Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, en France, près de 6 000 enfants décèdent, souvent avant l’âge de 1 an.
Permettez-moi de citer Christian Bobin : « Pour être dans une solitude absolue, il faut aimer d’un amour absolu. » C’est bien cette tragédie de la solitude absolue que les parents endeuillés ont à affronter.
Nous nous retrouvons aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d’un enfant. Déposé par notre collègue député Guy Bricout et le groupe UDI, Agir et Indépendants, ce texte comportait initialement un article unique, lequel visait à allonger le nombre de jours de congé légalement octroyés lors de la survenance d’un décès d’un enfant mineur, le faisant passer de cinq à douze jours successifs.
Chacun connaît le contexte particulier dans lequel nous avons été saisis de ce texte. Avant d’aller plus loin, je tenais avant tout à exprimer ma compréhension de l’émoi suscité par les débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale à la fin du mois de janvier dernier.
Il n’existe pas de bonnes réponses à l’indicible. La législation ne fait pas exception. Qui serions-nous pour nous indigner des maladresses qu’il a pu y avoir sur les bancs de l’Assemblée nationale ? Qui serions-nous pour imaginer que qui que ce soit puisse être insensible à la nouvelle de la mort d’un enfant ?
Au reste, ces maladresses ont permis de mettre en lumière les difficultés et le besoin d’accompagnement de la part des pouvoirs publics, en complément de l’action du tissu associatif, qui est très présent sur ces questions et dont je salue le travail. Ce sont les associations qui nous ont montré combien les démarches administratives pouvaient ajouter de la souffrance à la souffrance et à quel point l’absence des pouvoirs publics à cette période était flagrante.
Pour encore mieux comprendre, quelques parlementaires, de différents partis politiques – certains nous font le plaisir d’être présents parmi nous aujourd’hui –, accompagnés de la ministre Muriel Pénicaud et du secrétaire d’État Adrien Taquet, ont entrepris des concertations avec les acteurs associatifs et les organisations syndicales et patronales.
Ces concertations ont permis de dégager six pistes de réflexion : un répit de deuil de quinze jours ouvrés, une aide financière aux obsèques de l’enfant, un parcours administratif facilité, un accompagnement psychologique de plein droit, une protection contre le licenciement et une adaptation des conditions de travail, une sensibilisation sociétale au deuil.
Ce travail a été remis à Mme la rapporteure. Il est venu en complément des auditions que celle-ci a effectuées dans le cadre de sa mission. J’en profite pour souligner le travail remarquable qu’elle a réalisé, en parfaite intelligence et dans un consensus transpartisan.
Tout en louant ce travail, la commission des affaires sociales a adopté un certain nombre d’amendements. Il me paraît important d’en rappeler les points saillants : l’allongement de cinq à quinze jours du congé de deuil pour le décès d’un enfant âgé de moins de 25 ans – désormais, les sept premiers jours seront à la charge de l’employeur et les huit jours restants, qui pourront être pris consécutivement ou de manière fractionnée dans un délai d’un an, seront pris en charge par la solidarité nationale ; l’application de ce dispositif de manière universelle, aussi bien aux fonctionnaires qu’aux actifs non salariés ; une aide financière universelle versée par l’État, à laquelle s’ajoutera une aide modulable versée par les CAF afin de participer aux coûts des obsèques ; le maintien des prestations familiales jusqu’à trois mois après le décès ; l’automaticité du maintien de la prise en compte de l’enfant décédé dans le calcul du RSA ; l’expérimentation permettant la prise en charge par l’assurance maladie d’un accompagnement psychologique lorsque les parents ou les frères et sœurs en font la demande ; la protection contre le licenciement jusqu’à treize semaines suivant le décès d’un enfant âgé de moins de 25 ans, en plein accord avec les organisations patronales.
La présente proposition de loi vise à permettre aux parents qui vivent un tel drame d’entamer un travail de deuil sans subir de contraintes administratives disproportionnées et tend, dans la mesure du possible, à alléger le poids financier lié au décès.
Pour autant, il me paraît important d’insister sur la nécessité d’étudier le retour au travail pour les parents qui ont été confrontés à cette perte. Ma volonté, qui n’a pas été retenue par la commission, était d’inviter les partenaires sociaux à réfléchir ensemble sur ce point.
Malgré un début d’examen chaotique, ce texte démontre que, sur un sujet aussi sensible, les parlementaires sont capables, ensemble, de dépasser les clivages et de prendre la pleine mesure des difficultés que peuvent rencontrer les familles concernées. Il démontre aussi, à titre accessoire, l’importance du bicamérisme.
« Pour être dans une solitude absolue, il faut aimer d’un amour absolu. » Souhaitons que cette proposition de loi mette en évidence combien la Nation se doit d’accompagner celles et ceux qui subissent cette indicible souffrance.