Séance en hémicycle du 16 juin 2020 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 15 juin 2020 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2020.

Le décret a été publié sur le site internet du Sénat.

La conférence des présidents, qui se réunira demain à quatorze heures, établira l’ordre du jour de cette session extraordinaire.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, permettant d’offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de covid-19 (proposition n° 481, texte de la commission n° 499, rapport n° 498).

Notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars. J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Tous les orateurs, y compris les membres du Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de loi du député Christophe Blanchet, adoptée par l’Assemblée nationale le 2 juin dernier, puis précisée dans ses modalités opérationnelles la semaine dernière, en commission des affaires sociales du Sénat, par Mme la rapporteure Frédérique Puissat, que je salue.

Cette initiative parlementaire a une finalité précise : permettre à nos concitoyens qui le souhaitent d’offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de Covid-19. Aussi ce véhicule législatif a-t-il pour fonction de lever les obstacles juridiques qui se dressent devant cette possibilité. Je le dis dès à présent, car je ne doute pas que nous aurons ce débat : cette proposition de loi n’a nullement vocation à se substituer aux politiques publiques qui doivent répondre dans la durée aux difficultés structurelles du secteur de la santé, du secteur médico-social ou, le cas échéant, de celui du tourisme.

S’agissant du premier, outre le chantier engagé avant la crise sanitaire avec la réforme Ma santé 2022, des annonces significatives ont été faites ces dernières semaines par le ministre de la santé et des solidarités, Olivier Véran. Je pense notamment au versement de primes pour les personnels soignants, aux mesures financières pour l’hôpital, ainsi qu’à une meilleure prise en charge de la dépendance.

En outre, le Premier ministre et Olivier Véran ont lancé le Ségur de la santé. Cette grande concertation réunissant près de 300 acteurs du système de santé répond à l’engagement du Président de la République en faveur de la construction, à l’issue de la crise, d’un plan massif d’investissements et de revalorisation de l’ensemble des carrières. Comme vous l’a indiqué Olivier Véran lors de son audition, le 10 juin dernier, devant la commission des affaires sociales, le Ségur de la santé repose sur quatre piliers.

Le premier chantier est celui de la transformation des métiers et de leur revalorisation. Le deuxième est celui d’une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins. Le troisième consiste à simplifier radicalement l’organisation et le quotidien des équipes, en leur confiant davantage de leviers d’action et de décision. Le quatrième vise à fédérer les acteurs de la santé dans les territoires, au service des usagers.

Les conclusions de ces travaux sont attendues pour le mois de juillet. Elles doivent permettre de tirer collectivement les leçons de l’épreuve traversée, de faire le lien avec les orientations de Ma santé 2022 et, surtout, de bâtir les fondations d’un système de santé plus moderne, plus résilient, plus innovant, plus souple, plus à l’écoute de ses professionnels, des usagers et des territoires – des solutions fortes et concrètes, donc.

Concernant le secteur du tourisme, comme vous le savez, le 14 mai dernier, le Premier ministre a annoncé le lancement d’un plan de soutien interministériel d’une ampleur exceptionnelle, à hauteur de 18 milliards d’euros, dont 9 milliards d’euros d’aides directes. Les entreprises du tourisme pourront continuer à recourir à l’activité partielle, celle-ci étant prise en charge à 100 %, dans la limite de 4, 5 SMIC, jusqu’à septembre 2020. Le bénéfice du fonds de solidarité pour les indépendants est lui aussi, de façon exceptionnelle, prolongé jusqu’en décembre 2020.

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, travaille avec l’ensemble des membres du Gouvernement pour établir les feuilles de route des filières et des territoires spécifiquement concernés par le sujet du tourisme.

Ces deux politiques publiques, santé et tourisme, auxquelles nous sommes toutes et tous attachés, je le sais, sont aussi au cœur de votre travail de terrain et de vos missions de contrôle. Elles seront d’ailleurs l’objet de débats dans le cadre du PLFR 3, ainsi que du projet de loi et du projet de loi organique relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, qui seront inscrits tout prochainement à l’ordre du jour de la chambre haute.

Dès lors, il ne s’agit pas ici, à cet instant, de les reproduire ou de les anticiper. La proposition de loi examinée cet après-midi vise uniquement à apporter le mieux possible une réponse à une question qui a traversé l’esprit de beaucoup de nos concitoyens, frappés par le caractère à la fois abrupt, inédit et menaçant du coronavirus. Cette question que se posent beaucoup de nos concitoyens est la suivante : comment puis-je, à mon échelle, aider ceux qui font directement front face à l’épidémie ? L’addition de telles interrogations individuelles s’est traduite par un élan commun de solidarité qui a traversé notre pays, faisant vibrer à l’unisson l’engagement des uns et l’altruisme des autres, incarnant en quelque sorte la vitalité du lien social qui nous unit.

