Intervention de Roland Courteau

Réunion du 27 septembre 2010 à 21h30
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

En fait, plusieurs lois ont transposé les directives européennes, en 2000, en 2003, en 2004 et en 2006. Oh ! je sais que l’on va me dire qu’un gouvernement de gauche était aux commandes en 2000. Effectivement ! Mais je vous rappelle que la directive a été transposée a minima, en mettant tout en œuvre pour préserver le service public de l’électricité.

J’entends encore les cris d’indignation de sénateurs ou de députés de droite de l’époque. Par exemple, notre ex-collègue Revol, rapporteur de ce projet de loi, n’a pas cessé de dénoncer le choix du gouvernement Jospin d’effectuer « une transposition tardive et insuffisamment libérale ». Il regrettait que la France choisisse de limiter au minimum le degré d’ouverture du marché aux professionnels. Par exemple, à l’Assemblée nationale, M. Borotra, ancien ministre, s’exclama fièrement : « Le projet de loi que vous nous présentez est la transcription, à votre façon, d’une directive que j’ai eu l’honneur de négocier au nom du Gouvernement. » Et il ajouta que ce projet de loi était « un parcours d’obstacles pour limiter l’exercice de la concurrence et vider de l’essentiel de son contenu la libéralisation du marché ».

Voilà qui est clair !

Combien de parlementaires de droite s’étaient réjouis, en novembre 2002, lorsque la ministre Nicole Fontaine accepta l’ouverture totale du marché à la concurrence. Je me souviens que l’on se congratulait alors à droite : on se félicitait même de ce compromis qui n’était en fait rien d’autre qu’une capitulation. La suite, on la connaît, et il a bien fallu déchanter !

Depuis, d’ailleurs, on n’arrête pas de légiférer, de rapiécer et d’administrer des soins palliatifs. Combien de textes depuis 2000 ? Huit ? Neuf ? Dix ? Et combien d’autres après le présent projet de loi ?

Et pour nous convaincre qu’avec le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, ou NOME, nous allons entrer dans un monde merveilleux, l’étude d’impact du Gouvernement, aveuglément optimiste, tente de nous faire croire que tout le monde sera gagnant. Un monde merveilleux, vous dis-je, avec plus de visibilité, plus d’incitation à investir, plus de garanties pour les consommateurs, uniques bénéficiaires de bas coûts de l’électricité et, bien évidemment, aucun effet d’aubaine ! La réalité, hélas ! ne sera pas si idyllique.

Concernant, par exemple, la visibilité annoncée par l’étude d’impact, à y regarder de plus près, nous serions plutôt dans le brouillard des incertitudes, mais nous y reviendrons ultérieurement. En fait, l’expérience nous montre que plus un dispositif est complexe, plus il conduit à un grand nombre de changements, donc à une moindre visibilité, toutes choses nuisibles à l’économie !

Quel sera ensuite l’effet NOME sur les investissements ? Négatif, affirment certains économistes. L’étude d’impact se contente d’affirmer, sans le démontrer, que la NOME induira des incitations appropriées… Nous sommes peut-être éblouis, mais pas éclairés pour autant !

De plus, de façon surprenante, la NOME, qui se présente comme un dispositif transitoire, ne prévoit aucun mécanisme crédible de sortie de la régulation, comme une décroissance progressive et échelonnée des volumes de l’ARENH, cédés aux fournisseurs alternatifs. À l’exception d’un éventuel rapport qui, en 2015, pourrait se pencher sur ce problème, vous ne prévoyez même pas leur sevrage. Ils voudront donc conserver le biberon le plus longtemps possible. Mais alors, quel intérêt auront-ils à investir ?

EDF sera-t-elle incitée à investir, si supportant 100 % des risques, elle doit céder une partie de ses bénéfices à ses concurrents ? Dès lors, notre système électrique ne va-t-il pas connaître des défaillances ?

Avant de conclure, je souhaiterais soulever un dernier problème : ce projet de loi pourrait bien constituer aussi une source d’insécurité juridique au niveau européen.

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