Nous appelons le Gouvernement à reprendre cette idée à son compte. Madame la secrétaire d’État, n’y voyez pas un acte généreux envers le pouvoir en place, mais plutôt une incitation à mener, pendant cette crise, une politique plus solidaire, à votre corps défendant peut-être, pour vous éviter un nouveau mouvement des « gilets jaunes » à la puissance dix. Cette idée pourrait séduire certains caciques de votre majorité ; je pense notamment à Richard Ferrand – notre collègue Éric Bocquet a rappelé ses propos.
Contrairement à ce que pense Bruno Le Maire lorsqu’il évoque, de manière on ne peut plus élégante, un « combat du XXe siècle », nous avons fait preuve de modernité : en écartant les petites fortunes immobilières, qui bien souvent, d’ailleurs, n’en sont pas, en nous assurant de la progressivité de ce nouvel ISC et en modernisant les modalités de déclaration, nous avons fait preuve de progressisme. Nous écouterez-vous ?
Malheureusement, les déclarations de la majorité sont souvent contradictoires. On sent les tiraillements ! Pour Gérald Darmanin, il y a deux choses à éviter : l’idéologie fiscale et l’augmentation généralisée des salaires, qui tuerait l’emploi. Quand Gérald Darmanin parle d’idéologie fiscale, il parle bien sûr de son opposition épidermique à la réintroduction d’un ISF, rénové ou non.
Sur une échelle qui va du président de l’Assemblée nationale au ministre-conseiller régional-maire de Tourcoing, j’ai hâte de voir ou vous vous situez, madame la secrétaire d’État. Je crains d’avoir déjà la réponse, tant la politique du Gouvernement, sur les questions fiscales, est facilement identifiable depuis 2017 : désengagement de l’État et baisse de l’impôt, quel qu’il soit. De là à parler d’idéologie, il n’y a qu’un pas…
Dans votre « nouveau monde », le recul de l’État est érigé en doctrine au profit d’une cause politique. Nous attendons pourtant que vous puissiez vous réinventer. Vous avez voulu diminuer un niveau de prélèvements obligatoires jugé excessif, y compris, via la disparition de la taxe d’habitation, en fragilisant le niveau communal, dont nous savons aujourd’hui l’utilité.
La réalité qu’occulte le Gouvernement, c’est que ce niveau de prélèvements est lié à un périmètre d’intervention de l’État plus large que chez nos voisins – c’est vrai. C’est une question de choix de société ! Oui, l’État-providence a un coût, celui, peut-être, d’une meilleure assurance pour l’avenir des plus faibles.
Notre tradition d’intervention soutenue de l’État nous a toujours distingués, permettant à la France de contenir une fracture sociale toujours trop importante. Aujourd’hui, cette intervention est plus essentielle que jamais. Elle l’a été durant le confinement, elle l’est durant le déconfinement, elle le sera pour faire face aux conséquences sociales de la crise, qui sont devant nous.
Vous le savez : vous ne pouvez plus fonctionner avec le logiciel libéral du début du quinquennat ; si vous persistez, nous courons à la catastrophe. Vous ne pouvez plus alléger la fiscalité des plus riches en prétextant un niveau de prélèvements obligatoires trop élevé et supprimer des politiques à destination des plus modestes pour équilibrer les comptes publics – je pense à la réforme de l’aide personnalisée au logement ou à celle de l’assurance chômage.
Le groupe socialiste et républicain vous interpelle, madame la secrétaire d’État, pour que vous cessiez toute forme de conservatisme fiscal. La suppression de l’ISF n’a pas atteint le but affiché. Elle n’a pas substantiellement diminué le nombre des exils fiscaux ; elle a ôté à l’État, en revanche, une partie de ses leviers d’action. Il faut revenir sur cette suppression, tout en améliorant, bien sûr, cet impôt.
Avec cet impôt de solidarité sur le capital, nous proposons un dispositif qui n’est pas confiscatoire et qui permet à chacun de contribuer à l’effort national selon ses moyens.
Les temps qui s’annoncent sont durs ; il faut tout faire pour empêcher le creusement des inégalités. Notre contribution est modeste, mais indispensable pour permettre à un grand nombre de Français de ne pas basculer dans la précarité. Si cette main tendue est à nouveau rejetée par l’exécutif, les jours qui nous attendent n’auront rien d’heureux.