C’est sur ce terreau qu’a germé dans l’esprit de certains de nos concitoyens l’idée de pouvoir témoigner leur reconnaissance aux acteurs de la première ligne, via le don de jours de repos et leur monétisation. C’est cet esprit-là que plusieurs groupes politiques ont relayé en déposant des propositions de loi visant à permettre sa concrétisation.

La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale permet aux salariés du secteur privé et aux agents du secteur public qui le souhaitent de faire don d’une partie de leurs jours de repos pour financer des chèques-vacances au bénéfice des personnels des secteurs sanitaire et médico-social mobilisés pendant l’épidémie de Covid-19. Vous avez souhaité, en commission, matérialiser ce don d’un ou plusieurs jours de travail sous la forme d’une retenue par l’employeur des sommes correspondant à la rémunération nette du salarié, sommes qui, comme le prévoit la proposition de loi initiale, seraient versées à l’Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV). Nous ne souhaitons pas substituer cette possibilité à la possibilité initiale, mais les proposer toutes deux, à titre d’alternative, en vue du dialogue qui, le cas échéant, se fera jour sur ce sujet entre l’employeur et son salarié, sachant que – je le rappelle – le don en numéraire est également possible.

Il s’agit ainsi de ne pas restreindre a priori les modalités de don, en sorte de conserver le maximum de souplesse dans la mise en œuvre de ce dispositif. Celui-ci revêt en effet un caractère expérimental, eu égard à son fondement mais également à sa limitation dans le temps, que vous avez utilement précisée en commission et qu’il faudra, le cas échéant, adapter, en cohérence avec le calendrier d’examen de ce texte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est donc avec le souhait que nos débats s’inscrivent dans le droit fil de l’état d’esprit originel de solidarité qui a inspiré les auteurs de ce texte que le Gouvernement se montrera favorable à son adoption, sous réserve des précisions que je viens de faire.

MM. Yves Détraigne et Martin Lévrier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses semaines, notre assemblée travaille dans des conditions rendues difficiles par les mesures sanitaires qui s’imposent, mais aussi par la profusion de textes que le Gouvernement nous demande d’examiner dans des conditions d’urgence, voire de précipitation. Nous examinerons par exemple, demain, des projets de loi relatifs aux élections sénatoriales, législatives et municipales. Nous aurons prochainement à nous prononcer sur la gestion de la dette sociale et sur la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, et nous attendons un troisième projet de loi de finances rectificative.

De votre côté, madame la ministre, je sais que vous êtes, avec vos services, fortement mobilisée dans un contexte de forte hausse du chômage et de grandes difficultés pour de nombreuses entreprises et de nombreux travailleurs.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a inscrit à l’ordre du jour de cet après-midi une proposition de loi de notre collègue député Christophe Blanchet, sur laquelle il a décidé d’engager la procédure accélérée, signe de l’importance qu’il lui accorde.

J’ai donc été surprise à la découverte du contenu du texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale. Si l’exposé des motifs revendique l’ambition de « rendre possible l’impossible », la portée du texte est en effet bien plus modeste, même s’il s’agit d’une contribution à la citoyenneté, thématique chère à bon nombre d’entre nous.

Il s’agit de permettre aux salariés qui le souhaitent de renoncer, avec l’accord de leur employeur, à un ou plusieurs jours de congé non pris, en vue de leur monétisation. La valeur de ces jours de congé devrait ensuite être versée aux personnels soignants sous forme de chèques-vacances, afin d’allier geste de reconnaissance et soutien au secteur touristique.

L’idée paraît généreuse et intéressante. Plusieurs parlementaires de différents groupes ont d’ailleurs porté des propositions en ce sens – je pense notamment à notre collègue Édouard Courtial. Pourtant, une lecture plus attentive du texte soulève de nombreuses questions auxquelles les discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale n’ont pas permis d’apporter de réponses.

Il est ainsi prévu que la liste des bénéficiaires et les modalités de répartition entre eux des chèques-vacances soient précisées ultérieurement par décret, une fois connue la somme disponible. Encore fallait-il que le dispositif soit borné dans le temps, pour qu’on sache quand arrêter les compteurs, ce qui n’était pas le cas – vous l’avez dit, madame la ministre. J’ignore ce qu’il faut y voir ; toujours est-il que voter un texte à l’aveugle ne me paraît pas satisfaisant.

La commission des affaires sociales a par ailleurs eu des doutes sur le mécanisme proposé.

Premièrement, pour donner des jours de repos, encore faut-il en disposer. Or tous les salariés n’ont pas de jours de RTT ou de jours de repos conventionnels, et ils en ont d’autant moins que les employeurs ont pu, pendant le confinement, imposer à leurs salariés la prise de ces jours.

