Le monde agricole et agroalimentaire fait un travail formidable pour approvisionner les Français, mais manque de bras. Les salariés de la grande distribution sont très mobilisés mais il faut assurer les livraisons. Or, par manque de salariés et en raison de retours à vide, de nombreux transporteurs ont augmenté les coûts de livraison, qui se reportent sur les industriels, déjà pénalisés par la crise. Ce n'est pas à eux de payer, mais à l'État. Pourquoi ne pas proposer des péages gratuits le temps du confinement, ce qui permettrait des livraisons plus rapides, moins coûteuses, et garantirait le modèle économique des transporteurs, tout en bénéficiant également aux salariés des secteurs essentiels, notamment les personnels soignants ?
Depuis trois ans, avec plusieurs de mes collègues, nous demandons sans cesse plus de retenue lors des débats environnementaux que nous avons dans l'hémicycle. Nous invitons à la mesure dans la condamnation du modèle agricole conventionnel et l'appel au « tout-bio ». Depuis des années, nous appelons à limiter l'addiction normative qui pénalise notre compétitivité. Depuis quelques mois, nous plaidons pour plus d'objectivité dans le procès à charge fait aux emballages plastiques.
Et pourtant, en quelques jours, face à cette crise sanitaire sans précédent, les choses ont radicalement changé : les consommateurs, par souci d'économies, de temps, ont recentré leurs achats alimentaires sur des produits basiques comme le beurre, la crème ou le lait UHT et la viande française, délaissant les produits haut de gamme, AOP ou bio, mettant en lumière la vulnérabilité de ces filières. L'autosuffisance alimentaire, en qualité et en quantité, revient à l'ordre du jour.
La volonté farouche de supprimer tous les emballages, de revenir au vrac, a été balayée en quelques jours par l'exigence de la grande distribution - donc des consommateurs ! - de remettre des emballages partout, voire plus qu'avant la loi relative à l'économie circulaire, pour des raisons sanitaires.
Il y aura un avant et un après coronavirus ; nous devrons en tirer les leçons pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Le Gouvernement en est-il conscient ? Ne faut-il pas décaler voire annuler dès aujourd'hui les mesures qui devaient entrer en vigueur. Alors que ses commandes explosent, un chef d'entreprise dans l'industrie plastique se plaint que vos services lui enjoignent de répondre à un long questionnaire sur la stratégie 2040 d'ici le 15 mai. Nul besoin de rajouter de tels tracas administratifs.