Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 25 février 2020 à 14h30
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Article additionnel après l'article 12

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Voilà à peu près un mois, M. Jacques Bigot vous interrogeait, madame la garde des sceaux, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, sur l’avenir de la profession d’avocat et, surtout, du régime de retraite des avocats. Vous vous étiez montrée rassurante. Aujourd’hui, je suis obligé de vous dire que nous ne sommes guère rassurés !

L’article 12 du présent projet de loi, que ce soit dans la version initiale du Gouvernement ou dans le texte issu des travaux de la commission, vise à garantir l’accès au droit et à la justice, en assurant une couverture du territoire par les notaires et les commissaires de justice.

Aujourd’hui, l’accès au droit pour tous les justiciables dépend également du bon vouloir des avocats, vous le savez bien. Les auxiliaires de justice continuent d’exercer leurs missions d’assistance dans le cadre de la commission d’office et de l’aide juridictionnelle, alors que ces activités ne sont pas rémunérées convenablement par l’État.

Depuis plusieurs semaines, les avocats de France sont mobilisés dans une grève sans précédent contre le projet de réforme des retraites. L’une de leurs revendications porte sur leur refus de se voir imposer un doublement de leur taux de cotisation, qui est actuellement de 14 % et qui devrait être porté, en 2029, à 28 %. Ils expliquent que de nombreux petits cabinets disparaîtront, asphyxiés par cette hausse des cotisations retraite.

« Afin d’éviter les hausses de cotisation pour les avocats les plus vulnérables » et « de préserver l’équilibre économique des cabinets d’avocats », le Gouvernement, sous votre plume, madame la garde des sceaux, explique avoir déposé un amendement visant à instaurer « un dispositif de solidarité géré par la Caisse nationale des barreaux français, le CNBF ».

Selon le Gouvernement, la hausse de cotisation serait prise en charge « pour les avocats dont le revenu serait inférieur à 80 000 euros ». Il faut se reporter au texte de l’amendement présenté par le Gouvernement pour comprendre que cette prise en charge serait faite par la CNBF elle-même ! Selon les termes des avocats, vous procédez ainsi à une « nationalisation de [leurs] réserves ».

« L’institution judiciaire est une vraie clocharde », dénonçait lundi 24 février sur Franceinfo l’avocate Caroline Mecary, membre du Syndicat des avocats de France (SAF). Cette réforme serait, selon elle, « parfaitement injuste ». Le 3 février dernier, vous le savez, après une première mobilisation qui avait comptabilisé 20 000 robes noires, ce sont 15 000 avocats qui foulaient le pavé parisien.

Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré devant le Sénat, le 17 octobre 2018, dans le cadre du débat sur la loi de réforme pour la justice, être consciente de l’enjeu et vouloir y travailler avec la profession. Depuis lors, je me permets de vous le dire, rien n’a été fait. Le Gouvernement accepte ainsi que cette mission indispensable au bon fonctionnement de la justice soit tributaire du professionnalisme et de l’engagement des avocats envers les justiciables. Cela n’est pas possible !

Aussi, madame la garde des sceaux, il paraît imbécile – permettez-moi d’employer ce terme un peu vulgaire, je le reconnais – de vouloir s’attaquer à leur régime actuel de retraite, qui est autonome, équilibré, pérenne, solidaire et prévoyant.

Le présent amendement vise donc à reconnaître cette profession, y compris dans ses droits en matière de retraite.

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