Cet article 6, découvert samedi à l’issue de la présentation du projet de loi en conseil des ministres, fait couler beaucoup d’encre. Nous avons pu le mesurer lors de la discussion générale, au cours de laquelle j’ai relevé de nombreuses remarques, voire des protestations, émises sur l’ensemble des travées de cet hémicycle. Philippe Bonnecarrère, au nom du groupe Union Centriste, a excellemment évoqué les enjeux liés aux libertés fondamentales s’attachant aux dispositions de ce texte.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, il s’agit ici de mettre en place un système de collecte de données individuelles, et pas des moindres : nos données de santé, ô combien sensibles, ô combien stratégiques, parce que très convoitées. Dans la nouvelle économie de la santé qui est en train de se mettre en place, les Gafam, intéressés par le développement du secteur prudentiel et assurantiel, sont en embuscade. Il faut être extrêmement vigilant.
On peut se promettre beaucoup de choses, des dispositifs ciblés, limités dans le temps… Mais je ne crois pas à un processus réversible. On met le doigt dans l’engrenage. On l’a même déjà mis avec le décret du 22 avril dernier instaurant le principe de collecte des données par la plateforme Health Data Hub, gérée par Microsoft, et par la plateforme de la CNAM – il s’agit de données relatives à l’épidémie de Covid-19 concernant également des personnes non malades.
Les enjeux sont immenses et il nous faudrait du temps, beaucoup de temps. Or justement nous n’avons pas le temps d’expertiser le dispositif. Je pense que nous travaillons dans des conditions inacceptables et je m’interroge sur le rôle du Parlement dans cette affaire. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de refuser le recours aux ordonnances, je vous soutiens pleinement.
Je ne sous-estime pas, monsieur le ministre, la volonté du Gouvernement de bien faire dans la recherche de solutions innovantes. Nous sommes tous très conscients qu’il faut trouver les voies et les moyens de combattre efficacement ce virus. J’émettrais peut-être quelques doutes sur l’efficacité du système, mais c’est un autre problème.
Je suis très inquiète des risques qu’impliquent de telles décisions. Dans la presse et sur les réseaux sociaux, aujourd’hui, on voit évoquer le retour de l’application StopCovid. Je ne sais pas s’il s’agit de fausses nouvelles, mais le cumul de ces deux dispositifs serait tout simplement inacceptable. Nous assisterions alors à la mise en place de la société du contrôle.
Encore une fois, monsieur le ministre, j’ai bien noté vos bonnes intentions et votre volonté d’organiser un débat sur ces questions.