La commission est défavorable à cet amendement. Je vais expliquer pourquoi.
Nous ne sommes pas opposés à l’expérimentation de la cour criminelle, qui va juger des crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion criminelle sans jury populaire. Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une révolution dans le système judiciaire français tel qu’il existe depuis fort longtemps. En effet, je rappelle que, si la justice est essentiellement rendue par des magistrats, elle l’est toujours « au nom du peuple français ». C’est d’ailleurs par cette formule que commencent toutes les décisions de justice.
Les cours d’assises sont l’occasion unique pour le peuple français de venir rendre la justice, qui, d’habitude, est rendue en son nom, mais en son absence. Ce n’est pas folklorique : c’est essentiel. Que le peuple français soit mis en dehors des lieux de justice est, à cet égard, extrêmement important symboliquement.
Nous ne nous sommes pas opposés à l’expérimentation, assortie d’une évaluation au bout de trois ans, qui consistait à créer dix cours. Dans un premier temps, ce sont sept cours qui ont été créées, puis neuf. Le quota attribué, si je puis m’exprimer ainsi, n’est pas encore atteint. Quelques mois plus tard, nous en sommes à une quarantaine de procès.
Si nous ne sommes pas hostiles à cette expérimentation, nous ne voulons pas qu’elle devienne, même momentanément, une solution de remplacement au système judiciaire tel qu’il existe aujourd’hui. Or, si le nombre de cours passait de dix à trente, conformément à votre souhait, c’est presque le tiers des départements qui seraient concernés.
Sur la base d’un bilan de six mois d’activité, nous sommes en train de remplacer le système des cours d’assises par un modèle dont nous ne connaissons ni les vices ni les vertus. Il nous semble que ce n’est pas ainsi que l’on transforme le système judiciaire français, en touchant à l’une de ses composantes qui n’est pas la plus négligeable.
Pour résumer, nous disons oui à l’expérimentation, mais non au remplacement.
Vous ne dissimulez pas que cette réforme s’explique par une simple raison de gestion de stocks ; je n’en disconviens pas. De fait, c’est à cette difficulté que le système judiciaire français doit faire face aujourd’hui. Nous ne souhaitons pas que l’on fasse évoluer aussi considérablement le système judiciaire français sans connaître exactement la portée de cette réforme.
Comme vous l’avez dit, cette question a été abondamment discutée en commission, parce qu’elle est primordiale pour la justice.