre la volonté du législateur, qui a privilégié l’aménagement du territoire. Il est notoire qu’il existe un désaccord entre l’État et l’ARCEP sur ce point, et l’État essaie, de cette manière, de contourner cette autorité.
On sait très bien aussi que la proposition du Gouvernement est contraire au droit européen. À cet égard, nous connaissons tous les remarques formulées à la fois par le commissaire européen et le porte-parole de la Commission ainsi que le risque de procédure d’infraction à la législation européenne encouru par la France.
Je suis d’ailleurs étonné que le Gouvernement ne s’en émeuve pas, alors qu’il s’est empressé d’agir quand il a fallu augmenter la TVA sur les offres triple play, prétendument à la demande de l’Europe. Il est vrai qu’une telle mesure devait apporter 1, 1 milliard d’euros supplémentaire dans les caisses de l’État…
M. le rapporteur pour avis, avec beaucoup de compétence et de talent, comme à son habitude, a tenté de trouver un point d’équilibre en commission. Je tiens vraiment à rendre hommage à son travail. Néanmoins, on voit bien que cela ne suffit pas au Gouvernement, qui veut faire table rase du travail de la commission et revenir à son texte initial.
Dans ces conditions, il est préférable de supprimer purement et simplement ce commissaire du Gouvernement, car on voit bien que le Gouvernement a une telle volonté de reprise en main que même le dispositif équilibré proposé avec beaucoup de sagesse par M. le rapporteur pour avis ne lui donne pas satisfaction.
Les cinq amendements de suppression de l’article 13, déposés aussi bien par le groupe centriste, le groupe socialiste, le groupe CRC-SPG, le groupe RDSE que par plusieurs de nos collègues UMP, montrent bien que ce commissaire du Gouvernement fait l’unanimité contre lui.
Il faut dire que la manière dont on veut nous l’imposer crée un malaise. C’est donc aussi une question de méthode. Si les choses avaient été présentées différemment, nous n’en serions peut-être pas là.
Lorsque le président du Sénat déclare dans un entretien qu’il préfère encore nommer des politiques au sein des autorités administratives indépendantes plutôt que des commissaires du Gouvernement, il se fait l’écho du malaise que nous ressentons tous dans cette assemblée.
Je rappelle que le Sénat est particulièrement attaché aux libertés individuelles. Or on sent bien ici qu’il y a une volonté de reprise en main de la part de l’État, ce que nous ne pouvons accepter.