Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 4 mai 2020 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Aujourd’hui, nous observons un changement de discours du Gouvernement : il devient préférable, dans de nombreuses circonstances, de porter un masque plutôt que de ne pas en porter.

Pour expliquer ce revirement, le Gouvernement a mis en avant un changement de doctrine. Or, depuis le 22 janvier dernier, alors que le virus circulait en Chine, des infectiologues ont signalé la nécessité de mettre un masque pour éviter toute contagion. Au moment où les Français vivent une épreuve inédite, difficile et parfois cruelle, il est important de dénoncer les fausses informations ; néanmoins, avant de prétendre labelliser comme « véridique » telle ou telle information, n’aurait-il pas fallu dire la vérité aux Français concernant la pénurie de masques ?

Par ailleurs, une polémique est apparue au cours des derniers jours sur la capacité de la grande distribution à mettre à disposition du public une quantité importante de masques, mais le problème n’est pas là ; il réside plutôt dans l’approvisionnement des pharmacies, qui doivent, par ailleurs, avoir suffisamment de masques pour les professionnels de santé et pour les Français les plus fragiles. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?

La deuxième nécessité est de tester. En matière de dépistage, les temps ont changé, selon les propos que le Premier ministre a tenus lors de la présentation du plan de déconfinement. Or, depuis le 16 mars dernier, le directeur général de l’OMS indique qu’il faut tester le maximum de personnes pour stopper la chaîne de contamination du Covid-19.

Les chiffres sont là : l’OCDE signale que, en date du 15 avril, le nombre de personnes dépistées en France était de 5, 1 pour 1 000 habitants, plaçant notre pays derrière la Turquie, dont le ratio est de 5, 3 personnes pour 1 000 habitants ; c’est près de trois fois moins que la moyenne des pays de l’OCDE, et nous sommes loin derrière l’Allemagne.

Devant la mission parlementaire de l’Assemblée nationale, le directeur général de la santé assurait, le 23 avril dernier, que, désormais, 165 000 personnes étaient dépistées chaque semaine. Le lendemain, on annonçait devant les micros plutôt le chiffre de 300 000. Finalement, quels sont les bons chiffres ? Là encore, la confusion ne suscite pas la confiance…

Il semblerait que, malgré l’augmentation de la capacité à réaliser des tests RT-PCR, grâce à l’autorisation accordée aux laboratoires départementaux de le faire – je rappelle l’action en ce sens de notre président de groupe, Bruno Retailleau –, des difficultés logistiques persistent. Quid de l’approvisionnement en réactifs biochimiques et en différents équipements, comme les écouvillons, sans oublier les équipements de protection pour le personnel habilité à prélever ? Nous avons bien noté l’objectif des 700 000 tests hebdomadaires, mais comment ferez-vous pour l’atteindre, compte tenu des difficultés qui existent dans le déploiement d’une stratégie massive de dépistage ?

La troisième nécessité est l’isolement. Sauf à ce qu’elles aient la possibilité de s’isoler dans une pièce à part, les personnes dépistées positives au Covid-19 ne devraient pas retourner dans leur famille, contrairement à ce que nous avons malheureusement laissé faire jusqu’à présent, au risque qu’elles infectent leur entourage. Une large palette d’hébergements doit être mise à la disposition des Français qui ne pourront pas s’isoler chez eux, avec toute la logistique qui va avec. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Pour ce qui concerne le texte, le principe, inscrit à l’article 2 du projet de loi, du consentement et de la responsabilité individuels pour les mesures de mise en quarantaine et d’isolement a finalement été retenu par le Gouvernement, sauf pour les personnes entrant sur le territoire. Là encore, ce qui a été annoncé samedi dernier n’était déjà plus d’actualité ce matin. La mesure ne concerne donc que les personnes provenant de l’extérieur de l’Union européenne, de l’espace Schengen et du Royaume-Uni.

Nous soutenons la proposition du président Milon consistant à sécuriser, au sein de l’article 6, le périmètre des données de santé. Il est en effet essentiel que les données collectées soient strictement circonscrites et limitées au seul statut virologique du patient.

Enfin, dans les circonstances actuelles, nous sommes favorables à la prolongation, prévue à l’article 1er, de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet prochain. Cette date, retenue par la commission des lois, nous paraît plus pertinente au regard des incertitudes qui pèsent encore sur les conditions dans lesquelles sera mené le déconfinement.

Bien entendu, d’autres points importants seront traités par notre collègue François-Noël Buffet, notamment pour ce qui concerne la question, essentielle dans ce débat, de la responsabilité des élus locaux et des chefs d’entreprise.

Pour conclure, je dirai que ce texte est loin de répondre à toutes les questions que pose le déconfinement. Le vote du groupe Les Républicains dépendra donc de l’évolution de nos débats.

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