Comme nous l’avons vu en première lecture, l’encadrement plus ou moins strict du démarchage téléphonique est un véritable serpent de mer, dans le domaine de la protection des consommateurs, et a déjà fait l’objet, de la part du Sénat, d’un certain nombre de tentatives. C’est un problème connu et reconnu : les pratiques abusives de démarchage continuent de sévir en France et d’importuner – le terme est faible – les consommateurs, faute d’encadrement et de mobilisation suffisante des pouvoirs publics, alors que d’autres pays ont obtenu de bons résultats en la matière.
Jean-Pierre Sueur a rappelé la proposition de loi présentée par le groupe RDSE sur l’initiative de Jacques Mézard. Adoptée par le Sénat il y a déjà neuf ans – je venais d’arriver au Sénat –, elle prévoyait un dispositif plus strict et le passage de l’opt-out à l’opt-in.
L’obligation de recueillir le consentement préalable du consommateur en amont de toute activité de démarchage par voie téléphonique devrait être la règle. C’est la seule solution pour éviter les dérives constatées, qui confinent vraiment, parfois, au harcèlement et qui, en outre, visent surtout des publics fragiles. Il faut aussi insister sur cet aspect : la logique même du démarchage téléphonique est de cibler ceux qui ne savent pas dire non. Ces dérives touchent donc les utilisateurs de téléphone fixe, de moins en moins nombreux, autant que de téléphone mobile. C’est d’ailleurs par ce vecteur que le démarchage abusif et les pratiques frauduleuses se sont le plus développés ces dernières années.
Trop souvent, les consommateurs ignorent les droits qui leur sont reconnus dans le code de la consommation – peut-être moins, désormais, ceux qui figurent dans les textes relatifs à la protection des données personnelles, qu’il s’agisse de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ou du règlement général sur la protection des données, entré en vigueur en 2018.
Les problèmes, dans le domaine du démarchage, sont donc parfaitement connus. Eu égard aux pratiques commerciales agressives de nombreuses sociétés de télémarketing n’hésitant pas à appeler les personnes plusieurs fois dans le même mois, à des horaires inopportuns, en soirée ou le week-end, il paraît totalement indispensable de renforcer les droits des citoyens.
C’est pourquoi on ne peut que regretter la position encore très timorée de la commission, qui a édulcoré le texte. On évoque volontiers les consommateurs importunés, parfois en situation de faiblesse, mais plus rarement le mal-être au travail des employés des centres d’appel. S’il est un métier ingrat – il nous est tous arrivé de raccrocher un peu brutalement –, c’est bien celui-là, que le centre d’appel soit situé en France ou à l’étranger.
D’ailleurs, la localisation hors de l’Union européenne n’est en principe pas un obstacle à la protection du consommateur, puisque les litiges sont régis par la loi du pays de résidence habituel de ce dernier. Plusieurs pays voisins, comme l’Allemagne, l’Espagne, le Danemark, ont opté pour le régime du consentement préalable, avec de véritables succès à la clé. Il est tout de même assez étonnant que l’on régule le démarchage par texto, mais non le démarchage téléphonique, alors qu’un texto est moins intrusif qu’un appel téléphonique.
Quoi qu’il en soit, force est de reconnaître que les différentes tentatives pour aller dans le sens d’un encadrement du démarchage téléphonique en France ont jusqu’à présent toujours échoué. L’approche plus modérée des auteurs de la présente proposition de loi devrait permettre d’aboutir à un compromis. Elle conserve le régime actuel de la désinscription tout en le rendant plus efficace. Son objet est aussi plus large et plus actuel, puisqu’il inclut la lutte contre les appels frauduleux, phénomène hélas répandu.
N’ayant pas le temps de développer plus avant mon propos, je me bornerai à abonder sans réserve dans le sens de Mme la secrétaire d’État sur la question des appels concernant les travaux de réhabilitation des logements. Avec l’offre très alléchante de l’isolation à 1 euro, il y a eu énormément d’abus dans ce domaine. Les vrais professionnels demandent une régulation forte. En effet, ces réhabilitations pour 1 euro, qui donnent au consommateur le sentiment de faire une bonne affaire, recouvrent souvent des travaux bâclés ; les « vrais » travaux de réhabilitation, eux, ne sont pas faits par les propriétaires. Si nous voulons tenir nos objectifs, qui sont absolument essentiels, en matière d’efficacité énergétique et de lutte contre le dérèglement climatique, il y a urgence à réglementer les appels concernant la rénovation énergétique et le développement de l’utilisation des énergies renouvelables.
J’espère que nous pourrons trouver un compromis. Que le texte échoue à réglementer ces abus serait totalement incompréhensible, et je sais que tous les professionnels suivent nos travaux avec grande attention cet après-midi.
Le RDSE continue de soutenir l’idée d’un plus strict encadrement du démarchage téléphonique, pour enfin mettre un terme aux nuisances inhérentes à celui-ci. Si l’on peut regretter que cette proposition de loi n’aille pas plus loin dans cette voie, il faut aussi savoir reconnaître les avancées qu’elle comporte ; il faudra veiller, par la suite, à sa bonne application. Le groupe RDSE votera pour son adoption.