Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 9 mai 2020 à 15h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en ce lendemain du 8 mai, je tiens à évoquer la philosophe Simone Weil, qui écrivait lors de la Seconde Guerre mondiale : « L’unique source de salut et de grandeur pour la France, c’est de reprendre contact avec son génie au fond de son malheur. » La situation que nous vivons depuis ces derniers mois a suscité du génie collectif. Les Français ont répondu « présent » dans la lutte contre cette épidémie.

Les chiffres de contamination et de décès en baisse témoignent de la prise de responsabilités, individuelle et collective, des Français face à cette crise. Une nouvelle fois, notre groupe tient à remercier le personnel soignant, ainsi que tous les acteurs actifs des secteurs public et privé dans la gestion de cette crise pour leur travail sans relâche et leur dévouement.

Le texte que le Gouvernement nous a soumis samedi dernier a été grandement enrichi par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale, et ce dans un laps de temps très court. Je tiens à saluer Philippe Bas, ainsi que tous les membres de la commission des lois, qui ont contribué à une évolution constructive du projet initial.

Nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait abouti à un texte équilibré, nous permettant de démontrer que notre pays est capable d’affronter dans l’unité, avec l’apport des deux chambres, une crise d’échelle planétaire.

Le travail parlementaire et le dialogue avec le Gouvernement et avec les élus locaux sont essentiels dans la gestion de cette épidémie. On peut ne pas être d’accord avec les orientations prises, mais nul, quelle que soit sa couleur politique, ne peut prétendre qu’il aurait su parfaitement gérer cette crise.

Je tiens à saluer la réactivité du Gouvernement et du Parlement pour apporter des réponses à nos concitoyens. La prorogation de l’état d’urgence sanitaire, si nécessaire soit-elle, fait l’objet d’un réaménagement raisonnable dans la perspective du déconfinement et du redémarrage de notre pays.

Je souhaite revenir sur deux points qui ont grandement marqué nos échanges – il me semble important de s’y attarder.

Concernant, premièrement, la responsabilité des maires et des employeurs durant cette crise, nous avons entendu les craintes des responsables du secteur privé et de nos élus locaux. Ils sont une clé maîtresse de la réussite du déconfinement ; il est important de leur apporter des moyens et des garanties juridiques. L’accord qui a été trouvé lors de la CMP est équilibré.

J’ajoute que mes échanges avec des maires font émerger un point clair : ils assument avec détermination leurs responsabilités, et des initiatives remarquables ont pu voir le jour. Ils sont la force d’une présence territoriale et d’un engagement public décentralisé. Chaque maire est différent, comme l’est chaque commune. Ce que demandent avant tout les maires, c’est que l’État leur donne des directives claires, partage l’information et soit en mesure de procéder à une coordination efficace.

Je souhaite évoquer, deuxièmement, la question du système d’information. Nous avons bien sûr pris toute la mesure de l’importance d’un système efficace pour sortir de cette crise. Cependant, des garanties fortes étaient indispensables. Je me réjouis particulièrement de l’obtention de certaines d’entre elles, qui avaient été identifiées comme essentielles par le groupe Les Indépendants : je veux parler de la durée limitée du système, mais aussi de la délimitation des données qui pourront être partagées et traitées, à savoir celles relevant uniquement de la virologie et de la sérologie ainsi que de leurs éléments probants.

En revanche, des réserves demeurent sur le sujet de l’absence de consentement concernant le partage et le traitement des données médicales. Pour ce qui est du point sensible qu’est l’utilisation d’outils numériques, je salue la sagesse du Sénat, qui a permis d’envisager une telle utilisation au regard de l’apport évident de ces outils dans l’éradication du virus. Le moment venu, nous pourrons débattre afin de trouver la meilleure mise en œuvre d’un système complémentaire que nous souhaitons le plus respectueux possible de nos libertés.

Je voudrais par ailleurs mettre en lumière quelques apports significatifs : une place exigeante et fondamentale a été donnée au juge des libertés et de la détention ; le cadre posé pour les mesures d’isolement et de mise en quarantaine a été bien étudié, comme cela a été rappelé par Philippe Bas, et amélioré par le Parlement.

Tout cela est nécessaire pour casser la chaîne de propagation du virus sur l’ensemble de notre territoire et dans l’ensemble de nos collectivités.

Je l’ai rappelé mercredi dernier : nous pouvons faire confiance aux Français ; ils sont responsables et conscients de la crise que nous vivons. Leur fournir un cadre et des principes généraux est notre devoir, comme l’est la préservation de nos libertés. Albert Camus disait de la liberté que « ce n’est pas l’espoir de l’avenir. C’est le présent et l’accord avec les êtres et le monde dans le présent ». Le présent, en ce moment, est compliqué à gérer pour les Français, et l’espoir de l’avenir difficile à imaginer. Mais de la réussite collective de ce confinement dépendent beaucoup de choses, et surtout notre futur. Dans cette perspective, le groupe Les Indépendants votera ce texte.

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