Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 juin 2020 à 9h50
Projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Nous sommes saisis d'un projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles, qui a été adopté en conseil des ministres le 27 mai dernier. Il prévoit de reporter l'élection des 178 sénateurs de la série 2, dans l'hypothèse où le second tour des élections municipales ne pourrait pas avoir lieu en juin 2020.

Comme je l'ai rappelé hier, ce projet de loi organique a été adopté le même jour que le décret de convocation des électeurs pour le second tour des élections municipales, ce qui n'a pas manqué de surprendre.

Au vu de l'heureuse amélioration de la situation sanitaire, il va falloir que le Gouvernement « débranche » ce processus législatif largement fictif. Le second tour des élections municipales ayant 99 % de chances de pouvoir se tenir le 28 juin prochain, l'heure de vérité arrive... D'ailleurs, le Gouvernement a déposé cette nuit quatre amendements pour réécrire son projet de loi organique. Comme je viens de l'indiquer, les articles initiaux reportaient à septembre 2021 la fin du mandat des 178 sénateurs de la série 2, au lieu de septembre 2020. Les amendements du Gouvernement ne concernent plus que les six sénateurs représentant les Français établis hors de France. C'est une entrée dans l'atmosphère...

L'exécutif, qui était sur le point de nous demander de trancher des questions hypothétiques et de légiférer « à blanc », a estimé, dans une illumination nocturne, qu'il n'était pas convenable de continuer à entretenir la fiction d'un report généralisé des élections sénatoriales. Il s'est attaché à la question de l'élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France, qui est la plus délicate : leur corps électoral ne pourra pas renouvelé d'ici septembre 2020, les élections consulaires programmées en mai puis en juin 2020 n'ayant pas pu se tenir. Nous savions depuis le début qu'il nous fallait précisément trancher cette question...

J'ai longtemps pensé que le Gouvernement estimait que cette question n'avait pas à être traitée, considérant qu'un cas de force majeure empêchait le renouvellement du collège électoral des six sénateurs représentant les Français établis hors de France et que leur élection se déroulerait en septembre 2020, pour ne pas modifier la durée des mandats parlementaires.

Cette hypothèse soulève toutefois des questions constitutionnelles, le collège électoral des Français de l'étranger étant celui qui s'est déjà exprimé pour les élections sénatoriales de 2014 et en 2017. J'avais donc des doutes sur cette solution, mais, au travers des auditions que j'ai menées, j'ai constaté que les associations représentant les Français de l'étranger la soutenaient.

Le président du Sénat s'est également inquiété du silence du Gouvernement auprès de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Pour ma part, j'ai indiqué que j'étais à la disposition du Gouvernement pour étudier toute solution, actant qu'il n'avait pris aucune initiative quant à la date de l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger. Le secrétaire d'État a finalement obtenu une décision gouvernementale, qui s'est traduite par les amendements dont nous sommes saisis.

Cette prise de position du Gouvernement me semble convenable sur le plan constitutionnel. Nous avons validé la possibilité de reporter l'élection de membres du Parlement ou d'assemblées locales pour des motifs d'intérêt général. Or, tel est bien le cas en l'espèce : il s'agit de tirer les conséquences de l'annulation des élections consulaires, en raison de la crise sanitaire.

À tout prendre, la solution proposée par le Gouvernement est sans doute plus solide sur le plan constitutionnel que la solution qui s'imposerait à nous si nous ne modifiions pas la durée du mandat desdits sénateurs. Cette option présente l'inconvénient de porter atteinte à un autre principe constitutionnel, celui du renouvellement du collège des grands électeurs entre deux élections sénatoriales.

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