Il faut aussi saluer les bonnes nouvelles bruxelloises qui parviennent jusqu’à Paris.
L’introduction du procureur européen délégué dans notre procédure pénale rouvre en outre le débat franco-français sur le fonctionnement de nos juridictions pénales, qui a émergé à l’occasion de l’affaire d’Outreau.
Faut-il maintenir un système dual ? Envisager la suppression du juge d’instruction ? Et renforcer, le cas échéant, les contre-pouvoirs face au procureur ? Dans cette mouture en effet, les droits de la défense face au procureur européen ont été adaptés en conséquence.
En réalité, l’examen de ce texte semble avoir ouvert plus de questions qu’il n’a apporté de réponses. Certes, le titre II permet des ajustements sûrement bienvenus après la création en urgence des parquets nationaux financier et antiterroriste. Et le titre III permet de maintenir des dispositifs remis en cause par des décisions du Conseil constitutionnel.
Ces ajustements doivent cependant nous conduire à repenser la manière de légiférer dans une matière régalienne comme la justice.
Ces dernières décennies, plusieurs réformes ont été décidées dans l’urgence, en réaction à des crises majeures – affaire Cahuzac, attentats –, et l’on se trouve aujourd’hui obligé de remettre la main à l’ouvrage pour consolider des dispositions écrites très rapidement. Les réformes de la justice n’échappent pas à la procédure accélérée, ce nouveau texte en est une fois de plus l’exemple.
En parallèle, des questions fondamentales n’ont toujours pas été tranchées : je viens de parler des équilibres institutionnels au sein des juridictions pénales et de la réforme de l’indépendance du parquet qui n’a toujours pas eu lieu.
De même, la spécialisation des juridictions pose un problème d’accès à la justice, alors même que la carte judiciaire a été réformée pour être adaptée à la réorganisation territoriale. Soyons vigilants à rester totalement cohérents, et à ne pas renforcer les déséquilibres qui fragmentent déjà le territoire français en poursuivant la concentration administrative en région parisienne.
Il faut enfin évoquer la question de la justice environnementale, un sujet qui prend de l’ampleur et qui mobilisera de plus en plus de magistrats dans les années à venir. Lorsque ces conflits ne sont pas pris en charge par nos tribunaux, ils s’expriment dans la violence et la provocation, parfois même dans l’illégalité.
Des marges d’amélioration existent, comme l’ont montré les auteurs du rapport Une justice pour l ’ environnement, achevé en octobre 2019. Elles concernent non pas seulement le volet pénal, mais également les juridictions civiles et administratives.
C’est pourquoi nous espérons que la navette parlementaire permettra de renforcer les outils des juridictions, sur la base des nombreuses pistes proposées par notre groupe, en particulier par notre collègue Joël Labbé.
Certaines dispositions du titre III, enfin, ne se rattachent ni à l’objectif d’instauration d’un Parquet européen ni au renforcement des juridictions spécialisées. De ce point de vue, elles ne nous semblent pas avoir leur place dans le texte aujourd’hui en discussion.
En conclusion, la grande majorité de mon groupe votera ce texte, tandis que quelques-uns s’abstiendront au regard des réserves que j’ai exprimées en leur nom.