Je suis heureux que vous manifestiez ce souci de comprendre les préoccupations des collectivités territoriales. Quelle réponse faites-vous à la question de M. Collombat sur la responsabilité pénale des maires dans le strict cadre de la lutte contre l'épidémie ? Je crois qu'il y a une certaine incompréhension sur la finalité du texte que le Sénat a adopté hier. Il s'agit d'un régime non d'exonération, mais de clarification de la responsabilité pénale, qui prévoit que celle-ci peut être ouverte pour deux motifs principaux : un acte intentionnel qui provoque la contamination, et un acte pris en violation manifeste d'obligations de prudence déterminées par la loi et les règlements adoptés pour lutter contre l'épidémie. La responsabilité pénale est une chose fondamentale, évidemment, et il ne viendrait à l'esprit de personne - et certainement pas au Sénat, qui se veut le gardien des droits fondamentaux de nos concitoyens - de la supprimer. Mais la loi pénale n'est pas intangible, et nous avons parfaitement le droit de la faire évoluer pour la préciser.
J'ai aussi entendu des propos qui m'ont beaucoup surpris, qui résultent peut-être de l'examen superficiel d'un texte qui a été adopté il y a trop peu de temps pour que les uns et les autres en aient pris une connaissance suffisamment approfondie. On a dit, en effet, que le texte voté par le Sénat vise à protéger spécifiquement les maires. Mais ce n'est pas le cas. Les dizaines de milliers de Français qui, sans avoir aucune connaissance particulière du virus ni de ses modes de propagation, vont devoir ouvrir des ateliers, des écoles - car ce n'est pas le maire qui ouvre les écoles, mais le directeur d'école, sous l'autorité de l'inspecteur d'académie -, il faut les protéger ! Ils sont de bonne foi, ils ne sont pas censés être des spécialistes du Covid-19, et s'ils respectent les lois, les règlements et toutes les consignes qui sont données, je ne vois pas, sauf s'ils ont commis un délit intentionnel, sur quelle base on pourrait normalement les poursuivre. C'est pourquoi le Sénat a voulu faire oeuvre de clarification, et nous avons beaucoup regretté que cela n'ait pas été immédiatement compris.
Enfin, le Sénat a protégé, d'une certaine façon, les milliers ou les dizaines de milliers de Français qui vont devoir prendre la responsabilité d'une collectivité, privée ou publique. Mais il n'a pas voulu exonérer ceux qui définissent les règles de protection. C'est la raison pour laquelle il a écrit noir sur blanc que la clarification - temporaire - de la responsabilité à laquelle nous avons procédé ne s'applique ni aux ministres, ni aux préfets, ni aux directeurs d'agences régionales de santé (ARS). Elle ne s'applique pas aux puissants qui ont comme responsabilité de définir les précautions à prendre, et de les imposer. En revanche, ceux qui ne sont que des exécutants, si loin de la décision et de l'information, nous devons éviter qu'ils ne puissent à tout moment être mis en cause.
En effet, nous allons entrer dans une période qui ne sera plus celle d'un régime unique, celui du confinement pour tous les Français, mais sera celle de la reprise de l'activité. Sans cette protection, il y aura une très forte inhibition pour faire redémarrer l'activité, car chacun se sentira inquiet. C'est un peu comme la sécurité sociale, qui a été créée pour que les Français prennent des risques. Si vous voulez que ceux qui ont quelques responsabilités vis-à-vis des autres, dans une communauté de travail ou dans une commune, prennent le minimum de risques nécessaire, il ne faut pas que vous suspendiez au-dessus de leurs têtes une épée de Damoclès.
Nous avons vécu comme insultants certains propos que nous avons entendus, qui ont évoqué une amnistie. Une amnistie, c'est une exonération totale de responsabilité après les faits commis. Nous n'avons jamais envisagé cela : au contraire, nous avons été d'une très grande prudence en maintenant la responsabilité pénale, en l'éclaircissant et en évitant que les puissants, pour employer un langage populaire, ne soient protégés, alors que ce n'est pas eux que nous cherchons à protéger, mais l'ensemble des micro-décideurs, qui, localement, vont avoir à prendre des responsabilités. Je vous sais sensible à la situation des maires. Vous les rencontrez, des groupes de travail se réunissent. J'aimerais beaucoup connaître votre sentiment personnel sur cette question, et que vous soyez porteuse de cette parole que je veux être une parole apaisante, tout en vous disant notre extrême détermination, parce que ce combat nous paraît juste et nécessaire à ce stade précis de la crise sanitaire, pour passer du confinement au déconfinement.