Par ailleurs, comme la production de masques est devenue très intensive, nous avons modifié le décret de réquisition et invité tous les acteurs, publics ou privés, à participer à l’effort pour importer des masques par leurs propres moyens, en plus de ce que faisait l’État.
Madame la sénatrice, vous citez le cas d’une pharmacie dont le fournisseur ne peut livrer de masques. Mais il s’agit là non pas de l’État, mais d’une entreprise, un fournisseur classique, qui, à l’évidence, se casse encore un peu les dents pour importer des masques et répondre à ses clients ! Ce n’est pas à vous que je vais expliquer qu’un fournisseur privé n’est pas l’État.
Il a été question des chirurgiens-dentistes. Ceux-ci ont été exceptionnels.
Voilà plusieurs semaines, à l’occasion d’un entretien avec les présidents de l’ordre national des chirurgiens-dentistes et les syndicats, je les ai informés qu’ils ne pourraient plus exercer leur activité dans des conditions normales, dans la mesure où ils avaient besoin de masques FFP2 et que nous en manquions. Non seulement ils ont pris la décision de fermer leurs cabinets, non seulement ils se sont organisés avec les masques que nous leur avons donnés pour assurer des permanences de soins et les urgences dans quatre cents centres, mais ils ont donné à l’hôpital les petits stocks de masques qui leur restaient.
Les chirurgiens-dentistes ont donc été irréprochables de bout en bout. J’ai procédé à un déstockage de 150 000 masques FFP2 à leur attention, pour leur permettre de tenir et d’augmenter un peu le volume des urgences d’ici au 11 mai. J’ai informé personnellement par téléphone chaque président de syndicat et le président de l’ordre national que, à partir du 11 mai prochain, chaque chirurgien-dentiste aurait 24 masques FFP2 par semaine pour se protéger, lui et un assistant ou une assistante dentaire de son cabinet.
Par ailleurs, les chirurgiens-dentistes sont fondés à passer toutes les commandes qu’ils peuvent auprès de leurs fournisseurs, puisque l’État n’a pas vocation à se soustraire dans la durée aux fournisseurs classiques des opérateurs sur les territoires.
Toutefois, dans la période épidémique, l’État continue de le faire de façon gratuite : tous les masques qui sont achetés par la France en Chine sont donnés aux établissements de santé, aux Ehpad, aux aides à domicile, aux médecins, aux chirurgiens-dentistes, etc.
La situation reste donc exceptionnelle, mais nous appelons activement tous ceux qui le peuvent à se doter du matériel de protection par les moyens classiques qu’ils ont l’habitude d’utiliser.
Voilà pour l’acte I. Il en est de même pour l’acte II, le second moment, qui concerne l’hôpital.
Les hôpitaux psychiatriques ont eux aussi accompli un travail phénoménal et je leur tire mon chapeau pour avoir su mettre en place le confinement, les quatorzaines, l’isolement de malades en milieu fermé ou en hôpital psychiatrique. Il n’y a quasiment pas eu de vague épidémique au sein des hôpitaux psychiatriques. Pour avoir été interne en psychiatrie pendant six mois au cours de mes études, je n’ose imaginer comme il a dû être difficile d’arriver à gérer cette situation sur le plan tant humain que pratique. Or cela a été fait de façon remarquable.
Monsieur Milon, vous le savez très bien, si vous me donnez le nom de l’hôpital, j’appellerai son directeur avec bienveillance, pour voir comment l’aider. C’est aussi mon rôle, et je le ferai sans aucun problème.
Madame Benbassa, vous avez émis des critiques sur le nouveau monde qui ne change pas ou qui n’entend pas… Entendez aussi les arguments que je vous donne ! Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mais nous sommes là dans le factuel, pas dans le politique. Ce que je suis en train de décrire n’est ni du libéralisme ni du communisme, encore que les réquisitions et la distribution par l’État en temps de crise se rapprochent davantage du modèle qui vous plaît que de celui qui me plaît à moi. Nous l’avons fait parce que nous n’avions pas le choix.
Tchekhov, dans La Mouette, faisait dire à l’un de ses personnages : « Dans tout l’univers ne reste immuable que l’esprit. » Tout le monde est capable de changer. Nous pouvons changer et évoluer. Je suis sûr que, vous aussi, vous êtes capable de le faire.