Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 juin 2020 à 9h50
Projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

et qui valide le premier, décidait que ces dispositions législatives sont inconstitutionnelles avant le second tour, je vois mal comment celui-ci pourrait être organisé. Nous devrions alors remettre l'ouvrage sur le métier.

Quant à la question de la validation du premier tour, elle est d'une autre nature. Le législateur n'a pas eu à valider l'élection des conseillers municipaux dans les communes où tous les sièges ont été pourvus, se bornant à traiter de la question du premier et du second tour dans les autres communes. Une annulation « rétrospective » des résultats définitifs des élections municipales constituerait un précédent - mais nous vivons une période sans précédent. Toutefois, des contestations devant la juridiction administrative sont en cours en raison de l'abstention provoquée par la situation singulière que nous vivons, avec la décision de restriction de liberté le samedi soir, motivée par la gravité de la crise sanitaire, le maintien du premier tour de l'élection municipale le dimanche, dans un climat de psychose, et la décision du confinement, due à la gravité de la situation, le lundi. Il y a donc une zone d'incertitude juridique, que je circonscris à la possibilité de tenir le second tour si les dispositions de la loi du 23 mars dernier devaient être jugées inconstitutionnelles.

Pierre-Yves Collombat, veuillez m'excuser d'avoir manqué de clarté. Deux options principales se posent à nous pour l'élection des 6 sénateurs représentant les Français de l'étranger renouvelables en septembre 2020.

Premièrement, on peut maintenir le droit en vigueur, en considérant que, malgré le non-renouvellement des grands électeurs des sénateurs représentant les Français établis hors de France, ceux-ci peuvent être renouvelés par l'ancien collège. Je pensais que le Gouvernement avait pris cette option dans la mesure où il ne faisait aucune proposition. On peut toutefois arguer que cette option n'est pas tenable d'un point de vue démocratique : le non-renouvellement des grands électeurs empêche que le corps électoral soit « relégitimé ». Ce corps ne saurait être maintenu que par la volonté du législateur et non pas par celle des électeurs. Ce raisonnement n'a pas été tenu dans ce cas particulier, mais cette situation a déjà existé.

De ce fait, cette première option fait courir aux sénateurs des Français de l'étranger élus en septembre 2020 un risque en cas de contestation, probable, de leur élection. On peut choisir de prendre ce risque ou de s'en inquiéter. Le texte initial du Gouvernement ne traitait pas de cette question. Le Conseil d'État n'a donc pas été appelé à se prononcer, même si son avis ne se substitue pas à la décision du Conseil constitutionnel. J'aurais préféré que le Gouvernement, avant de présenter ses amendements, consulte le Conseil d'État et que nous disposions de son avis.

La seconde option serait de reporter l'élection à la date la plus proche à partir du renouvellement du corps électoral qui désigne les sénateurs représentant les Français établis hors de France. J'ai l'intuition que cette solution est juridiquement plus sûre, alors même que ma préférence serait de maintenir la date des élections.

Nous devons arbitrer entre ces deux options, d'autant qu'un projet de loi organique relatif à la durée du mandat de sénateur ne peut pas être adopté sans l'accord du Sénat. Aussi, j'incline à recommander la solution qui me semble la plus sûre, celle du Gouvernement, mais s'il n'avait pas pris les devants, je n'aurais en aucun cas pris l'initiative de reporter cette élection.

Compte tenu de la manière dont le Gouvernement avait engagé ce processus en ne s'intéressant qu'au report de l'élection des 178 sénateurs de la série 2, quid du report de l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France ? Jusqu'à cette nuit, il était donc dans l'impossibilité de traiter la seule question qui se posait, concernant les 6 sénateurs représentant les Français de l'étranger.

Une variante au report d'un an, ce serait un report de trois ans. Prolonger de trois ans leur mandat ne contrarierait nullement nos collègues... On pourrait toutefois s'interroger sur la proportionnalité d'une telle décision.

Cher collègue, j'espère avoir été clair, mais je ne peux pas l'être complètement, car la question est délicate. Les deux options sont, quant à elles, parfaitement limpides.

Alain Richard, je vous ai connu plus sourcilleux sur l'application des décisions du Conseil constitutionnel... Je suis étonné de l'assurance que vous manifestez pour défendre la solution du maintien de l'élection des six sénateurs représentant les Français de l'étranger en septembre 2020. Votre point de vue m'ébranle, car il diffère de celui des spécialistes de la jurisprudence constitutionnelle que j'ai consultés la semaine dernière. Vous instillez le doute, et je dois le prendre en considération. Mais nous jouons gros, si je puis dire, si le Conseil constitutionnel annule ces six élections lors de l'examen des contentieux électoraux. Ces sièges pourraient rester vacants pendant plusieurs mois, le temps d'organiser de nouvelles élections consulaires et de nouvelles élections sénatoriales.

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