Deuxièmement, le mécanisme de monétisation me semble faire peser le coût de la solidarité au moins autant sur l’employeur que sur le salarié, d’autant plus lorsque le dispositif s’adresse aux agents publics. En effet, un salarié qui travaille une journée supplémentaire ne crée pas nécessairement pour l’entreprise une richesse correspondant à un jour de travail. Il en va bien ainsi dans certaines structures, mais ce n’est pas forcément le cas lorsque la charge de travail est organisée sur l’année ou partagée au sein d’une équipe. C’est encore moins vrai dans le secteur public où, je le rappelle, les congés ne sont pas provisionnés. En tout état de cause, dans le public comme dans le privé, il sera nécessaire que les employeurs soient en mesure de décaisser les sommes correspondant à la rémunération de leurs salariés qui souhaitent travailler un jour de plus ou se reposer un jour de moins.

Si je ne mets pas en doute l’esprit de solidarité qui anime une grande partie des employeurs de France, tous ne pourront pas supporter le coût de la solidarité souhaitée par leurs salariés. Je note d’ailleurs que le financement de la prise en charge de la dépendance, malgré le symbole que constitue la journée de solidarité, repose bien en réalité sur un prélèvement obligatoire, la CSA, acquitté par les employeurs.

La commission s’est également interrogée sur la nécessité de cette proposition de loi. Les moyens pour les citoyens et pour les entreprises de se montrer solidaires ne manquent pas au point qu’un dispositif aussi flou que complexe doive être imaginé.

En outre, si les soignants ont rempli leur rôle avec abnégation et dans des conditions parfois dantesques pendant le pic de l’épidémie, d’autres travailleurs ont également contribué à assurer la continuité de la vie de notre pays. Je pense aux caissières des supermarchés, aux pompiers, aux forces de l’ordre, mais la liste est longue.

En outre, d’autres de nos concitoyens auraient certainement aimé travailler pendant la crise et voudraient aujourd’hui travailler, mais ont perdu leur emploi. Discuter des moyens d’allouer des chèques-vacances de quelques dizaines d’euros aux seuls personnels soignants, dans ce contexte, peut donc sembler dérisoire. Les soignants eux-mêmes ne semblent pas enchantés par cette proposition. Certains y voient même l’expression d’une charité maladroite, en décalage avec leurs aspirations, avec leurs attentes et avec leurs besoins.

La commission a donc sérieusement songé à rejeter purement et simplement cette proposition de loi. Néanmoins, un rejet du texte par le Sénat aurait sans doute conduit le Gouvernement, après l’échec probable d’une commission mixte paritaire, à donner le dernier mot à l’Assemblée nationale, et nous n’aurions pas joué pleinement notre rôle de législateur en laissant passer sans tenter de l’amender un texte comme celui-là. Certains auraient également pu y voir un désintérêt du Sénat pour la solidarité citoyenne, mais aussi un manque de clairvoyance concernant les collectivités, qui, par ce texte, seront contraintes à un double paiement.

La commission des affaires sociales a donc adopté ma proposition de réécriture.

Dans le texte que nous examinons cette semaine, il n’est plus question d’un mécanisme, intéressant sur le papier mais largement fictif, de don de jours de repos, mais d’un dispositif de don concret d’une partie de rémunération. Pour les salariés qui disposent de jours de repos et qui peuvent les monétiser, ce don financier pourra correspondre à une journée de travail supplémentaire.

Soucieux en même temps de soutenir le secteur touristique, les concepteurs du dispositif l’ont appuyé sur l’Agence nationale pour les chèques-vacances : des sommes correspondant aux dons seront versées sur un compte dédié. Ce fonds pourra également être abondé par les employeurs qui le souhaiteront, ou alimenté par des dons volontaires effectués par toute personne physique ou morale.

L’ANCV aura pour tâche de verser les sommes collectées aux établissements et services sanitaires, médico-sociaux et d’aide à domicile désignés par arrêté, au prorata de leur masse salariale. La répartition serait effectuée par les établissements et services, car c’est à cette échelle que peut s’apprécier l’investissement réel de chacun pendant l’épidémie. Il est toutefois précisé que les personnels concernés devront avoir travaillé pendant la période de confinement et percevoir une rémunération inférieure à trois fois le SMIC.

Le dispositif serait borné dans le temps, car c’est la condition pour que la somme à répartir soit connue. La commission a retenu la date du 31 août 2020, qui peut être débattue, mais qui permet de ne pas trop déconnecter ce mécanisme de la situation à laquelle il s’agit de répondre.

