Intervention de Marie Mercier

Réunion du 9 juin 2020 à 21h30
Protection des victimes de violences conjugales — Articles additionnels après l'article 11

Photo de Marie MercierMarie Mercier :

Cet amendement est très important.

Que ce soit sur un ordinateur ou sur leur smartphone, des mineurs peuvent très facilement visionner des contenus pornographiques disponibles gratuitement en ligne. Ils savent très bien le faire ; il suffit de taper le nom d’un site et huit vignettes apparaissent, proposant l’accès immédiat à des films pornographiques.

En violation de la loi, de nombreux sites internet ont renoncé à mettre en place un véritable contrôle de l’âge des personnes qui visionnent ces images. Il suffit d’un clic par lequel le mineur certifie avoir plus de 18 ans pour que des milliers de vidéos pornographiques lui soient accessibles. Quelquefois même, la question de l’âge n’est pas posée ! Pourtant, il existe des solutions d’identification de l’âge, par exemple en passant par FranceConnect ou en utilisant une carte de paiement.

De nombreux mineurs visionnent ces images dès leur entrée au collège, durant les intercours. Cela conduit à s’interroger sur l’effet que la consommation d’images pornographiques pourrait avoir, à moyen terme, sur leur développement affectif, psychologique et sexuel.

Autre chiffre : on sait que 50 % des moins de 12 ans ont déjà visionné un film pornographique dans sa totalité et que les premières images pornographiques atteignent les enfants dès l’âge de 7 à 8 ans, à l’occasion du visionnage d’un autre type de film durant lequel elles sont bombardées.

Les enfants de 7 ou 8 ans ne s’identifieront pas forcément à ces images. Même si c’est très grave, ça l’est moins que pour les jeunes de 12 ou 13 ans.

En principe, l’article 227-24 du code pénal permet de sanctionner les sites qui diffusent des images pornographiques susceptibles d’être vues par un mineur. La loi existe donc. La peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Mais, en pratique, cet article n’est pas appliqué dans l’univers numérique et la justice ne parvient pas à atteindre les éditeurs de ces sites, qui sont souvent basés dans des paradis fiscaux très éloignés et ne coopèrent pas avec la France. Est-ce une raison pour ne pas agir ?

La pornographie est un univers particulier, et ce d’autant plus pour les mineurs. Les jeunes garçons ne sont plus les seuls à s’identifier, les jeunes filles aussi. On sait que, durant la période de confinement, la demande de films pornographiques a explosé, et encore plus celle de films pornographiques violents.

Je vais essayer de vous expliquer la situation simplement.

Autrefois, les films pornographiques violents formaient une catégorie à part. Ils étaient destinés, par exemple, à des personnes sadomasochistes, ce que l’on appelle aujourd’hui les adeptes du BDSM – je ne suis pas familière de ces sujets –, et dont c’est le droit le plus strict d’être attirées par de tels films ou sites pornographiques violents. Même si on ne partage pas cet intérêt, on peut essayer de comprendre… Ces films étaient donc codifiés « violents ».

Désormais, en revanche, la violence fait partie de la pornographie « de base ». Il est devenu normal qu’une femme soit strangulée, serrée, écartelée, et que sais-je encore. C’est tragique !

Les jeunes filles qui vont voir ces images se diront qu’il faut faire pareil, qu’il est normal qu’un jeune homme soit violent avec elles. Or ce n’est pas normal du tout, surtout pour un jeune en construction, comme cela a été expliqué précédemment.

Cet amendement, que je défends avec passion et enthousiasme, vise à instituer une nouvelle procédure, destinée à obliger les éditeurs de sites pornographiques à mettre en place un contrôle de l’âge de leurs clients.

Tout d’abord, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) adresserait à ces sites une injonction de se mettre en conformité avec la loi, laquelle, on l’a vu, existe. Ensuite, il saisirait le président du tribunal judiciaire de Paris, afin que celui-ci ordonne aux opérateurs de rendre impossible l’accès à ces sites, qui ne pourraient donc plus être consultés depuis la France. Enfin, nous proposons la mise en œuvre d’une action – nous savons que ce ne sera pas facile, mais au moins est-ce le début du commencement de quelque chose…

Ce dispositif s’inspire de celui qui a été mis en place pour lutter contre les cercles de jeux en ligne illégaux, lequel repose sur le contrôle exercé par l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel). Si cela marche pour les jeux en ligne, pourquoi pas pour les sites pornographiques ?

L’adoption de cet amendement permettrait de mettre en œuvre l’engagement pris par le Président de la République le 20 novembre 2019, dans un discours prononcé à l’Unesco. Il avait alors donné six mois aux acteurs de l’internet pour instaurer un contrôle parental par défaut, sans quoi il serait nécessaire de légiférer.

Nous y sommes, les six mois sont passés ! Nous avons là une accroche dans la loi pour répondre à l’exigence du Président de la République. C’est tout de même positif !

Cette question devait être traitée dans le cadre de l’examen du projet de loi de réforme de l’audiovisuel, mais celui-ci a été remis aux calendes grecques et ne sera pas débattu, au mieux, avant 2021. Cela doit nous inciter à prévoir, lors de la discussion de la présente proposition de loi, des dispositions destinées à protéger véritablement les mineurs.

Vous me direz que, ces sites étant situés à l’étranger, si l’on en ferme un, deux seront ouverts dans la foulée. Peut-être, mais ce n’est pas une raison pour ne pas agir ! Cela me rappelle la fable du petit colibri qui n’a dans son petit bec qu’une goutte d’eau pour éteindre l’incendie de la jungle, mais qui fait tout de même sa part. Nous avons la responsabilité de faire quelque chose ! Dire que rien n’est possible, ce n’est pas acceptable !

Lorsque j’ai été élue maire en 2001, je suis allée à la maison des adolescents, où l’on m’a dit qu’il y avait un problème avec l’accès des jeunes à certains sites. C’était il y a dix-neuf ans ! À l’époque, j’avais expliqué à des jeunes de 13 ans qu’il ne fallait pas aller sur ces sites. Ils ont aujourd’hui 32 ans et ils ont le même problème avec leurs enfants, car on n’a rien fait !

L’univers numérique de nos enfants nous dépasse, et on ne peut pas l’accepter. Voilà pourquoi, puisque nous disposons d’une accroche, nous devons nous en saisir tous ensemble pour protéger nos enfants.

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