Intervention de Yves Dauge

Réunion du 4 décembre 2007 à 15h10
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : cinéma audiovisuel et expression radiophonique locale

Photo de Yves DaugeYves Dauge :

...et que j'aurais bien continué. Cela étant dit, nous n'allons pas nous disputer !

Madame la ministre, la politique du patrimoine est une grande politique et il est nécessaire, pour la défendre, de se mettre d'accord sur sa profondeur et son champ d'action.

Sa dimension culturelle est évidente, ne serait-ce que par l'utilisation des monuments restaurés, qui restent des lieux extrêmement forts dans le développement de la culture.

Son aspect économique est considérable, tant par le nombre et la qualité des emplois et des formations que par les entreprises remarquables qui oeuvrent dans ce secteur et qui font honneur à notre pays.

Sa dimension urbaine et d'aménagement du territoire, enfin, est essentielle. Les politiques de la ville manquent bien souvent d'inspiration et auraient tout intérêt à se refonder sur les centres historiques pour donner un sens au développement urbain.

Forts de cette ambition à laquelle nous pourrions tous souscrire, il nous faut avoir les moyens de cette politique. Avec 400 millions d'euros, nous sommes loin du compte. Je peux comprendre la contrainte budgétaire, mais encore faut-il que l'on puisse disposer des sommes annoncées et que tout le monde parle un discours de vérité. J'avoue que j'ai moi aussi quelquefois du mal à comprendre exactement ce qui se passe.

Je voudrais d'ailleurs saluer le travail de la commission des affaires culturelles qui, depuis deux ou trois ans, oeuvre à la compréhension des mécanismes quelque peu obscurs qui se sont développés dans ce domaine. Le Sénat a essayé de comprendre, dans le souci d'aider honnêtement le ministère, madame la ministre.

Il reste que l'année 2008, je le dis franchement, sera difficile. Comment pourra-t-on faire face, avec ce budget, au montage opérationnel que l'État devra opérer pour Monum ? Et les dettes de l'État, qui ne sont pas apurées ? Comment trouvera-t-on de quoi alimenter les directions régionales des affaires culturelles, elles-mêmes endettées, dont les crédits vont baisser alors qu'elles se trouvent déjà en difficulté ?

En définitive, je me demande, même si je ne suis pas sûr que nous soyons en mesure de le savoir clairement, s'il restera des crédits nets, après avoir honoré toutes les dettes, pour monter des opérations nouvelles en 2008.

Je n'insiste pas, mon rôle n'est pas de vous compliquer la tâche, madame la ministre, mais nous avons intérêt à être le plus clair possible vis-à-vis des entreprises et des collectivités locales. L'absence de transparence dans cette affaire serait nuisible à la réputation et à la crédibilité de l'État, que je suis, tout comme vous, décidé à défendre.

La pire des choses serait de poursuivre dans la voie que nous avons suivie pendant des années, car on est arrivé au point où les fonctionnaires, que ce soit au niveau des DRAC ou à l'échelon central, finissent par se faire agresser.

Un effort de clarification est donc indispensable en 2008. Les chiffres étant ce qu'ils sont, il faut dire la vérité : voilà ce que nous ferons, voilà ce que nous ne ferons pas. Payons d'abord nos dettes, nous verrons ensuite ce qu'il reste.

Dans la dotation des DRAC, j'insiste toujours sur les crédits destinés aux espaces protégés, aux espaces sauvegardés. S'il est une politique emblématique, c'est bien celle-là !

Il serait certes possible de trouver un partenariat plus efficace avec les villes pour financer les études, madame la ministre, mais les crédits sont en baisse et l'on assiste à une diminution visible des espaces protégés, des zones de protection du patrimoine, je pense notamment aux abords des monuments historiques. C'est à la dimension urbaine du patrimoine que l'on touche : elle est essentielle et il importe de la défendre ardemment.

Comment pourra-t-on faire face financièrement et répondre à toutes ces interrogations en 2008 ? Je me le demande. Le groupe d'études sur le patrimoine architectural, que vous présidez, monsieur Richert, pourrait se saisir de ce dossier.

Je voudrais dire quelques mots sur l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP. Des progrès ont été réalisés, l'ambiance est meilleure. Je suis convaincu que, même dans une situation budgétaire difficile, l'INRAP doit absolument parvenir à l'équilibre financier. Simplement, il faut améliorer le recouvrement de la redevance, qui n'est pas suffisamment efficace. Il n'y a aucune raison que nous n'arrivions pas à atteindre les 80 millions d'euros, ce qui nous permettrait d'allouer à peu près 30 millions d'euros au fonds d'intervention. Or, nous en sommes encore loin !

Je souhaite aussi que l'on puisse débloquer l'emploi dans le domaine des fouilles. Partout, qu'il s'agisse des maîtres d'ouvrage, des opérateurs, la demande est formidable. Tout le monde se plaint que les fouilles ne vont pas assez vite, mais l'INRAP n'a pas le droit de créer d'emplois publics.

Il faudrait tout de même pouvoir négocier une possibilité de répondre à la demande. Nous sommes dans un système absurde : la demande existe, les compétences aussi, mais on freine tout faute de créations d'emploi. C'est ridicule ! Notre rapporteur spécial, Yann Gaillard, connaît très bien ce dossier. Je souhaiterais que l'on puisse introduire un peu de respiration dans la gestion de cette affaire.

Voilà une solution simple, madame la ministre, qui vous éviterait de verser 10 millions d'euros supplémentaires à l'INRAP pour boucher les trous, des millions dont vous avez vraiment besoin pour le patrimoine.

Dans le même ordre d'idée, je redis ce que j'ai toujours dit ici : il est inadmissible de maintenir les exemptions de redevance actuelles. Les lotisseurs affligent la totalité de notre territoire d'opérations contestables sur le plan de l'urbanisme et en plus ils ne paient pas la redevance : on se demande bien pourquoi !

Dans ma région, 500 lotissements sont ainsi exonérés. Nous pourrions leur faire payer le juste prix, puisqu'ils relèvent du droit commun. Ils ont simplement été soutenus par un lobby dont vous faites les frais, madame la ministre. Vos collègues sont bien à l'aise pour défendre des exemptions, mais c'est vous qui payez la note. C'est scandaleux !

Il y a là matière à mener des actions concrètes et efficaces et je souhaite vivement qu'elles voient le jour !

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