La mise en œuvre de ce dispositif suppose la publication rapide des décrets d’application. Toutefois, dans la mesure où il nous est demandé de statuer en urgence, je ne doute pas, madame la ministre, que le pouvoir exécutif aura à cœur de faire le nécessaire. J’ai néanmoins une pensée pour les services de l’État auxquels cette proposition de loi imposera une charge de travail supplémentaire alors qu’ils ont par ailleurs d’autres sujets, sans doute au moins aussi importants, à traiter.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, si j’ai toujours manifesté mon soutien aux personnels engagés dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, je n’en trouve pas moins futile de débattre du sujet qui nous occupe aujourd’hui. Certes, l’initiative visant à offrir des chèques-vacances à ces professionnels, lesquels se sont une fois encore signalés par un dévouement exemplaire, est sympathique. Sympathique également la proposition visant à leur remettre une médaille. Après tout, pourquoi pas ?

Pour autant, cela ne doit pas occulter la situation des personnels soignants. En effet, à toute chose malheur est bon, le Covid-19 aura permis de porter sous une lumière aveuglante le grand dénuement de nos services de santé, leurs conditions de travail impossibles ainsi qu’une carence en matériels inqualifiable. Notre pays, qui demeure pourtant encore la sixième puissance économique mondiale, s’est révélé dépassé par l’ampleur de la pandémie, témoignant ainsi de sa totale impréparation.

Considérant ce qui précède, d’aucuns ont placé notre système de santé au niveau d’un pays en voie de développement. Comment pourrait-il en être autrement ? La désertification médicale qui frappe des pans entiers de notre territoire n’est que la partie émergée de la déliquescence de notre système de santé : manque de personnels, manque de lits, manque de respirateurs, manque de masques, manque de médicaments !

À propos des médicaments, justement, nos compatriotes ont appris, médusés, que 80 % d’entre eux étaient produits en Chine et en Inde. La France a sciemment sacrifié son indépendance sanitaire sur l’autel du profit de quelques entreprises industrielles.

Pendant ce temps-là, ceux que l’on qualifie de « héros du quotidien » peinent à boucler leurs fins de mois. Je rappelle à dessein les propos d’une aide-soignante, interrogée voilà peu par le journaliste Jean-Jacques Bourdin, laquelle révélait percevoir 1 300 euros par mois, primes incluses, au terme de dix ans d’ancienneté.

Ainsi, donc, à la pénibilité du travail, aux risques de contagion, aux horaires décalés et à la vie de famille sacrifiée, il faut adjoindre une rémunération indigne. C’est scandaleux !

Ce débat sur le don de chèques-vacances n’est qu’un habile moyen de détourner l’attention des uns pour exonérer les autres de leurs responsabilités. Cependant, nos compatriotes ne sont pas dupes. Ils savent désormais que notre système de santé a un urgent besoin d’investissements et de personnels.

« L’hôpital » est considéré depuis trop longtemps comme une variable d’ajustement du budget national. Si une gestion éclairée est souhaitable, il n’en faut pas moins se souvenir que la santé des Français doit primer sur une quelconque considération financière.

Sans naïveté et avec le discernement utile, je soutiens cette disposition permettant d’offrir des chèques-vacances à nos soignants. §Je souhaite néanmoins que l’on accorde enfin à ceux-ci la considération et les moyens qu’ils méritent. Souvenons-nous que ce sont eux qui constituaient la première ligne face à la pandémie et non des laboratoires avides de bénéfices.

Dans sa grande sagesse, Michel de Montaigne écrivait il y a longtemps : « Le profit de l’un est le dommage de l’autre. » Voilà résumé la situation de notre système de santé !

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme j’ai eu l’occasion de le souligner en commission des affaires sociales, je suis scandalisée par cette proposition de loi décalée, injuste et indécente au vu de ce que vivent actuellement les salariés. Ce texte donne l’impression qu’ils n’auraient pas de cœur s’ils n’acceptaient pas de donner une journée de congé aux soignants !

Finalement, c’est toujours aux mêmes que l’on demande des sacrifices ! Je suis certaine que l’idée de prendre dans la poche des riches ne vous a même pas effleurés.

M. Martin Lévrier s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Nous avons tous applaudi les soignants à vingt heures pour leur engagement, mais aussi parce qu’il est difficile de soigner en l’absence de matériel de protection et faute de personnels, de lits et de moyens suffisants. Maintenant il faut passer aux actes ! Mais, là, avec cette proposition de loi, il s’agit de prendre dans la poche des salariés pour aboutir finalement à des réductions de congé.

