Intervention de Colette Mélot

Réunion du 16 juin 2020 à 14h30
Don de chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à permettre aux salariés de donner des jours de congé, sous la forme de chèques-vacances, au personnel soignant qui a fait preuve d’un engagement remarquable dans l’exercice de ses missions durant la crise sanitaire.

Le dispositif en question, le don de jour de repos, existe déjà depuis l’adoption de la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade. Il a été une première fois étendu en 2018, au bénéfice des proches aidants. Il s’agit d’un geste de solidarité individuelle, qui se fonde sur le volontariat et préserve l’anonymat.

Dans le contexte que nous connaissons, il nous est proposé d’étendre cette possibilité au bénéfice des professionnels de santé et, par extension, aux secteurs sanitaire et médico-social.

De nombreuses objections ont été soulevées en commission des affaires sociales au Sénat. Ces objections, nous les comprenons.

Certains diront, à juste titre, que la solidarité individuelle n’est pas interdite par la loi et que chacun est en mesure d’offrir une partie de ses revenus aux établissements hospitaliers, aux associations, aux fondations qui se sont mobilisés durant la crise. De nombreux CHU ont reçu d’importantes sommes d’argent ces derniers mois pour contribuer à l’achat de matériel, et les initiatives locales à l’égard du personnel se sont multipliées, notamment dans le secteur du tourisme avec l’opération « le repos des héros ».

Cette solidarité, ouverte à tous, s’exerce directement, sans passer par l’intermédiaire d’un employeur. Le dispositif que le texte vise à mettre en place est complémentaire à ces pratiques existantes et apporte une base juridique à l’organisation d’une solidarité à l’échelle d’une entreprise.

D’autres protesteront contre ce geste somme toute symbolique, arguant qu’il ne saurait résoudre l’essentiel du problème auquel il revient à l’État de répondre à travers une juste reconnaissance du métier de soignant. C’est précisément ce que le Gouvernement a annoncé lors du Ségur de la santé le 25 mai dernier. Ces mesures importantes et attendues comprennent une juste revalorisation des salaires du personnel soignant, une refondation de l’hôpital et un plan d’aide à l’investissement, en complément de la reprise des dettes du secteur hospitalier à hauteur de 13 millions d’euros.

Bien entendu, il sera également important de veiller à l’amélioration des conditions de travail et d’offrir aux soignants une meilleure évolutivité de leur carrière au moyen de la formation continue.

Si cette proposition de loi apparaît pour certains en décalage par rapport aux besoins du personnel soignant, elle ne fait qu’accompagner en réalité les mesures que le Gouvernement s’est engagé à prendre. Il est vrai que le dispositif proposé est d’une grande complexité pour les employeurs et restreint le nombre de donateurs aux salariés disposant de jours de congé à prendre.

Nous saluons l’effort de réécriture de la commission des affaires sociales. Tout en conservant le champ très large des bénéficiaires potentiels, la commission propose de remplacer le don de jours de congé par un don du salarié d’une partie de sa rémunération correspondant à une ou à plusieurs journées de travail. Outre une plus grande simplicité de gestion, ce nouveau dispositif sera ouvert à tous les salariés, qu’ils disposent ou non de jours de congé, et il permettra à l’employeur ou à toute autre personne publique ou morale d’abonder le fonds.

D’un point de vue technique, cette réécriture est satisfaisante. Les soignants eux-mêmes diront qu’ils ne sont pas les seuls à mériter un élan de générosité. Il est vrai que les travailleurs de l’ombre sont innombrables : qu’il s’agisse du caissier de supermarché, du livreur à vélo, du conducteur de bus, de l’éboueur, tous mériteraient attention et reconnaissance pour avoir alimenté et nettoyé nos villes durant le confinement.

En autorisant une forme d’engagement solidaire et circonstancié au salariat, il ne s’agit pas d’enlever à l’État son rôle d’armature des solidarités, pour reprendre l’expression d’Alain Supiot. Les salariés ont été durement touchés par la crise et toutes les entreprises ne seront pas en mesure de se remettre à flot. Cette nouvelle liberté n’enlèvera ni n’ajoutera rien aux conséquences de la crise sur le monde économique et ne vise certainement pas à lui laisser porter le poids des dommages et intérêts.

Certes, cette proposition n’apporte pas en elle-même la réponse attendue par les acteurs de la santé : elle n’est ni la panacée ni un pansement. Nous le savons, les revendications des soignants, légitimes, sont bien plus profondes que le financement de leurs vacances, mais elle a le mérite de permettre à ceux qui le souhaitent d’ajouter une pierre à l’édifice. Aussi, afin de manifester notre soutien au personnel soignant, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

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