Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 3 mars 2020 à 14h30
Congé de deuil pour le décès d'un enfant — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a souhaité se saisir pour avis de la proposition de loi déposée par notre collègue député Guy Bricout, afin de permettre aux agents publics de bénéficier des mêmes garanties que celles qui sont prévues pour les salariés de droit privé, dans une situation particulièrement douloureuse.

Quelles sont les différences entre le secteur public et le secteur privé ?

Lorsqu’ils perdent un membre de leur famille, les agents publics peuvent bénéficier d’autorisations spéciales d’absence (ASA). La durée de celles-ci varie toutefois d’une fonction publique à l’autre.

Dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale, la durée des ASA est laissée à la libre appréciation des employeurs ; chaque collectivité territoriale délibère sur sa propre doctrine.

Quant aux agents de l’État, ils peuvent s’absenter, en cas de décès de leur enfant, pendant trois jours ouvrables, majorés de deux jours afin de tenir compte des délais de transport nécessaires pour se rendre aux obsèques. Toutefois, ces autorisations constituent non pas un droit, mais une simple « mesure de bienveillance » de la part de l’administration, que les chefs de service peuvent accorder à titre facultatif, contrairement à ce qui se passe dans le secteur privé. Cette durée de trois jours est donc inférieure au congé de deuil dans le secteur privé.

Dans le secteur public, les autorisations spéciales d’absence sont assimilées à un temps de travail effectif mais ne produisent aucun droit à congé payé, contrairement à ce qu’il se passe dans le secteur privé ; en outre, les agents peuvent perdre certaines de leurs primes.

La proposition de loi de notre collègue Bricout a été malmenée à l’Assemblée nationale. Le texte issu de la première lecture constitue une occasion manquée à un double titre : avec l’accord du Gouvernement, les députés ont supprimé l’allongement du congé de deuil dans le secteur privé et ils ne se sont pas préoccupés des 5, 33 millions d’agents publics, qui représentent pourtant 21 % de la population active.

Nous souhaitons donc, à la faveur de l’examen du texte par la Haute Assemblée, corriger ces deux lacunes afin de mieux accompagner les parents endeuillés. Du reste, les employeurs publics que j’ai auditionnés semblent tout à fait favorables à cette manifestation de solidarité.

La commission des lois a adopté deux amendements visant à offrir les mêmes garanties aux agents publics – fonctionnaires ou contractuels – qu’aux salariés de droit privé.

Le premier amendement avait pour objet de recourir aux ASA sans qu’il soit besoin de créer de nouveaux congés. Ce choix, plus simple du point de vue juridique, permet d’appliquer la mesure à l’ensemble des catégories d’agents publics, y compris lorsqu’ils sont contractuels.

Il était prévu une première autorisation spéciale d’absence de cinq jours ouvrés, quel que soit l’âge de l’enfant, au moment du décès, sans possibilité de fractionnement, et une seconde, de dix jours ouvrables, lorsque l’enfant est âgé de moins de 25 ans ou à charge. Cette seconde ASA pouvait être fractionnée, dans un délai de six mois à compter du décès, les jours non consommés ne pouvant être reportés ni figurer dans un compte épargne-temps.

Ces autorisations spéciales d’absence étaient accordées de droit et étaient assimilées à un temps de travail effectif, les agents conservant leur traitement indiciaire ainsi que leurs droits à formation et à la retraite. Par cohérence avec le secteur privé, elles entraient également en compte pour le calcul des congés payés.

Les dispositions adoptées par la commission des lois ont été amendées par la commission des affaires sociales pour les mettre en conformité avec celles qui s’appliquent au secteur privé.

Ainsi, la première ASA serait de cinq jours ouvrables lorsque l’enfant a au moins 25 ans, et elle serait portée à sept jours ouvrés si l’enfant a moins de 25 ans ; la seconde ASA serait de huit jours fractionnables, à prendre dans un délai d’un an. Je m’en remets à la décision de la commission des affaires sociales.

Le Gouvernement a prévu de prendre en charge une partie des autorisations d’absence, dans des conditions définies par décret. Pour que les choses soient plus claires, pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, préciser le dispositif envisagé pour la fonction publique ?

Nous avons une divergence avec la commission des affaires sociales à propos de la notion d’« enfant à charge », retirée sur la suggestion du Gouvernement. Ce critère, qui était présent dans la version initiale de la proposition de loi, permet pourtant d’inclure dans le dispositif les enfants qui, sans avoir de filiation directe avec les salariés, sont à la charge de ces derniers. Il est conséquent pour les familles recomposées, de plus en plus nombreuses, car il couvre les enfants du conjoint, du partenaire de PACS ou du concubin.

Certains de mes amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Toutefois, le Gouvernement a finalement déposé des amendements visant à inclure les enfants à charge dans l’ensemble des dispositifs ; je me réjouis que mes arguments aient été entendus et je vous remercie, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État.

Le second amendement de la commission des lois visait à autoriser les agents civils et militaires à donner des jours de repos ; il a été intégré au texte de la commission, je vous en remercie, madame la rapporteure.

Néanmoins, il serait utile de simplifier les procédures, afin d’encourager les agents publics à donner des jours de repos. Certaines règles semblent, en effet, superfétatoires, comme la nécessité d’obtenir l’accord de son chef de service. Une simple obligation d’information pourrait suffire, sans que cela remette en cause le bon fonctionnement du service. C’est ce que je vous proposerai au cours de l’examen du texte.

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