Intervention de Claude Raynal

Réunion du 21 avril 2020 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous étudions aujourd’hui le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, dans un contexte à la fois très similaire et très différent du premier. Très similaire, car le pays est toujours confiné et nous sommes toujours en train de lutter contre cette maladie qui le paralyse largement. Mais aussi très différent, car ce deuxième texte nous est soumis alors que nous en savons aujourd’hui davantage sur les conséquences économiques possibles de la pandémie.

Lors du premier PLFR, notre groupe, par la voix de Thierry Carcenac, avait fait part de ses réserves sur le cadrage macroéconomique présenté par le Gouvernement. Les données présentées dans ce deuxième texte le confirment : 9, 1 % de déficit attendu pour 2020, 115 % de dette et 8 % de récession. Nous espérons tous que ces chiffres pourront être revus positivement dans les semaines et les mois qui viennent, en tout cas qu’ils ne s’aggravent pas encore, mais ce scénario semble à ce stade cohérent et pertinent.

Se pose dès lors la question, parmi mille autres, de l’impact de la stratégie de déconfinement sur la reprise de l’activité économique. Je veux dire à cet égard, même si je conviens qu’il ne s’agit pas du cœur du sujet, que nous partageons les craintes exprimées par le Haut Conseil des finances publiques : estimer que l’essentiel de l’impact économique concernera le premier semestre de l’année et que le retour à la normale pourrait être rapide et complet nous semble être un pari certes positif, mais risqué quant à l’avenir… et au niveau de nos finances publiques.

Puisque nous abordons la question des chiffres, je voudrais également vous mettre en garde, messieurs les ministres, comme nous l’avons fait dès le premier PLFR, sur le vocabulaire qu’emploie le Gouvernement durant cette crise. Le climat est suffisamment anxiogène pour nos concitoyens pour ne pas ajouter, au-delà des polémiques portant sur la gestion de la pandémie, celles sur les chiffres. Laisser penser que vous injectez 110 milliards d’euros est une manière particulièrement biaisée de présenter les choses. Il y a tout d’abord les 20 milliards d’euros de participations financières de l’État dont on ne sait pas encore s’il s’agit d’une dépense réelle. À ce stade, il s’agit avant tout d’une provision permettant d’agir autant que de besoin pour renforcer nos entreprises. De plus, l’expérience passée montre que ces prises de participation sont, au final, rentables pour l’État. Il y a également 50 milliards d’euros qui relèvent d’avances de trésorerie et pas de dépenses réelles. Il y a également 8 milliards d’euros, au bas mot, qui sont assumés non pas par l’État directement, mais par l’Unédic, même si l’État en assume le portage à ce stade, et 8 milliards d’euros de plus qui sont portés par le budget social et non par le budget général de l’État – je reviendrai plus loin sur ce point.

Je vous épargne l’analyse au milliard près, mes chers collègues, mais je crois que tout le monde comprend l’idée générale : n’en faisons pas trop avec les chiffres, messieurs les ministres, ou plus exactement adoptons moins d’emphase et plus de sobriété dans le discours sur ce point.

De fait, force est de le constater, notre pays n’a pas les moyens de mettre autant d’argent sur la table que nous le souhaiterions.

Après la crise de 2008, vos prédécesseurs, faisant face à une augmentation de la dette, se sont attachés à diminuer le déficit de nos comptes publics. La bien meilleure croissance que vous avez trouvée à votre arrivée pouvait enfin permettre de baisser significativement le niveau de la dette en pourcentage du PIB.

Vous vous y étiez d’ailleurs engagés. Malheureusement, à l’orée de cette crise sanitaire, le niveau de la dette était au plus haut ; vous n’en êtes évidemment pas seuls fautifs, mais nous en payons collectivement le prix aujourd’hui.

Encore faut-il noter que la politique monétaire plus qu’accommodante de la Banque centrale européenne nous permet, malgré tout, de mener l’action publique nécessaire au moment que nous vivons.

J’en viens maintenant à un point qui, pour le groupe socialiste et républicain, est fondamental. Nous nous sommes d’ailleurs régulièrement exprimés sur ce sujet. Au-delà de son coût, c’est la question du paiement de la crise qui nous intéresse. La problématique est d’ailleurs double.

En premier lieu – je reviens sur les dépenses sociales –, nous estimons que ce n’est pas au budget social que devrait revenir le paiement des 8 milliards de dépenses de santé liées au Covid-19. Si vous avez, à juste titre, créé une mission budgétaire spécifique dans le budget général, nous estimons que ces sommes devraient y être portées, d’une part dans un souci de lisibilité financière, d’autre part parce que c’est un enjeu d’information et de vote du Parlement, dans la mesure où vous ne prévoyez pas l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Surtout, nous ne connaissons que trop bien ce sujet. Depuis votre arrivée aux affaires, on creuse de nouveau le déficit de la sécurité sociale. Ces dépenses ne sont pas contestables en soi, mais demain, au lieu de faire porter les efforts sur la solidarité nationale, on déremboursera d’un côté, on coupera dans les dépenses de l’autre.

Finalement, en bout de course, ce seront une nouvelle fois les plus précaires, les malades, et nos aînés qui paieront. C’est la raison pour laquelle nous demandons l’inscription de ces dépenses sociales au budget général : la santé d’aujourd’hui ne doit pas se traduire par un affaiblissement de la santé de demain.

De plus, s’il devait y avoir une prise en charge par le budget général, nous proposons que, sur le modèle des OPEX, cela se fasse non pas dans l’opacité des décrets de reventilation intraprogramme des crédits, mais, pour partie, dans le cadre d’une solidarité de toutes les missions budgétaires.

Cela nous semblerait de nature à favoriser le financement nécessaire à la lutte que nous menons actuellement sur les plans tant sanitaire qu’économique.

Les recettes constituent le second aspect du financement de cette crise. Une nouvelle fois, comme après le premier PLFR, nous n’en trouvons guère trace dans votre texte, monsieur le ministre.

Lors de l’examen du premier PLFR, vous aviez estimé que ce n’était pas le débat et, malgré nos doutes, nous n’avions pas insisté et avions accepté que le sujet soit renvoyé à plus tard.

Nous considérons que plus tard c’est aujourd’hui, et que nous pouvons et devons désormais évoquer les conséquences de cette crise tant pour les finances publiques que pour les particuliers.

Le Gouvernement a d’ailleurs déjà ouvert le sujet. Aux provocations du MEDEF visant à mettre à bas quasiment un siècle de conquêtes sociales…

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