Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 4 mai 2020 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Je veux vous parler, monsieur le ministre, de quelques amendements que vous ne verrez pas lors de l’examen des articles, car ils ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. Cela me permet également de mettre l’accent sur quelques troubles que provoque la méthode du Gouvernement quant aux questions sociales. En effet, tantôt nous discutons d’un projet de loi de finances rectificative, et l’on nous dit que l’on parle des entreprises mais non des questions sociales, tantôt nous discutons d’un projet de loi d’état d’urgence, et l’on nous dit que l’on parle d’état d’urgence mais non d’urgence sociale. Bref, le Parlement ne discute jamais d’un plan d’urgence sociale et de suivi des salariés et des personnes en grande difficulté.

Je veux donc appeler votre attention sur ces amendements, parce que ceux-ci vous parleront peut-être et peut-être pourrez-vous les reprendre à votre propre compte, au titre de votre capacité d’initiative.

Premièrement, nous avions déposé un amendement tendant à prendre en compte le chômage partiel dans le calcul de la retraite. Je suis désolée de prononcer le mot « retraite », qui est un peu incandescent, mais c’est le moment, je crois, de rassurer les salariés en leur disant que le chômage partiel n’affectera pas négativement le calcul de leur pension.

Deuxièmement, nous avions proposé de prolonger la trêve hivernale en matière d’expulsion durant l’état d’urgence. C’est également une mesure que vous pourriez, fort opportunément, reprendre.

Enfin, troisièmement, je veux vous parler – je le fais chaque fois – des droits sexuels et reproductifs et de l’accès des femmes à l’IVG.

Vous avez pris un certain nombre de mesures pour faciliter l’IVG médicamenteuse, en particulier pour en faciliter la prescription, mais, quand je vous ai interrogé, voilà presque deux mois, sur la question des IVG hors délai, j’anticipais malheureusement sur les chiffres, qui sont, aujourd’hui, parlants. Ainsi, selon le planning familial, nous assistons à une augmentation de 30 % des appels et de 330 % des appels concernant les difficultés liées à l’IVG, à l’accès à l’IVG, au non-respect du droit, à des violences ou au dépassement des délais ; et il y a une augmentation de 184 % des appels à propos des IVG hors délai.

Il est incontestable que le confinement a un effet délétère sur l’accès à l’IVG. Je vous ai donc écrit, monsieur le ministre, et vous m’avez répondu qu’il fallait recourir à l’IMG. Soit ! Mais les médecins se sont trouvés dans une situation un peu difficile : d’un côté, il y a le code de la santé publique et, de l’autre, il y a la lettre du ministre. Or, pour l’heure, le code de la santé publique pèse un peu plus lourd qu’une lettre de ministre…

C’est pourquoi nous vous demandons, les médecins vous demandent – ils sont 150 à le faire et Ghada Hatem doit vous écrire à peu près tous les jours –, d’accepter un amendement visant à lever l’obligation de présence d’un médecin de médecine fœtale ou d’un centre de diagnostic prénatal dans le collège décidant d’une interruption médicale de grossesse. La décision collégiale est normale, réunir quatre médecins l’est aussi, mais à quoi sert un médecin de diagnostic prénatal quand il s’agit d’une IMG pour détresse psychosociale ? Ce n’est pas la question du fœtus qui est en cause ; c’est, bien au contraire, la question de l’évaluation de la détresse psychosociale.

Par conséquent, les médecins proposent que ce médecin de diagnostic prénatal soit remplacé par un médecin d’un centre d’IVG ou de planification ou par un gynécologue obstétricien. Je défendrai cet amendement ultérieurement, monsieur le ministre. J’espère qu’il aura votre soutien et que, au cas où il ne serait pas adopté au Sénat, vous le déposerez, vous-même, à l’Assemblée nationale.

Je vous assure, il est urgent d’agir ; on évoque l’effet qu’aura le confinement sur la prise en charge des maladies chroniques, sur les cancers tardivement dépistés, sur les maladies cardiovasculaires, mais, en matière d’accès aux droits sexuels et reproductifs, nous aurons le même problème. Or nous pouvons l’anticiper et lever aujourd’hui une partie des difficultés.

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