Intervention de François Bonhomme

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 juin 2020 à 9h50
Audition de M. Jacques Toubon défenseur des droits pour la présentation de son rapport annuel d'activité pour 2019

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Avant cette audition, j'ai pris la précaution - et la peine - de lire votre rapport. Mon appréciation de votre action en tant que Défenseur des droits est exactement inverse de celle de Mme de la Gontrie. J'avais suivi votre nomination avec intérêt, mais j'émets aujourd'hui quelques réserves sur votre action.

Je partage néanmoins quelques-unes de vos préconisations, notamment sur la dématérialisation des services publics - et les questions qu'elle pose quant à la territorialisation des services de l'État - ou les dérives en matière d'amendes pour stationnement. Votre rapport illustre un mouvement général de la société vers le « j'ai le droit » qui élude la notion de devoirs. Le « je », tout puissant, voire agressif, écrase le « nous » qui faisait société et qui permettait l'intégration et l'inclusion. Les tensions dans la société sont croissantes. Vous êtes une vigie singulière. Mais comme le rappelle le président Bas, l'action obéit à d'autres logiques. On observe aussi la montée des droits à créances - les droits « à ».

Paradoxalement, la principale victime, c'est l'État de droit et l'État, qui montre son impuissance à répondre. L'un de vos objectifs serait de renforcer le lien de confiance, constitutif de la démocratie ; mais vos recommandations inflationnistes alimentent la défiance. Je constate une remise en cause de plus en plus violente de la démocratie, une délégitimation de l'autorité et la fragilisation des figures traditionnelles - le père, la police, le professeur, le juge, le médecin.... Je récuse les expressions telles que « violence institutionnelle », « violence systémique » ou « violence d'État », mais je reprends volontiers à mon compte celle des « territoires perdus de la République ». Vous êtes, malgré vous, tout à la fois le produit et le symptôme d'un système circulaire dans lequel toute autorité finit par être récusée. C'est le droit de chacun contre le droit de tous, sous couvert d'inclusion sociale. Vous affirmez être contre l'essentialisation et les replis communautaires, mais vos décisions et vos recommandations les alimentent.

Ce qui est en question, c'est notre État-providence, mais, aussi la Nation et la République. Régis Debray avait analysé notre République comme notre bien commun, parfois au détriment de la démocratie. Ce ne sont pas les mêmes notions et, à cet égard, je suis inquiet de certaines dérives d'importation anglo-saxonne.

Permettez-moi de vous poser une question malicieuse : vous avez suggéré au Président de la République qu'il nomme une femme pour vous remplacer, mais cela n'est-il pas discriminatoire ? La compétence ne devrait-elle pas prévaloir sur toute autre considération ?

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