Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le démarchage téléphonique et la prospection commerciale par voie électronique sont devenus une pratique courante, régulièrement mise en cause par le législateur et par les citoyens.
Appels internationaux, messages vocaux préenregistrés et publicitaires sous un faux numéro… Selon les chiffres de l’enquête de l’UFC-Que Choisir de 2017, chaque foyer est démarché téléphoniquement 4 fois par semaine en moyenne. Ce chiffre monte à 4, 4 fois par semaine pour les personnes âgées de plus de 65 ans.
Ne parler que de l’exaspération que suscitent ces appels ne suffit pas, car, en parallèle, les cas de fraude sont de plus en plus fréquents. Cette proposition de loi distingue très clairement les deux : démarchage téléphonique et appels frauduleux. Je remercie notre collègue député Christophe Naegelen, qui a été le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale. Son ambition nous a permis de débattre et de proposer des solutions équilibrées, à la hauteur d’un double sujet.
Le texte initial comprenait six articles, visant notamment : pour l’article 1er, le renforcement des informations qu’un professionnel doit obligatoirement communiquer au consommateur lors d’un appel de prospection commerciale ; pour l’article 2, la réalisation d’un audit de la société Opposetel, délégataire du service Bloctel, afin de relever les dysfonctionnements, d’améliorer le service et d’optimiser les moyens ; pour les articles 3 et 4, le renforcement du montant des sanctions administratives prononcées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en cas de méconnaissance des obligations fixées par l’encadrement législatif ; à l’article 6, la sécurisation des outils juridiques de lutte contre les pratiques téléphoniques de fraude aux numéros surtaxés, en particulier la faculté donnée aux opérateurs de communications électroniques de suspendre l’accès à un numéro surtaxé affecté à un service fraudeur.
Il est important de rappeler que le secteur du démarchage téléphonique emploie aujourd’hui directement plus de 56 000 personnes en France, y compris au sein de TPE et de PME de nos territoires. C’est d’ailleurs sur le fondement de cet état de fait que les deux chambres se sont majoritairement accordées pour ne pas retenir le principe d’un opt-in systématique.
N’ayant pas trouvé de traduction littérale de l’expression opt-in, il me paraît utile de décrire ce système de façon succincte.
Le principe général en est qu’un individu doit avoir donné son consentement préalable et explicite avant d’être la cible d’une prospection directe. Un individu ne peut donc être destinataire d’une newsletter ou d’un démarchage téléphonique que s’il a donné de manière claire et explicite son consentement à la réception de ce type de messages.
Ainsi, retenir un opt-in systématique reviendrait à en inverser le principe, en postulant que le consommateur est toujours a priori contre le démarchage, ce qui conduirait probablement, in fine, à une disparition de ce secteur économique.
Plusieurs points d’équilibre doivent donc être trouvés sur ces sujets, afin de mieux protéger les consommateurs et de renforcer l’efficacité des mécanismes d’opposition du service Bloctel sans pénaliser les acteurs respectueux de la loi, de mieux réguler le démarchage, de faire cesser ces nuisances et de sanctionner les fraudes sans ébranler le secteur.
Les travaux de notre chambre, tels qu’ils ont progressé, dessinent un tel équilibre ; je tiens, à ce titre, à saluer le travail de notre rapporteur, qui a permis, dès l’issue de la première lecture, de voter conformes quatre articles portant sur des sujets essentiels.
Il a également permis au Sénat d’enrichir le texte sur plusieurs points, tels que la mention de Bloctel dans les contrats de téléphonie, les modalités de communication au consommateur des informations obligatoires lors d’un démarchage ou encore la création d’un régime de données ouvertes applicable à l’organisme gestionnaire du service Bloctel, afin d’en renforcer le contrôle.
Il a permis, enfin, l’acceptation en commission de modifications du texte intervenues à l’Assemblée nationale en deuxième lecture, sur des sujets essentiels qui faisaient encore l’objet d’une divergence de fond. Je pense notamment à l’article 5 relatif à l’encadrement du démarchage téléphonique en cas de relations contractuelles préexistantes. La rédaction de compromis introduite par l’Assemblée nationale et validée par notre rapporteur limite l’exception contractuelle aux clients d’un contrat en cours ou à des sollicitations en rapport avec l’objet du contrat ou portant sur des produits ou services afférents ou complémentaires.
Cette rédaction illustre bien l’équilibre que je mentionnais. Il est à noter que le bicamérisme montre une nouvelle fois toute son importance dans la construction de la loi.
Pour autant, le débat en séance va permettre de continuer à améliorer ce texte, sur certains points en particulier. Ainsi souhaitons-nous, comme plusieurs autres collègues, et pour des raisons que nous expliciterons tout à l’heure, rétablir l’interdiction du démarchage téléphonique pour les professionnels qui vendent des équipements ou travaux d’efficacité énergétique. Je souhaite mentionner également certaines modifications introduites en commission par notre rapporteur relatives aux obligations imposées aux professionnels du démarchage téléphonique, s’agissant par exemple de la fixation de la fréquence des appels ou de la présomption de responsabilité s’appliquant aux professionnels ayant tiré profit d’un démarchage téléphonique litigieux.
Le présent débat nous permettra de discuter de ces sujets intéressants et, je le crois, d’avancer dans l’élaboration de ce texte, qui présente un triple caractère de nécessité, d’équilibre et de qualité, et auquel notre groupe est favorable.