Je constate sur mon territoire que les familles les plus modestes ont perdu beaucoup d’argent en raison du chômage partiel. Elles renonceront à partir quelques jours en vacances cet été. Je vois aussi les premiers licenciements dans un territoire déjà sacrifié, où de nombreux emplois ont été délocalisés en Europe de l’Est. J’étais hier encore à la rencontre des soixante-neuf salariés de l’entreprise Huchin-Prince à Calais. Le chômage a commencé à exploser avec 1 million de chômeurs supplémentaires inscrits en catégorie A en deux mois, et on nous annonce encore 800 000 chômeurs supplémentaires.

Pendant ce temps, chez PSA Hordain, la direction avait décidé de faire venir 531 travailleurs polonais au prétexte qu’ils coûtent moins cher que les 502 intérimaires de l’usine. Cette idée, à laquelle l’entreprise a dû finalement renoncer, est d’autant plus révoltante pour ces femmes et ces hommes que l’État verse des aides à PSA et paye le chômage partiel. Comment voulez-vous que la colère n’explose pas dans ces conditions ?

Le virus devient le prétexte pour accélérer les réformes libérales, pour remettre en cause le droit du travail et pour mettre la pression sur les salariés. Cette crise serait l’occasion de se refaire une santé sur le dos de notre modèle social, que certains rêvent de déconstruire depuis des années. C’est exactement ce que ce texte, directement ou indirectement, participe à faire.

Alors que le texte initial ouvrait la porte à la monétisation des jours de congé via les chèques-vacances, la rédaction de la droite sénatoriale va encore plus loin. Désormais, ce n’est plus une simple journée de RTT qui est transformée en chèques-vacances, mais c’est directement une fraction de la rémunération.

Alors que le patronat demande la suppression des jours fériés et la réduction des congés payés, le risque est grand demain que les patrons proposent aux salariés de remplacer des jours de congé par une augmentation minime des salaires correspondant à la valeur de ces jours de repos. De la sorte, les jours de repos seraient réduits, au détriment de la santé des travailleurs et au bénéfice des employeurs.

Le Gouvernement a tenté de remercier les personnels des secteurs sanitaires et médico-social en première ligne dans la gestion de la crise en leur accordant des primes à géométrie variable, en leur distribuant des médailles et en leur proposant de défiler le 14 juillet sur l’avenue des Champs-Élysées. Mais les personnels ne sont pas tombés dans le piège ! Tout comme ils ne sont pas tombés dans le piège de cette proposition de loi dont ils ne veulent pas non plus !

La Coordination nationale infirmière a critiqué la proposition de loi en déclarant : « Nous en avons marre de toutes ces annonces, cela devient exaspérant […] nous ne faisons pas l’aumône. » Le Syndicat national des professionnels infirmiers a été encore plus direct : « Le Gouvernement semble à court d’imagination pour parvenir à repousser le moment de la revalorisation salariale des soignants. » Le syndicat CGT santé et action sociale a aussi parfaitement résumé l’état d’esprit des personnels : « Les salariés n’ont pas à se substituer à l’État […]. Aujourd’hui, la problématique reste la même au sein des établissements hospitaliers, à savoir le manque de personnel afin de permettre leur fonctionnement normal. »

Alors, arrêtons avec ces textes indécents pour les salariés et les personnels soignants. Il faut que l’État assume son rôle en garantissant le repos aux personnels du secteur médico-social mobilisés pendant la crise en recrutant ! La proposition de loi de La République En Marche et celle réécrite par Les Républicains au Sénat sont identiques : c’est blanc bonnet et bonnet blanc pour les salariés !

La duperie qui sous-tend ce texte est qu’au départ on nous affirmait que le don de jours de congé devait permettre aux personnels soignants en première ligne de se reposer. Mais, immédiatement, on nous précise que, « compte tenu des difficultés qu’éprouvent les soignants pour poser leur RTT […], la proposition de monétiser ces jours de repos au bénéfice des soignants se fera sous la forme de chèques-vacances ». Il n’est donc pas question d’accorder des congés supplémentaires, puisque les personnels médico-sociaux n’arrivent même pas aujourd’hui à prendre les jours de repos auxquels ils ont droit.

En réalité, le problème tient non pas au nombre de jours de repos, mais à celui du nombre d’effectifs, qui ne permet pas au personnel de poser leurs jours de repos. C’est à l’État d’embaucher plus de soignants et c’est à l’État de revaloriser leurs salaires. C’est cette revendication que nous entendons depuis ce matin, dans les rues, où les personnels manifestent. Avec les élus communistes, nous étions à leurs côtés pour soutenir ce mouvement de fond. Mes collègues y sont d’ailleurs cet après-midi.

Nous voterons donc contre cette proposition de loi, même réécrite, car son seul but est de faire oublier la gestion calamiteuse de la crise du Covid-19 par le Gouvernement.

Mme Éliane Assassi applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à permettre aux salariés de donner des jours de congé, sous la forme de chèques-vacances, au personnel soignant qui a fait preuve d’un engagement remarquable dans l’exercice de ses missions durant la crise sanitaire.

