Le 28 novembre 2019, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une proposition de loi de notre collègue député Cyrille Isaac-Sibille proposant la création de PASI.
Cette initiative fait écho à des enjeux que nous connaissons tous : l'accès aux soins - en particulier pour nos concitoyens résidant dans des zones où la démographie médicale est fragile - et l'engorgement des services d'urgence, dont la fréquentation connaît une croissance continue, avec 21,4 millions de passages en 2017, soit un doublement en vingt ans.
Le rapport de 2017 sur les urgences hospitalières de nos collègues Laurence Cohen, Catherine Génisson et René-Paul Savary avait déjà largement analysé ce phénomène. Ces services permettent une prise en charge complète, à toute heure du jour et de la nuit et en un seul lieu, cela sans avance de frais. Ils offrent une réponse à une urgence médicale ressentie que les patients ne trouvent pas toujours auprès des professionnels de ville.
La gestion de l'amont des urgences, par une meilleure prise en charge des soins non programmés, est au coeur des priorités des politiques de structuration des soins ambulatoires. La stratégie Ma Santé 2022, comme le Pacte de refondation des urgences présenté en septembre 2019, s'appuie sur le déploiement de l'exercice coordonné au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ou encore sur les structures d'exercice regroupé que sont les centres et les maisons de santé.
Les PASI apportent une pierre à cet édifice. Ils ont vocation à être un outil, parmi d'autres, de prise en charge des soins non programmés, selon un dimensionnement intermédiaire entre le cabinet médical et les urgences. Équipés d'un plateau technique léger - ou organisés avec les autres acteurs pour l'accès à un tel plateau -, offrant un accès à l'imagerie et à des actes de biologie, ils pourraient traiter la petite traumatologie ou des soins relevant de la médecine générale, en sollicitant si nécessaire des expertises, le cas échéant par télémédecine, ou en orientant les patients vers les structures plus adaptées si leur état le requiert.
Les PASI proposeraient le tiers payant et garantiraient l'absence de dépassements tarifaires, afin d'assurer un accès aux soins dans les mêmes conditions financières que les services d'urgence, gage de leur attractivité.
Les PASI ne sont pas une création ex nihilo : ils sont inspirés d'expériences de terrain. L'objectif est ainsi de donner de la visibilité à des structures qui existent déjà, pour aider le patient à se repérer dans un système de soins souvent perçu comme complexe. Le directeur général de l'ARS d'Auvergne-Rhônes-Alpes, par ailleurs auteur en 2015 d'un rapport sur le territorialisation des urgences, a soutenu dans cette région des « centres de soins non programmés » issus de la transformation de services d'urgence. D'autres initiatives sont portées par des médecins de ville, souvent adossées à des maisons ou centres de santé.
La proposition de loi apporte une reconnaissance attendue à de telles structures, en stabilisant leur financement, notamment là où elles ne sont pas soutenues par les agences régionales de santé (ARS). Elle permettra également aux patients de bien les identifier par une signalétique spécifique : l'auteur du texte a proposé une croix orange, à l'instar de la croix rouge des urgences ou de la croix verte des pharmacies.
Lors de son examen par l'Assemblée nationale, le texte a connu d'importantes évolutions. Le principe d'une autorisation aux seuls établissements de santé a été remplacé par celui, plus souple, d'une habilitation délivrée par l'ARS, sur la base d'un cahier des charges national. En outre, les députés ont tenu à renforcer l'articulation des PASI avec les CPTS dont l'une des missions est d'améliorer l'accès aux soins non programmés. Pour ménager une certaine souplesse, les députés ont toutefois prévu une possibilité de labellisation par l'ARS sans attendre la constitution d'une CPTS. En effet, si plus de 530 projets de CPTS sont recensés, une soixantaine seulement a un projet de santé validé et seule une vingtaine a adhéré à l'accord conventionnel.
Au terme des nombreuses auditions que j'ai conduites, j'ai constaté que la proposition de loi est accueillie très positivement par certains, mais qu'elle suscite également des réserves, voire des incompréhensions.
Il ne faudrait pas, au travers des PASI, encourager une approche consumériste du soin. À cet égard, je me suis interrogée sur la notion de soins immédiats, qui pourrait véhiculer l'image d'un drive du soin. Mais ce terme me semble néanmoins plus parlant, pour les patients, que celui de « soins non programmés », qui relève d'un vocabulaire d'initiés.
Au-delà des questions de terminologie, la régulation médicale vers les PASI sera déterminante et devra se faire en cohérence avec les acteurs libéraux dans les territoires, ou dans le cadre du numéro unique ou du service d'accès aux soins annoncé dans le Pacte de refondation des urgences. L'inscription des PASI dans les CPTS permettra de garantir la pertinence médicale de ces structures, à la fois pour ne pas consommer du soin inutile ou à l'inverse retarder une prise en charge relevant de l'urgence. L'information des patients sur l'offre existante, à travers une communication grand public, apparaît comme un indispensable corollaire au texte.
Il ne faudrait pas non plus déstabiliser l'organisation existante dans les territoires, en venant à rebours du parcours de soins ou en semant de la confusion. L'idée n'est nullement d'ajouter un étage au millefeuille. Les PASI doivent s'inscrire dans un projet territorial, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, qui articule les PASI avec les CPTS ou les projets territoriaux de santé créés par la loi de juillet 2019.
Il me semble que le cadre général posé par ce texte permet d'assurer la nécessaire plasticité du dispositif pour l'adapter aux réalités de chaque territoire. L'implantation des PASI devra tenir compte des organisations mises en place par les acteurs du territoire pour éviter les situations de concurrence. L'objectif n'est pas de mailler l'ensemble du territoire en PASI. Il ne s'agit pas non plus de créer des services d'urgence au rabais, qui viendraient fragiliser l'accès aux soins.
Les PASI ne résoudront pas les problèmes de démographie médicale. Mais cette initiative, avec son approche centrée sur le patient et son caractère pragmatique, me semble intéressante.
Je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi, sous réserve des amendements que je vais vous soumettre, afin de renforcer la cohérence des PASI avec l'offre de soins et le parcours de santé et de réaffirmer l'initiative première des acteurs du territoire dans la démarche de labellisation. Il me semble également important de sortir d'une vision médico-centrée pour prendre en compte le rôle important que peuvent jouer les autres professionnels de santé, notamment les infirmiers et les kinésithérapeutes.