Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la perte d’un enfant est la plus douloureuse épreuve que peut rencontrer un parent dans la vie, parce que c’est un deuil contre nature.
Pour y faire face, les salariés disposent actuellement d’un congé de cinq jours, pris en charge par leur employeur. Cette durée est nettement insuffisante pour couvrir les nombreuses démarches nécessaires aux obsèques de l’enfant et permettre aux parents de se relever. Les salariés concernés n’ont alors pas d’autre solution que de prendre des congés décomptés sur leurs vacances ou de demander un arrêt maladie. Dans ce dernier cas, les trois jours de carence s’appliquent, avec les conséquences financières induises. Au final, les parents qui font face à la perte d’un enfant restent peu soutenus par les pouvoirs publics.
La proposition de loi de notre collègue député, M. Bricout, vise à remédier à cette situation en étendant la durée du congé à douze jours ouvrables en cas de décès d’un enfant mineur, ou à charge, au sens du droit de la sécurité sociale.
En effet, les parents endeuillés ne sont généralement pas en mesure de reprendre leur travail à l’issue des cinq jours prévus dans le code du travail. Face au deuil d’un enfant, les parents prennent en moyenne trente-cinq jours d’arrêt maladie.
La durée de cinq jours actuellement en vigueur est bien inférieure à celle qui est appliquée au Royaume-Uni, où, depuis l’adoption du Parental Bereavement Act, certains salariés peuvent bénéficier de deux semaines de congé de deuil pendant lesquelles ils sont rémunérés. L’employeur a l’obligation de verser à son employé sa rémunération habituelle. Ces jours peuvent être pris de manière discontinue. En Suède, la loi autorise un congé parental de dix jours pendant lequel la sécurité sociale prend en charge la rémunération du salarié.
Le congé de deuil pour le décès d’un enfant a fait l’objet de débats houleux à l’Assemblée nationale. Les députés du groupe La République En Marche ont vidé le texte de sa substance. Je tiens à vous faire part de mon indignation en tant qu’élue, en tant que médecin et en tant que mère. Évidemment qu’on ne peut pas déterminer le deuil d’un enfant en nombre de jours ! Mais cette proposition de loi est une façon de reconnaître les souffrances de ces parents et de ces familles ; au-delà des parents endeuillés, il y a parfois des frères et des sœurs qui ont aussi besoin que leurs parents s’occupent d’eux.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit, à condition qu’un accord collectif l’autorise, que le salarié pourra prendre tout ou partie des jours de congés annuels ou de RTT dont il dispose au moment de la perte d’un enfant. Mais les congés payés ne sont pas faits pour permettre aux salariés de se remettre du décès d’un enfant. Cette position est incompréhensible.
La seule évolution, mesquinement consentie par les députés En Marche, est l’impossibilité pour l’employeur de s’opposer, dans le meilleur des cas, à ce que le salarié prenne ses congés annuels à la suite de son congé de deuil.
C’est donc à la Haute Assemblée qu’il revient d’humaniser ce texte, avec le soutien du Gouvernement qui consent désormais à reconnaître le manque d’humanité de la version votée par les députés de la majorité.
La commission des affaires sociales a su faire preuve de compassion. Elle a augmenté la durée du congé pour événement familial, rémunéré par l’employeur, à sept jours ouvrés en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans.
Une période d’absence supplémentaire de huit jours en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans a été créée, portant ainsi le total des droits d’absence des salariés concernés à quinze jours.
Cette autorisation d’absence, appelée pour l’instant « congé de répit », pourra être prise séparément du congé pour événement familial dans le délai de douze mois suivant le décès. À la différence du congé pour événement familial, la rémunération de ces huit jours d’absence pourra être partiellement prise en charge par la solidarité nationale. En pratique, le salaire sera maintenu par l’employeur et fera l’objet d’un remboursement par la sécurité sociale sous la forme d’indemnités journalières.
En commission des affaires sociales, nous avons étendu ce congé aux travailleurs indépendants et aux agents publics. Le texte prévoit également le maintien des droits aux prestations familiales pendant un délai déterminé après le décès d’un enfant, ainsi que le maintien de la prise en compte de l’enfant au titre des droits au RSA.
Enfin, à la suite de l’adoption d’un amendement de ma collègue Catherine Deroche, ce texte crée une allocation forfaitaire versée automatiquement aux familles en cas de décès d’un enfant à charge.
Je tiens à saluer le travail remarquable des rapporteurs Élisabeth Doineau et Catherine Di Folco, ainsi que celui des associations qui soutiennent les familles endeuillées.
Le Sénat s’honore d’avoir fait preuve d’humanité et de fraternité.