Le dispositif en question, le don de jour de repos, existe déjà depuis l’adoption de la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade. Il a été une première fois étendu en 2018, au bénéfice des proches aidants. Il s’agit d’un geste de solidarité individuelle, qui se fonde sur le volontariat et préserve l’anonymat.

Dans le contexte que nous connaissons, il nous est proposé d’étendre cette possibilité au bénéfice des professionnels de santé et, par extension, aux secteurs sanitaire et médico-social.

De nombreuses objections ont été soulevées en commission des affaires sociales au Sénat. Ces objections, nous les comprenons.

Certains diront, à juste titre, que la solidarité individuelle n’est pas interdite par la loi et que chacun est en mesure d’offrir une partie de ses revenus aux établissements hospitaliers, aux associations, aux fondations qui se sont mobilisés durant la crise. De nombreux CHU ont reçu d’importantes sommes d’argent ces derniers mois pour contribuer à l’achat de matériel, et les initiatives locales à l’égard du personnel se sont multipliées, notamment dans le secteur du tourisme avec l’opération « le repos des héros ».

Cette solidarité, ouverte à tous, s’exerce directement, sans passer par l’intermédiaire d’un employeur. Le dispositif que le texte vise à mettre en place est complémentaire à ces pratiques existantes et apporte une base juridique à l’organisation d’une solidarité à l’échelle d’une entreprise.

D’autres protesteront contre ce geste somme toute symbolique, arguant qu’il ne saurait résoudre l’essentiel du problème auquel il revient à l’État de répondre à travers une juste reconnaissance du métier de soignant. C’est précisément ce que le Gouvernement a annoncé lors du Ségur de la santé le 25 mai dernier. Ces mesures importantes et attendues comprennent une juste revalorisation des salaires du personnel soignant, une refondation de l’hôpital et un plan d’aide à l’investissement, en complément de la reprise des dettes du secteur hospitalier à hauteur de 13 millions d’euros.

Bien entendu, il sera également important de veiller à l’amélioration des conditions de travail et d’offrir aux soignants une meilleure évolutivité de leur carrière au moyen de la formation continue.

Si cette proposition de loi apparaît pour certains en décalage par rapport aux besoins du personnel soignant, elle ne fait qu’accompagner en réalité les mesures que le Gouvernement s’est engagé à prendre. Il est vrai que le dispositif proposé est d’une grande complexité pour les employeurs et restreint le nombre de donateurs aux salariés disposant de jours de congé à prendre.

Nous saluons l’effort de réécriture de la commission des affaires sociales. Tout en conservant le champ très large des bénéficiaires potentiels, la commission propose de remplacer le don de jours de congé par un don du salarié d’une partie de sa rémunération correspondant à une ou à plusieurs journées de travail. Outre une plus grande simplicité de gestion, ce nouveau dispositif sera ouvert à tous les salariés, qu’ils disposent ou non de jours de congé, et il permettra à l’employeur ou à toute autre personne publique ou morale d’abonder le fonds.

D’un point de vue technique, cette réécriture est satisfaisante. Les soignants eux-mêmes diront qu’ils ne sont pas les seuls à mériter un élan de générosité. Il est vrai que les travailleurs de l’ombre sont innombrables : qu’il s’agisse du caissier de supermarché, du livreur à vélo, du conducteur de bus, de l’éboueur, tous mériteraient attention et reconnaissance pour avoir alimenté et nettoyé nos villes durant le confinement.

En autorisant une forme d’engagement solidaire et circonstancié au salariat, il ne s’agit pas d’enlever à l’État son rôle d’armature des solidarités, pour reprendre l’expression d’Alain Supiot. Les salariés ont été durement touchés par la crise et toutes les entreprises ne seront pas en mesure de se remettre à flot. Cette nouvelle liberté n’enlèvera ni n’ajoutera rien aux conséquences de la crise sur le monde économique et ne vise certainement pas à lui laisser porter le poids des dommages et intérêts.

Certes, cette proposition n’apporte pas en elle-même la réponse attendue par les acteurs de la santé : elle n’est ni la panacée ni un pansement. Nous le savons, les revendications des soignants, légitimes, sont bien plus profondes que le financement de leurs vacances, mais elle a le mérite de permettre à ceux qui le souhaitent d’ajouter une pierre à l’édifice. Aussi, afin de manifester notre soutien au personnel soignant, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ils sont urgentistes, médecins généralistes, internes, infirmiers, aides à domicile. Ils travaillent dans des hôpitaux, des cliniques, des Ehpad, publics ou privés, au domicile des Français, et ont été en première ligne face à un ennemi invisible, sournois et si redoutable. Ils n’ont compté ni leurs heures ni leur nuit et n’avaient parfois pas assez de masques, de blouses ou de gel hydroalcoolique. Mais ils étaient tout de même présents. Au milieu de l’urgence, dans un environnement de stress et de doute, ils ont tenu leur poste avec dignité et sans la moindre hésitation, car ils étaient motivés par cette ferme ambition d’en finir avec un virus qui semblait infatigable.

