Cela a été rappelé en début de séance : la méthode employée pour ce projet de loi laisse à désirer. Quant à la tactique de M. le ministre sur l’article 13, elle pose encore plus question. En ayant introduit cette disposition controversée par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, le Gouvernement échappe à l’avis du Conseil d’État. Comme s’il craignait de se faire taper sur les doigts !
Mais, si le Conseil d’État n’a pas eu la parole, la Commission européenne, elle, a émis de sérieuses réserves. Neelie Kroes, commissaire chargée de la stratégie numérique, a demandé que la décision de créer un poste de commissaire du Gouvernement auprès de l’autorité administrative indépendante de régulation ne soit pas prise dans l’urgence. Une telle décision doit en effet être mûrement réfléchie.
Pourquoi le Gouvernement veut-il davantage peser dans les prochains dossiers de l’ARCEP ? Cette autorité est déjà composée d’un collège de sept membres : trois d’entre eux sont désignés par le Président de la République, les autres le sont par les présidents des deux assemblées. Rien n’empêche ces derniers – tel est d’ailleurs le souhait du président du Sénat – de nommer des politiques au sein de ce collège. Cela ne nuit pas à l’indépendance de l’ARCEP.
En revanche, si un commissaire du Gouvernement était nommé, cela changerait la donne. On connaît le bras de fer qui a opposé le Président de la République à l’ARCEP lors de la désignation du quatrième opérateur de téléphonie mobile. Il y a fort à parier que, si le Gouvernement avait disposé d’un relais au sein de l’ARCEP, les décisions prises auraient été plus arrangeantes pour les amis du pouvoir !
De plus, le collège de l’ARCEP ne serait plus totalement maître de son agenda. D’ailleurs, ce point est en contradiction manifeste avec les directives européennes, qui prévoient que les autorités de régulation nationales agissent en toute indépendance et ne sollicitent ni n’acceptent d’instruction d’aucun autre organe.
Les garanties qu’a introduites M. le rapporteur pour avis dans le texte de la commission me semblent légères. J’imagine mal le commissaire du Gouvernement sortir de la salle de réunion selon la nature des délibérations et le degré de secret des informations !
Outre la question de l’agenda de l’ARCEP, se pose également celle des conflits d’intérêt. L’État est actionnaire de France Télécom et de La Poste. À terme, cela sera source d’ambiguïtés.
Prenons garde à la confusion des rôles et des intérêts de l’État régulateur et de ceux de l’État tuteur ou actionnaire. Ces deux missions doivent demeurer séparées, sauf à porter atteinte à la crédibilité du régulateur comme à celle du Gouvernement.
Mes chers collègues, afin que nous nous conformions à la législation européenne, je vous invite à vous opposer à la création d’un poste de commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, symbole de l’ingérence dans une autorité qui se doit d’être indépendante.