Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 26 mai 2020 à 14h30
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays traverse depuis plus de deux mois une crise sanitaire sans précédent, qui a des conséquences considérables et diverses en matière économique, sociale, administrative et sanitaire.

C’est la raison pour laquelle, ces dernières semaines, nous avons été appelés, pour y faire face, à effectuer les aménagements nécessaires à notre cadre juridique, au travers de l’examen et du vote de plusieurs projets de loi. Nous sommes aujourd’hui de nouveau réunis pour nous prononcer sur une série de mesures qui viendront compléter ces dispositifs.

Sur la forme, il est vrai que les délais d’examen ont été courts. Comme l’ensemble des Français, nous privilégions autant que faire se peut le télétravail, ce qui complexifie notre activité, celle de l’administration du Sénat et de nos collaborateurs, mais l’urgence de la situation et son caractère inédit commandent que l’on légifère plus rapidement et que l’on adapte nos conditions de travail. Nous sommes en capacité de le faire.

Par ailleurs, ce texte contenait initialement un certain nombre – pour ne pas dire un nombre certain – d’habilitations à légiférer par ordonnances. Comme tout parlementaire, je n’en suis pas friand, même si je reconnais que le recours aux ordonnances peut s’avérer utile lorsqu’il est mû par l’urgence et la technicité des mesures. Toutefois, grâce au travail réalisé par nos collègues députés, puis au sein de notre Haute Assemblée – j’en profite pour rendre hommage à Mme la rapporteure et à MM. les rapporteurs pour avis –, un très grand nombre de dispositions ont été inscrites « en dur », « en clair » – autrement dit, quel que soit le vocabulaire retenu, elles figureront directement dans le texte. Le Conseil d’État s’était prononcé en faveur d’une telle démarche pour les dispositions brèves dont la rédaction était simple ou déjà très avancée ; le Gouvernement comme le Parlement ont épousé cette voie. Ce travail devrait se poursuivre aujourd’hui en séance, dans une démarche commune de clarification que nous pouvons saluer.

Pour finir sur les débats de forme, il me semble important de rappeler que le contrôle du Parlement sur la préparation et la mise en œuvre des quelques ordonnances restantes, introduit à l’Assemblée nationale et dont la rédaction a été précisée par le Sénat, permettra d’achever de rassurer ceux qui craignent un hold-up démocratique. Le rôle du Parlement a bien été préservé.

J’en viens maintenant au fond du texte.

Certains ont qualifié ce projet de loi de « fourre-tout ». Je retiendrai, pour ma part, un texte très dense, certes, mais qui se justifie par la multitude des secteurs touchés. Il vient répondre à plusieurs attentes de la population, exposée à des difficultés économiques et à des incertitudes sur l’avenir, et accompagne les conditions d’une relance de l’activité.

Je pense aux droits à la retraite au titre des périodes d’activité partielle. Notre groupe a d’ailleurs déposé un amendement sur ce sujet, afin de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, qui nous semble plus protectrice.

Je pense également à l’augmentation de la durée de travail annuel maximale autorisée pour les étudiants étrangers, à la sécurisation des parcours d’insertion ou encore à la neutralisation de l’effet de la crise sanitaire sur la transformation des CDD en CDI dans la fonction publique.

Je pense, enfin, à la prise en compte de l’impact de la crise sur les entreprises dans l’adaptation du dispositif d’activité partielle, dont nous souhaitons nous assurer qu’elle intègre une attention aux secteurs qui dépendent de l’activité d’entreprises fermées du fait de la crise sanitaire.

En tant que commissaire aux lois, je ne peux pas ne pas m’arrêter un instant sur les dispositions relatives au fonctionnement de la justice.

Des réserves ont été émises en commission sur l’extension à trente départements de l’expérimentation de la cour criminelle. Elles s’expliquent par la sensibilité de ces sujets, confrontée aux incertitudes liées à la période particulière de crise que nous continuons à traverser. J’espère que nous trouverons, dans la suite de l’examen du texte, des points d’accord sur ce dispositif, qui a fait l’objet, à titre expérimental, de notre approbation dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Je veux également saluer le report opportun de l’entrée en vigueur de plusieurs réformes civiles et pénales, qui n’a pas été remis en cause par la commission. Il devrait notamment permettre à l’autorité judiciaire d’être prête pour l’application de réformes indispensables et à notre Haute Assemblée de pouvoir mener, dans des délais raisonnables, le débat parlementaire envisagé sur le nouveau code de la justice pénale des mineurs. Les auditions ont d’ailleurs commencé, monsieur le président de la commission des lois.

Je veux enfin saluer les dispositions relatives aux territoires d’outre-mer, qui n’auraient pas trouvé rapidement de véhicules législatifs dans lesquels s’insérer, alors même qu’elles sont très attendues localement. Je pense à la prolongation d’un an de l’activité des agences des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe et de la Martinique et, par conséquent, au report du transfert des espaces concernés aux collectivités territoriales. Je pense également à la prolongation de deux ans de l’activité de la commission d’urgence foncière de Mayotte, chargée d’aider les particuliers dans leurs démarches de régularisation foncière, avant qu’elle ne soit transformée en groupement d’intérêt public.

Pour compléter ces adaptations particulièrement bienvenues, nous présenterons tout à l’heure un amendement qui permet de maintenir l’échéance de la création du conseil de prud’hommes de Mayotte.

Mes chers collègues, je crois sincèrement que le texte dont nous débattons aujourd’hui a fait et continuera de faire l’objet d’un travail de réflexion commune, dans une démarche de clarification partagée, auxquels ont consenti et participé les commissions saisies.

Certes, des points de divergence demeurent à ce stade concernant la durée des habilitations d’abord, notamment s’agissant du Brexit. Les délais ont été jugés trop longs et contradictoires avec l’urgence du projet de loi. J’attire cependant votre attention sur le fait que nous n’avons absolument aucune visibilité quant à la reprise d’une activité « normale ». Ce temps supplémentaire permettrait de tenir compte de cet état de fait, pour une meilleure organisation du travail du Gouvernement, face, notamment, concernant les mesures relatives au Brexit, à l’incertitude profonde sur la durée de la période de transition. Nous en débattrons dans les prochaines heures.

Nous aurons également à débattre de la centralisation des trésoreries publiques, qui permettrait de réduire l’endettement et l’appel aux marchés de l’État, dans un contexte de forte sollicitation du Trésor.

Je veux croire, mes chers collègues, que notre Haute Assemblée saura dépasser ces divergences, afin d’avancer sur des sujets essentiels pour accompagner la reprise, dans l’intérêt de notre pays.

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