Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée de nombreuses autres propositions de loi ayant peu ou prou le même objet depuis plusieurs décennies, celui de soutenir les Français de l'étranger en cas de crise majeure. Très récemment encore, nos collègues Olivier Cadic et Joëlle Garriaud-Maylam ont déposé deux propositions de loi visant à instituer un fonds de solidarité en faveur des Français de l'étranger victimes d'événements graves.
Ce texte a toutefois la particularité, comme le précise l'exposé des motifs, de sortir de la « logique assurantielle » des fonds d'indemnisation et de choisir la voie du « secours », à travers un fonds d'urgence. La logique est différente. Il s'agit bien ici d'aider sans délai les Français de l'étranger à faire face à la menace à laquelle ils sont exposés ou à subvenir aux besoins essentiels auxquels ils ne peuvent plus répondre. Les aides sont soumises à des conditions de ressources.
Venir en aide immédiatement aux Français les plus démunis qui font face à une crise majeure, c'est ce que font déjà certains fonds existants, comme le fonds de secours pour l'outre-mer, instauré en 2012, qui aide financièrement les sinistrés ultramarins à la suite d'un événement naturel d'une intensité exceptionnelle, ou encore les secours d'extrême urgence aux victimes d'accident, de sinistre ou de catastrophe de grande ampleur, mobilisés lors du passage de l'ouragan Irma ou des inondations de l'Aude par exemple. Mais rien n'est en revanche prévu actuellement pour les Français de l'étranger se trouvant dans une situation similaire.
La crise sanitaire, économique et sociale actuelle en témoigne : face aux difficultés rencontrées par un certain nombre de Français de l'étranger, le Gouvernement a mis en place un plan de soutien de 240 millions d'euros, dont 50 millions d'aides d'urgence calquées sur le dispositif d'aides annoncé le 15 avril dernier pour les foyers les plus modestes en France, qui consiste à attribuer une aide de 150 euros par ménage et un supplément par enfant à charge de 100 euros.
Le fonds proposé permettrait de sortir de cette intervention au coup par coup et de déterminer une doctrine d'attribution d'aides d'urgence mobilisables lorsque les circonstances le nécessitent. Il permet également d'établir clairement la distinction entre les aides sociales existantes, qui ne dépendent pas du contexte socio-économique ou politique du pays, mais de difficultés personnelles des Français de l'étranger concernés - l'allocation mensuelle de solidarité inspirée de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), l'allocation « adulte handicapé » ou « enfant handicapé », ou les aides pour l'enfance en détresse - et les aides d'urgence liées à une crise touchant l'ensemble d'un territoire. Il n'a pas, espérons-le, vocation à être souvent mobilisé. C'est la raison pour laquelle les conséquences budgétaires de la création d'un tel fonds sont modestes.
Plutôt que de procéder par des redéploiements budgétaires dans l'urgence, l'inscription de ce fonds dans le budget aurait le mérite de renforcer la sincérité budgétaire, à laquelle nous sommes, comme la Cour des comptes, très attachés. Ses crédits pourraient être, pour partie, ouverts en loi de finances initiale et, pour partie, puisés dans la réserve de précaution du programme 151 dédié aux Français de l'étranger en cas de crise.
J'en viens maintenant à l'examen des deux articles de cette proposition de loi. Je ne m'étendrai pas sur l'article 2, qui gage financièrement l'article 1er.
L'article 1er institue un fonds d'urgence en faveur des Français résidant habituellement hors de France et régulièrement immatriculés auprès des autorités consulaires qui sont, dans leur pays de résidence, exposés à des menaces sanitaires graves ou sont victimes de catastrophes naturelles, de guerres civiles ou étrangères, de révolutions, d'émeutes ou d'autres faits analogues. Il prévoit que les crédits de ce fonds sont inscrits au budget général de l'État après consultation de l'Assemblée des Français de l'étranger.
Je ne vous propose que de préciser le dispositif et d'en restreindre légèrement le champ d'application pour limiter les risques juridiques liés à l'application de l'article 40 de la Constitution. En particulier, la liste des événements pouvant déclencher la mobilisation du fonds d'urgence est large. Si les menaces sanitaires graves, les catastrophes naturelles, les guerres - civiles ou étrangères - et les révolutions font l'objet de définitions assez communément admises, il n'en va pas de même des « émeutes et autres faits analogues ». Cette dernière catégorie d'événements fragiliserait juridiquement le dispositif en le soumettant à des questions d'interprétation et risquerait de le rendre trop large. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à la suppression de cette dernière catégorie d'événements.
Les aides apportées par le fonds peuvent être financières ou matérielles, directes ou indirectes. Cette dernière mention renvoie à la distinction entre les aides directes, accordées par les conseils consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS), et les aides indirectes, attribuées par les organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES). Cette distinction ne semble pas nécessaire. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement pour la supprimer, afin d'améliorer la rédaction du dispositif proposé et le rendre plus explicite.
Le troisième alinéa de l'article 1er prévoit que l'État est subrogé dans les droits de tout bénéficiaire contre les éventuels responsables des dommages subis et qu'il peut engager toute action en responsabilité. Je vous proposerai de supprimer cet alinéa. Ce principe de subrogation serait, de facto, inopérant, compte tenu des dommages visés. L'État ne peut en effet exercer d'action récursoire à l'encontre d'un État ou personne privée de droit étranger en se substituant aux ayants droit que si les accords internationaux ou le droit local l'y autorisent. L'État français serait donc dans l'impossibilité d'exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu'il a engagées en faveur de ressortissants français.