Intervention de Bernard Bonne

Réunion du 3 mars 2020 à 14h30
Congé de deuil pour le décès d'un enfant — Discussion générale

Photo de Bernard BonneBernard Bonne :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en modifiant largement, à l’Assemblée nationale, le 30 janvier dernier, la proposition de loi visant à étendre de cinq à douze jours le congé de deuil pour les parents confrontés à la mort de leur enfant, la majorité a démontré, s’il en était encore besoin, son entêtement et une absence totale de sens politique face à un texte qui aurait dû emporter l’adhésion de tous.

Plus grave encore, le compte rendu des débats révèle aussi le degré de dysfonctionnement et d’amateurisme du Gouvernement, qui aurait pu, en déposant un amendement, transférer la charge financière des entreprises à la solidarité nationale. La polémique aurait ainsi été largement évitée.

De même, le texte adopté était complètement inadapté à la situation des petites entreprises, des artisans et indépendants, ou à la fonction publique.

La proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale n’offrait aux parents endeuillés que la possibilité de prendre des jours de congés légaux ou de RTT au-delà des cinq jours de congé de deuil actuels et permettait à leurs collègues de leur céder des jours de RTT, le tout sur la base d’accords collectifs ou de branche.

Je ne reviendrai pas sur l’indignation qui a suivi. En tout état de cause, madame la ministre, vous avez vous-même qualifié ce texte d’« erreur collective ». La polémique a ensuite donné lieu à une véritable surenchère, à la fois dans les déclarations du Président de la République, qui demandait de faire preuve d’humanité, et de la majorité. Le Gouvernement a ensuite souhaité apparaître comme le plus donnant, en proposant notamment un plan global d’accompagnement des familles endeuillées.

Alors, après avoir refusé les douze jours, on passait à quinze… Et pourquoi pas davantage ? Quel que soit le nombre de jours donnés, il est bien évident que la douleur des familles ne s’éteindra jamais. Attention donc à ne pas tomber dans une sorte de contagion des émotions.

En commission des affaires sociales, nous avons examiné plusieurs amendements du Gouvernement reprenant, pour une large part, les dispositions contenues dans une proposition de loi déposée en juillet 2019 par notre collègue Catherine Deroche et collant, là aussi, aux propositions de notre rapporteure Élisabeth Doineau – preuve, s’il en était besoin, que le Sénat n’est pas déconnecté des préoccupations et des difficultés que peuvent rencontrer nos concitoyens.

Les dispositions votées en commission me semblent en effet répondre à une réelle demande des parents endeuillés, notamment l’allongement à sept jours du congé actuellement prévu par le code du travail et pris en charge par l’employeur et la création d’un congé de deuil supplémentaire de huit jours pris en charge, pour partie, par la sécurité sociale.

Mais cessons de parler de « congé de répit ». De répit, il n’y en aura plus jamais pour ces parents. Il s’agit d’un congé de deuil, et rien d’autre. Permettez-moi, cependant, d’émettre quelques réserves sur le fait que ce congé soit fractionnable et qu’il puisse être pris plus tard dans l’année suivant le décès de l’enfant.

Pour autant, les mesures de protection votées qui prennent en compte la difficulté de ces parents à reprendre le travail après cette douloureuse épreuve – je pense à la protection contre les licenciements durant une période de treize semaines, à la suppression du délai de carence en cas d’arrêt maladie et au suivi psychologique proposé – vont naturellement dans le bon sens.

Enfin, et surtout, il me paraissait très important d’étendre à l’ensemble des actifs, salariés du secteur privé, mais aussi travailleurs indépendants et agents publics, le nouveau dispositif.

Je salue donc ici l’unanimité qui a prévalu en commission. Elle est la preuve que le fait de prendre le temps d’être à l’écoute et de ne pas se contenter d’une approche technocratique et purement financière permet de trouver des réponses adaptées qui emportent l’adhésion de tous.

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