Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 5 mai 2020 à 21h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Vote sur l'ensemble

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

De nos jours, tout est système d’information et briques ajoutées les unes aux autres. Nous analyserons donc ce texte à partir de quatre briques.

La première brique est celle de la prorogation de l’état d’urgence, sujet qui a donné son titre au texte. Mon groupe comprend et soutient cette prorogation. Dans une situation de crise exceptionnelle, il est normal que l’exécutif dispose de moyens d’action. Ceux-ci sont considérables, puisqu’à travers la prorogation nous prorogeons également l’ensemble des habilitations accordées au Gouvernement, y compris celle de légiférer par ordonnances. Il a d’ailleurs été rappelé que le Gouvernement ne s’est pas privé d’utiliser cette faculté ; nous ne prenons donc pas une petite décision, en prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet, date retenue par le Sénat.

La deuxième brique concerne la responsabilité pénale des décideurs, au sens large. Les différents groupes de notre assemblée se sont réjouis de la décision intervenue et nous serons attentifs à son devenir.

Je souhaite cependant appeler à une certaine prudence : si par extraordinaire – il ne faut pas totalement exclure cette possibilité… – l’Assemblée nationale était tentée d’obtenir un accord en commission mixte paritaire en demandant au Sénat de renoncer à une partie des importantes et fermes garanties apportées par la commission des lois à l’article 6 contre une certaine indulgence sur la responsabilité des décideurs, la question mériterait beaucoup d’attention. En effet, le risque constitutionnel n’est pas négligeable, puisque nous nous sommes aperçus avec étonnement que le Conseil constitutionnel n’avait pas eu à apprécier la loi Fauchon de 2000 et que la Cour de cassation avait très habilement refusé de lui transmettre une question prioritaire de constitutionnalité qui portait sur cette loi au motif du caractère non sérieux de la demande. C’est une manière, discrète, pour moi de vous demander d’être attentifs lors des discussions qui auront lieu au sein de la commission mixte paritaire.

La troisième brique concerne le débat que nous avons eu sur ce que l’on peut appeler une forme d’assignation à résidence pour un motif lié au Covid–19. Cette hypothèse n’a pas été retenue et l’équilibre trouvé nous paraît pertinent.

La quatrième brique a trait bien entendu à l’article 6 que mon groupe approuve pour l’essentiel, même si quelques-uns parmi nous auraient souhaité une dissociation entre le niveau local, c’est-à-dire l’action des équipes épidémiologiques pour rompre la chaîne de la contamination – c’est un aspect que nous apprécions tout particulièrement –, et le niveau national, c’est-à-dire la création d’un fichier.

Pour terminer, je dirai que cette journée ne comprend pas que des éléments favorables. En effet, si une partie de notre réponse à la crise vient de l’organisation des pouvoirs et de la solidité de notre Constitution, l’économie de notre pays tient largement grâce à la clé de voûte que représente aujourd’hui la Banque centrale européenne. Or la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui revient sur la possibilité pour la BCE, du moins pour sa partie allemande, de racheter certaines créances, remet furieusement en cause la capacité de fournir des liquidités à l’économie.

Cet exemple nous montre que les sujets que nous avons à traiter sont extrêmement complexes et que la situation peut rebondir de manière inattendue. J’espère en tout cas que la pandémie, elle, ne rebondira pas !

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