Les visages de ces héros resteront gravés dans le marbre de notre République. Des héros auxquels des millions de concitoyens ont adressé leurs remerciements d’une seule et même voix.

Sur les vitrines de nos boulangeries ou de nos pharmacies, par le bruit des gyrophares de police devant nos hôpitaux, cet élan de solidarité s’est manifesté par tant de façons, mais surtout avec émotion. Devant leur mobilisation exceptionnelle, c’est tout notre pays qui a tenu à les encourager, à les soutenir et à les remercier. Alors, avec vous, mes chers collègues, je veux de nouveau leur témoigner notre profonde reconnaissance et leur dire combien leur détermination a été vitale.

Cependant, ces moments de joie n’effaceront jamais le courage de nos professionnels de santé qui ont payé de leur vie pour soigner la population. Dans ce contexte sanitaire incertain, ils ont incarné, mieux que personne, ce que pouvait être le dévouement au service d’une grande cause. Leur héroïsme nous oblige à ne pas oublier : à ne pas oublier que la vie, si belle soit-elle, demeure tellement fragile. Nos pensées émues entourent leurs familles.

Avant d’entrer un peu plus dans le détail des dispositions de cette proposition de loi, permettez-moi de souligner un élément important qui a certainement inspiré ses auteurs. Je veux parler de cet esprit d’unité qui s’est exprimé ces derniers mois.

Cela ne me surprend pas, car notre peuple est un peuple uni face à l’adversité. C’est notre histoire, c’est cette France de l’engagement, c’est cette France de la persévérance, c’est cette France de la Résistance face à toute épreuve, qui nous a été enseignée. Aussi, je suis persuadée, madame la ministre, que la République ne pourrait tenir debout sans cette cohésion nationale, indispensable pour affronter de telles tempêtes.

Désormais, il nous appartient de permettre à cette solidarité de s’exprimer sous une autre forme, notamment pour tous ceux qui ont été en première ligne contre le Covid-19. C’est l’objet du texte qui est soumis à l’examen de notre assemblée. Je tiens tout d’abord à remercier ses auteurs, en particulier le député Christophe Blanchet. À présent, il incombe à la Haute Chambre de l’examiner.

Je veux saluer la pertinence du rapport de notre collègue Frédérique Puissat. Les modifications substantielles qu’elle a proposées à notre commission étaient nécessaires, car la rédaction initiale du texte rendait son application difficile.

Ainsi, le choix a été fait de réécrire en profondeur l’article 1er. Initialement, il tendait à permettre un don de jours de repos par tout salarié afin de les monétiser sous forme de chèques-vacances au profit des personnels mobilisés en première ligne pendant l’épidémie. Désormais, le dispositif ne consiste plus pour les salariés à donner des jours de repos, mais à leur permettre, jusqu’au 31 août 2020, de renoncer à leur rémunération nette au titre d’une ou de plusieurs journées de travail. Un accord d’entreprise pourrait également prévoir un abondement complémentaire de l’employeur.

En somme, nous comprenons cette modification, car un don de jours de RTT ou de repos conventionnel, comme c’était prévu au tout début, présente des inconvénients. Toutes les personnes qui travaillent ne bénéficient pas de RTT. C’est une problématique que j’avais déjà soulevée en janvier 2018, dans mon rapport sur une proposition de loi visant également à créer un dispositif de don de jours de repos.

De plus, l’article 1er tendait à mettre en œuvre non pas un simple don de jours de repos, mais leur monétisation, ce qui est différent et pas simple à envisager surtout quand ces jours étaient déjà rémunérés.

Désormais, avec ce nouvel article, une partie du problème est résolue, et cette possibilité de donner est offerte à tous les salariés et agents publics.

Même si nous partageons la philosophie du texte et les apports de notre collègue, d’autres problématiques se posent, notamment sur le plan des bénéficiaires, qui nous placent dans une position délicate. Certes, le périmètre des bénéficiaires fixé à l’Assemblée nationale a été retenu en commission. Il est donc prévu que les chèques-vacances soient répartis entre les établissements et services sanitaires, médico-sociaux et d’aide et d’accompagnement à domicile, au prorata de leur masse salariale. Cette répartition concernerait, sous conditions de ressources, les personnels, y compris vacataires et stagiaires, qui ont travaillé entre le 12 mars et le 10 mai 2020, c’est-à-dire pendant la période de confinement.

