Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour le groupe socialiste et républicain, la crise que nous traversons n’est pas seulement une crise sanitaire et économique ; c’est aussi une bombe sociale à fragmentation. Les mesures prises par le Gouvernement depuis deux mois n’anticipent pas, malgré nos multiples alertes, cette situation dégradée qui attend notre pays et qui risque de s’installer pour de nombreuses années.
Certes, cette proposition de loi a été pensée bien avant que nous puissions imaginer la situation actuelle.
Certes, la problématique des frais bancaires est bien antérieure à la crise que nous vivons. Notre texte aurait été tout aussi pertinent il y a six mois, deux ans, voire plus encore.
Je dois le dire, même si c’est une évidence : le dispositif que nous proposons est encore plus opportun aujourd’hui. J’ai bien entendu les remarques de M. Husson, et je sais que des amendements ne manqueront pas d’être adoptés à l’occasion de notre débat. Mais nous sommes heureux de constater que ce texte d’interpellation a manifestement atteint sa cible.
Nous le savons, et l’histoire est là pour le rappeler, les crises sociales n’accouchent que rarement d’un monde d’après plus fraternel et plus solidaire. Il nous appartient de veiller à ce que cette solidarité s’inscrive dans les faits.
Si nous ne faisons rien, cette crise sera comme les autres. Les plus fragiles seront durement frappés, les inégalités augmenteront, une partie de la classe moyenne basculera dans la précarité et le populisme progressera.
La tâche qui nous attend est colossale. Deux mois de quasi-arrêt de l’économie, des échanges internationaux au plus bas, une confiance des ménages très faible : ces différents facteurs vont mécaniquement provoquer une hausse du chômage et une baisse des revenus pour de nombreux Français. Les chiffres publiés aujourd’hui par Pôle emploi sont terribles.
La crise ne pourra être évitée, mais ses conséquences doivent être réduites le plus possible. Pour cela, l’urgence la plus absolue doit être décrétée par le pouvoir exécutif. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Des mesures d’urgence ont bien été prises pour faire face au confinement et pour accompagner le déconfinement ; des aides ponctuelles ciblées ont été débloquées. Je les salue, mais les enjeux sont bien plus larges, et le thermomètre de l’explosion de la demande alimentaire doit plus que nous alerter.
Oui, l’urgence est à l’action sur le front social !
Convoquer l’esprit du Conseil national de la Résistance, comme l’a fait à plusieurs reprises le Président de la République, ne suffit pas. Il faut agir et mettre en place en urgence un nouveau pacte social national pour amortir l’effet de la crise sociale et sanitaire. Sinon, mes chers collègues, ce sont non pas des jours heureux qui nous attendent, mais des jours désastreux.
Le groupe socialiste et républicain compte sur la Haute Assemblée pour engager le travail, dès maintenant, en votant cette proposition de loi, sûrement amendée. J’espère que le Gouvernement, à la lumière de ces éléments et de la dégradation de la situation sociale, se montrera plus ouvert. Qu’il cesse de qualifier d’effet d’aubaine la limitation de ces frais, comme l’a rappelé Rémi Féraud ! Cette prise de position est calamiteuse et porte atteinte à la dignité des Français les plus en difficulté.
L’exécutif doit changer de ton et de position. Actuellement, il se contente de demander aux banques davantage d’autorégulation. Il semble donc placer la défense et la liberté d’action du secteur bancaire comme une priorité, plutôt que d’agir en direction des 80 % de nos concitoyens en situation d’endettement qui, dans les faits, ne bénéficient d’aucun plafonnement. En permettant aux banques de jouer le rôle du gendarme et, parfois, du voleur, il renforce les inégalités sociales.
La situation est grave. Actuellement, près de la moitié de la population active subit une perte substantielle de ses revenus en se retrouvant au chômage partiel, et risque de rejoindre la cohorte des Français précaires asphyxiés par des frais toujours plus importants.
Nous avons donc décidé que cette limitation des frais bancaires devait concerner non seulement les plus fragiles, mais également les Français qui subissent une perte de revenus temporaire en raison de la crise.
Notre dispositif de limitation de ces frais permet de réguler un domaine qui ne l’est pas assez et de desserrer l’étau qui empêche de nombreuses familles de sortir la tête de l’eau pour quelques centaines d’euros.
Ce n’est plus la pression des ronds-points qui doit vous pousser à agir dans ce domaine, madame la secrétaire d’État, mais la lutte contre le cataclysme social qui se dessine.
Le groupe socialiste et républicain pense que la République est légitime quand elle est sociale. Ce n’est pas un effet de tribune que de le dire. Il faut regarder les choses en face. Si nous ne faisons rien, la désespérance ne sera pas seulement sociale ; elle sera aussi démocratique, et elle entraînera des conséquences que chacun mesure parfaitement dans cette enceinte.
Aujourd’hui, mes chers collègues, vous avez le pouvoir d’agir pour le pouvoir de vivre. Ensemble, sachons saisir cette opportunité !