Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 4 juin 2020 à 14h30
Encadrement du démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Agnès Pannier-Runacher :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les abus en matière de démarchage téléphonique et l’usage frauduleux des numéros surtaxés sont une nuisance pour nos concitoyens. Pour certains, c’est un supplice quasi quotidien qui se produit de manière intempestive. Pis, ces démarchages frauduleux entraînent parfois des préjudices financiers qui peuvent être très significatifs.

C’est pourquoi le Gouvernement souhaite lutter contre ces pratiques. Il s’agit là d’un sujet complexe, dont témoignent les nombreux débats sur cette proposition de loi. Il nous faut en effet trouver un subtil équilibre permettant d’assurer l’impérieuse protection de nos concitoyens sans pour autant pénaliser les acteurs respectueux de la loi.

Je voudrais tout d’abord souligner l’importance et l’intérêt des mesures que comporte ce texte et du travail qui a été accompli. En première lecture, des dispositifs visant à renforcer significativement la protection des consommateurs ont déjà été votés : le renforcement de leur information dans les contrats et lors de la prospection commerciale, une obligation plus forte pour les entreprises ayant recours au démarchage téléphonique de s’assurer qu’elles respectent bien la liste d’opposition, des sanctions alourdies pouvant aller jusqu’à 375 000 euros pour une personne morale et une publication systématique de ces sanctions aux frais du professionnel, un mécanisme plus réactif et plus sécurisé juridiquement de suspension et résiliation des numéros surtaxés des opérateurs indélicats, avec une faculté de saisine du juge des référés par la DGCCRF.

À ces mesures sont venues s’ajouter celles qui ont été votées en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et qui visent l’objectif attendu par nos concitoyens, à savoir la cessation du démarchage téléphonique intempestif. Ont notamment été mis en place un encadrement plus strict des conditions de mise en œuvre du démarchage téléphonique, notamment des jours et des heures auxquels il peut être pratiqué, une responsabilisation accrue des professionnels, avec présomption de responsabilité du professionnel ayant tiré profit des sollicitations commerciales, et un meilleur encadrement des exceptions à la liste d’opposition dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours.

Les travaux menés en commission par votre assemblée sont également venus consacrer ces évolutions dans un souci d’amélioration du texte. Je voudrais cependant revenir sur la mesure d’interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique, qui a été supprimée en commission. Cette interdiction, je le redis, est demandée par les associations de protection des consommateurs. Près d’un tiers des litiges liés à la rénovation énergétique ont pour origine le démarchage téléphonique. Malheureusement, ces derniers sont de plus en plus nombreux, la DGCCRF le constate avec l’augmentation du nombre de réclamations et de sanctions appelées à être mises en œuvre.

Il existe vraiment une distinction à faire entre le secteur de la rénovation thermique et les autres. Je le sais, des réflexions sont menées pour ce qui concerne le secteur des assurances ou les contrats de gaz ou d’électricité. Indéniablement, la rénovation thermique constitue l’un des secteurs pour lesquels nous rencontrons des difficultés.

À l’heure où nous devons faire de la transition environnementale une priorité pour l’avenir de notre pays, nos concitoyens doivent pouvoir avoir confiance dans la rénovation énergétique. Je le rappelle, le plan de lutte contre la fraude dans le secteur de la rénovation énergétique, que j’ai lancé conjointement avec le ministre du logement et la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire le 12 novembre dernier, comporte divers volets, dont une campagne de sensibilisation du grand public, qui a été déployée à l’automne dernier, et des actions pour mieux protéger les consommateurs, qui font l’objet de travaux au Conseil national de la consommation.

Si nous voulons que ce plan de lutte soit efficace et cohérent, nous recommandons de voter une interdiction du démarchage dans ce domaine particulier. Une telle interdiction se justifie, je le répète, par le nombre anormalement élevé de problèmes liés à ce type de démarchage, par le fait qu’il aboutit, en règle générale, à des fraudes et par la visibilité des accompagnements financiers que vous avez votés en matière de rénovation thermique.

Le démarchage postal et par courriel reste permis, ainsi que la possibilité de se faire référencer par des sites de confiance. Les possibilités des experts de ces métiers pour faire connaître leurs offres sont donc nombreuses. Pour autant, nous avons entendu les craintes au sujet d’une mesure d’interdiction trop large et susceptible de perturber des professionnels qui ont des métiers connexes et ne font pas de la rénovation thermique leur activité principale. C’est pourquoi il vous est proposé de maintenir, dans certains cas, la faculté pour les professionnels de proposer à un client de réaliser des travaux. Le Gouvernement a ainsi déposé un sous-amendement visant à introduire la possibilité pour un professionnel de réaliser la prospection commerciale de consommateurs par voie téléphonique, compte tenu de l’antériorité et de la nature de la relation contractuelle entre le professionnel et ses clients, ainsi que de la proportion d’aides publiques liées à la rénovation énergétique dans le chiffre d’affaires du professionnel dans des conditions fixées par décret.

Au total, la mesure d’interdiction soumise à votre vote est proportionnée et s’inscrit pleinement dans le cadre du plan de lutte contre la fraude dans le secteur de la rénovation énergétique porté par le Gouvernement. Celui-ci permettra de renforcer la protection des consommateurs et de mettre fin aux sollicitations indésirables.

Au-delà de cette question, il me semble que la proposition de loi atteint un bon équilibre. Dans l’optique d’une adoption rapide, nous recommandons de ne pas alourdir ou complexifier les dispositifs. C’est la raison pour laquelle je propose d’encadrer par voie réglementaire les jours et horaires pendant lesquels les sollicitations téléphoniques sont autorisées et de ne pas inclure dans cet encadrement la fréquence des appels, eu égard à la grande diversité des secteurs d’activité, ainsi que des produits et services concernés.

Nous souhaitons également maintenir le principe d’une responsabilité de plein droit du professionnel ayant tiré avantage d’un démarchage téléphonique illicite. Il convient non seulement que le professionnel ne soit pas à l’origine de la violation des règles d’opposition au démarchage téléphonique pour échapper à la mise en cause de sa responsabilité, mais aussi qu’il soit établi qu’il n’en a pas profité. La DGCCRF a été confrontée à de trop nombreux contre-exemples pour ne pas être sensibilisée à ce sujet.

Enfin, j’appelle votre attention sur les mesures portées en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et inspirées des travaux de l’Arcep sur la lutte contre l’usurpation de numéros nationaux dans le cadre d’appels internationaux et l’authentification des appels. Il est dommage pour les citoyens qu’elles n’aient pas été maintenues par votre assemblée du fait de la règle de l’entonnoir, car elles leur apportent un réel bénéfice.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cas des abus et fraudes dont il est question ici, l’ingéniosité des fraudeurs rend la tâche des services de l’État difficile. C’est pourquoi le renforcement du cadre normatif que prévoit cette proposition de loi est indispensable. Il viendra soutenir l’action de la DGCCRF et de tous les services de l’État mobilisés pour lutter contre ces fraudes.

C’est en conjuguant une loi forte et efficace avec une action concrète sur le terrain que nous serons à même de répondre à l’attente de nos concitoyens : faire cesser les appels frauduleux et le démarchage téléphonique intempestif.

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