J’ai entendu beaucoup de choses importantes. La première d’entre elles, c’est que sans outils numériques d’appui, on ne pourra pas faire de tracing et que sans tracing, il n’y aura pas de déconfinement.
Pour pouvoir dépister les chaînes de contamination et les casser, il faut être efficace. Ce tracing, nous l’avons fait au stade 1, puis au début du stade 2, il est vrai sans outils numériques, si ce n’est le téléphone et les annuaires informatiques. Les personnels des agences régionales de santé ont appelé les personnes malades en urgence, de jour comme de nuit, pour voir avec qui elles avaient pu être en contact. Elles ont été capables de le faire de manière artisanale, c’est-à-dire sans l’outil numérique.
On peut donc faire les choses de manière purement humaine, mais si le numérique a irrigué toutes les filières industrielles de notre pays en quelques années seulement, c’est sans doute qu’il nous permet d’être plus efficaces. Et en l’occurrence, nous avons une obligation d’efficacité.
On a besoin d’outils numériques, parce que c’est plus simple. On a besoin d’outils numériques, parce que c’est plus rapide. On a besoin d’outils numériques pour permettre à un patient dépisté au fin fond de la Creuse d’avoir les mêmes chances d’être protégé qu’un patient du 7e arrondissement de Paris. On a besoin d’outils numériques pour organiser ce dépistage, pour savoir quelles personnes on a pu contaminer et les protéger à leur tour. Le numérique permet à tout le monde, sur tout le territoire, de bénéficier de la même attention de la part des mêmes personnes avec le même niveau de qualification.
On ne demande pas aux personnes concernées d’être équipées en matériel numérique. Ce n’est pas le sujet. Le numérique ne va servir qu’aux acteurs du soin pour contacter les gens. La barrière du numérique dont il est parfois question n’est donc pas un problème.
Nous aurions pu organiser un débat au Parlement pour savoir si le tracing réalisé par téléphone par les ARS était totalement conforme au respect des données individuelles, pour savoir dans quels logiciels ou sur quels fichiers papier les agents avaient inscrit les noms des personnes malades et de ceux qui étaient entrés en contact avec ces dernières pour réussir à dépister, dans l’urgence, les chaînes de contamination. Quand on dispose de temps, le niveau d’interrogation n’est plus le même. Ce débat parlementaire est légitime, parce que nous avons un peu de temps devant nous, mais pas beaucoup. Juste assez pour faire les choses plus proprement.
Ce que je veux souligner, c’est que l’article 6 n’est en rien une révolution : il ne modifie pas une méthode de tracing, mais l’automatise, la facilite, la rend plus fiable et prévient les ruptures géographiques dans l’accès à ce tracing. Ce préalable posé, la discussion est évidemment possible, et j’ai suivi avec grand intérêt les travaux que vous avez menés en commission, mesdames, messieurs les sénateurs, sous l’autorité du président Bas.
Vous souhaitez une instance indépendante, qui puisse exercer un contrôle. Nous en débattrons, mais je n’y suis pas du tout opposé : il n’y a rien à cacher !
En ce qui concerne le droit d’opposition, je présenterai, au nom du Gouvernement, un amendement visant non pas à le supprimer, mais plutôt à l’atténuer.
Je suis tout à fait d’accord pour qu’une personne puisse refuser d’apparaître dans le système comme patient zéro ou que d’autres sachent qu’elle a pu transmettre le virus ; ce ne sera d’ailleurs pas indispensable dans le dispositif. En revanche, refuser de figurer dans le système alors qu’on est malade n’est pas possible : ce serait refuser à son entourage la possibilité de bénéficier du tracing, donc d’être protégé, et être acteur des chaînes de communication.
Le droit de s’opposer à l’intégration de certaines données dans le fichier est une chose, celui de s’opposer à y figurer en est une autre. Je répète que le premier ne me pose aucun problème ; l’amendement du Gouvernement, dont j’espère qu’il est consensuel, tend à préciser les règles en la matière.
Pour ce qui est de la limitation des informations médicales aux résultats positifs ou négatifs des tests Covid, qui certes sont l’information essentielle, il faut simplement nous assurer que des informations annexes ne peuvent pas elles aussi être essentielles, dans le strict cadre de la lutte contre l’épidémie, pour dépister une éventuelle fragilité ou un élément déterminant dans la circulation du virus.
Je vais, pendant la suspension de ce soir, me renseigner à cet égard auprès des acteurs du tracing, qui depuis des semaines déjà contribuent à sauver des vies, pour qu’ils m’indiquent précisément quelles informations sont nécessaires et quelles informations ne le sont pas. Si les informations peuvent être limitées aux résultats des tests, nous ferons ainsi ; mais s’il apparaît que d’autres informations sont nécessaires pour que le tracing ne tombe pas à l’eau, je vous le dirai.
S’agissant de la recherche sur données anonymisées, ce concept ne me pose pas de difficultés. De ce point de vue, le Health Data Hub, l’open data en santé, est déjà extrêmement sécurisant – à tel point que j’ai un jour entendu un président d’association de malades s’exclamer : c’est, en réalité, du closed data ! En tout cas, nous allons veiller à une bonne sécurisation en la matière.
Le Premier ministre vous l’a dit, et nous n’avons aucune raison de vous mentir : il n’y a pas de lien entre l’article 6 du projet de loi et StopCovid.
Cet article ne porte pas du tout sur un outil de traçage numérique, mais concerne deux systèmes que nous vous avons précisément présentés : le Sidep, qui regroupe les données d’identification des patients testés permettant de suivre ceux-ci tout au long des chaînes de parcours, et Contact Covid, le fichier de l’assurance maladie fondé sur AmeliPro, site très connu et en usage depuis des années, qui permettra aux médecins, aux hôpitaux et à tous les acteurs de l’assurance maladie d’entrer en rapport avec les personnes contacts.
Il s’agit de cela, et de rien d’autre. Nous n’avons aucune raison de mentir au Parlement ! Comme le Premier ministre en a pris l’engagement et comme Cédric O l’a encore rappelé dernièrement, si un logiciel de type StopCovid doit être mis en place, un débat parlementaire sera organisé, un débat indépendant qui n’est d’ailleurs pas obligatoire, mais qui me paraît important.
Enfin, je prends acte de la volonté de la commission d’écarter le recours à des ordonnances. En d’autres termes, je ne déposerai pas au Sénat d’amendement visant à revenir sur le dispositif adopté. Nous verrons ce que l’Assemblée nationale décidera dans sa sagesse. §À ma connaissance, aucune disposition n’empêche l’Assemblée nationale de s’intéresser à un sujet… Je répète que, pour ma part, je ne proposerai pas au Sénat de rétablir la possibilité de légiférer par ordonnances sur ces sujets.