Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi en préambule de saluer le travail réalisé sur cette proposition de loi par notre rapporteure, Élisabeth Doineau, et de la remercier pour ses mots d’introduction.
Depuis plus de vingt ans, le nombre de passages dans les services d’urgence augmente de 3, 5 % chaque année en France ; il est passé de 10 millions en 1996 à plus de 20 millions aujourd’hui, soit près de 30 000 personnes chaque année par structure. Les établissements publics sont en première ligne, puisque seuls 18 % de ces passages sont pris en charge par le secteur privé.
Afin de désengorger les urgences hospitalières des prises en charge de patients dont le pronostic vital n’est pas engagé, ce texte crée des points d’accueil pour soins immédiats (PASI), initiative développée en région Auvergne-Rhône-Alpes. Ces PASI seraient labellisés par les agences régionales de santé.
Mes chers collègues, le temps de parole qui m’est attribué ne suffirait pas à établir la liste et à rappeler les conclusions des multiples rapports établis ces dernières années sur la question des urgences et de leur engorgement – certains ont été établis au sein de notre assemblée et nombre de ces rapports sont très intéressants. L’amont, l’aval, le milieu, la ville, l’hôpital, les cliniques, les obligations, les incitations, les organisations, les désorganisations, les fermetures, les rémunérations, les dotations, les abandons : tout a été dit et évalué sur les urgences, les soins non programmés et la permanence des soins ambulatoires. Pourtant, la situation a continué de se dégrader, les personnels se sont épuisés, lassés du manque de moyens, et les usagers des urgences se sont parfois révoltés.
L’heure des décisions ne peut plus être retardée. Une crise sanitaire violente vient de nous frapper. En amont des réanimations, les urgences, qui étaient déjà surchargées, ont été placées dans une tension extrême. La capacité d’absorption dont ces services ont fait preuve n’a résulté que de la conjugaison de l’engagement extraordinaire de leur personnel et de l’évaporation – la quasi-disparition – des patients autres que Covid-19. Ce phénomène a donc d’autres conséquences sanitaires, mais c’est un autre débat…
Le choix des autorités sanitaires, dans un premier temps et durant plusieurs semaines, d’exclure de la réponse à l’épidémie les intervenants du secteur ambulatoire aura contribué à cette surcharge. La réponse de notre système à un virus qui nécessitait pour une large part des soins immédiats sans gravité aura particulièrement mis en lumière le défaut de sollicitation d’une chaîne de soins associant et mobilisant l’ensemble des acteurs.
Toute la pression a été reportée sur les hôpitaux, ce qui a abouti à leur submersion et entraîné une telle concentration de la réponse qu’on en a oublié d’autres lieux, où le virus tuait massivement. En 2020, on ne meurt plus de la canicule dans nos Ehpad ; on y meurt d’un virus et d’un défaut de soins.
Alors, oui, bien sûr, réorganiser nos soins d’urgence non vitale, nos soins non programmés ou immédiats, est indispensable, impératif ! L’heure des décisions ne peut plus, ni moralement ni politiquement, être retardée. Il est des débats qui, à l’heure du post-Covid, acquièrent une acuité que beaucoup ne percevaient pas, mais qui s’impose aujourd’hui. Nous y sommes !
Ce texte, que l’Assemblée nationale a adopté en novembre 2019, était alors un tout petit pas. Je ne sais pas s’il était efficient, mais, en juin 2020, après cette crise, quelle peut être la signification de la création d’un nouveau nom et d’un label par les ARS ? Jusqu’à aujourd’hui, les ARS agréaient ; maintenant, elles labellisent… Comment les législateurs que nous sommes peuvent-ils porter une réponse aussi faible à l’occasion de notre premier débat post-Covid relatif à l’organisation du système de soins ?
L’heure est aux décisions structurantes, à un regard lucide et aux changements nécessaires. Il me semble que le Ségur de la santé a été convoqué pour cela ! Même si ses conditions d’organisation nous interpellent, même si les refus déjà exprimés par le Premier ministre, comme celui de modifier la gouvernance de nos hôpitaux – quelle erreur ! –, ne portent pas à l’optimisme sur ses résultats, il est prématuré et trop peu signifiant d’adopter, avant ses conclusions, une proposition de loi dont le caractère beaucoup trop partiel pourrait être perçu par les professionnels concernés comme une désinvolture politique.
Il y a parfois loin d’une intention tout à fait louable à une action utile. Cette proposition de loi l’illustre parfaitement. Alors, n’envoyons pas ce message trop minimaliste ! Il risquerait d’être contre-productif pour les professionnels de santé et nos concitoyens. Le groupe socialiste et républicain ne votera pas ce texte.