Sur ce point, je me réjouis que les aides à domicile n’aient pas été oubliées, car elles ont été mobilisées, parfois sans avoir de masques et sans pouvoir bénéficier en priorité de tests de dépistage. Cette reconnaissance qui leur est exprimée est donc une juste mesure. Il en est de même pour les internes en médecine, par exemple. Plusieurs ont été appelés en renfort, du jour au lendemain, dans un univers qui était tout sauf habituel.

Néanmoins, notre satisfaction n’est pas entière.

Il est regrettable que les aidants familiaux n’aient pas été intégrés dans ce texte, alors qu’ils ont joué un rôle essentiel auprès de leur proche. Ils ont aussi été confrontés au Covid-19, parfois sans disposer de matériels de protection. Combien risquaient de contaminer d’autres membres de leur famille parce qu’ils n’avaient pas de masques ? Certains de nos concitoyens ont dû endosser à la fois leur casquette de parent, de soignant, d’auxiliaire de vie et de salarié.

En outre, en raison du confinement, de nombreuses personnes aidées n’ont pas pu retourner dans leur structure d’accueil. Cette situation a parfois provoqué un épuisement physique et moral.

Sans l’action précieuse des proches aidants, sur qui la puissance publique aurait-elle pu s’appuyer ? Il me semble donc normal et juste qu’ils puissent être éligibles à ce dispositif. C’est l’objet de l’amendement que j’ai déposé et dont nous débattrons tout à l’heure.

Par ailleurs, pourquoi le financement de cette solidarité ne pourrait-il pas concerner d’autres professions qui ont permis à la société de continuer de fonctionner ? Je pense aux hôtes de caisse, aux agents chargés de la collecte des déchets, etc. La même question se pose peut-être pour tous ceux qui vont perdre leur emploi et pour d’autres catégories professionnelles.

Oui, nous soutenons la philosophie du texte ! Mais, dans l’idéal, il eût été souhaitable qu’un public plus large puisse en bénéficier. Malheureusement, cela nécessiterait d’avoir des ressources considérables, en ayant suffisamment de dons. Même s’il me semble judicieux que ce fonds puisse également être alimenté par des dons volontaires de toute personne physique ou morale, je ne suis pas certaine que cela soit suffisant pour autant.

Enfin, et on l’a vu pour la remise d’une « médaille de l’engagement face aux épidémies », nous ne sommes pas convaincus que ce texte suscite une adhésion unanime de la part du personnel soignant. Je veux d’ailleurs partager avec vous cette phrase d’une infirmière : « On ne fait pas la manche ! »

Oui, cette proposition de loi est la concrétisation matérielle et volontaire d’un soutien exprimé ; un soutien qui pourrait permettre aux personnes mobilisées pendant le Covid-19 de retrouver du temps et de se consacrer à leur famille, autour de moments de loisirs, de voyages, de restauration. Cependant, il faut être vigilant à ce que cette mesure, qui est tout à fait louable sur le fond, ne crée pas non plus de la frustration chez des personnes qui aimeraient faire un don, mais qui ne le pourraient pas en raison de leurs faibles revenus.

Bien sûr, cette proposition de loi n’est qu’une première étape, avant d’autres, qui devront être actées à l’occasion du Ségur de la santé. Je pense, en particulier, à la rémunération du personnel soignant, qu’il me soit permis d’en remercier le Gouvernement. L’engagement de la procédure accélérée laisse d’ailleurs espérer une mise en œuvre rapide de ce texte.

En somme, il ne serait pas envisageable un seul instant de voter contre une mesure de solidarité. Si le groupe Union Centriste soutient l’esprit du texte, des interrogations et des doutes demeurent. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous exprimer, comme d’autres ont déjà eu l’occasion de le faire, notamment les soignants eux-mêmes, le trouble que j’ai ressenti à la lecture de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.

En premier lieu, j’ai ressenti un trouble sur la forme du dispositif que le Gouvernement paraît si pressé de faire voter. Comme l’a décrit notre rapporteure, dont je tiens à saluer le travail de précision et de clarification, ce texte n’était ni abouti ni applicable en l’état. Il était même si bancal qu’elle a été conduite à remplacer le don de jours de repos par un mécanisme de don, par le salarié, d’une partie de sa rémunération.

Passons sur le message qui ressortait en filigrane dans son ancienne version, à savoir que les Français auraient trop de vacances, peut-être même que le confinement pouvait être considéré comme des jours de repos, alors qu’en réalité les salariés ont parfois été obligés de poser des jours de congé pendant le confinement.

L’important travail de réécriture a permis des avancées, comme le fait d’adosser au dispositif un fonds pouvant être abondé par des dons volontaires de toute personne physique ou morale. Cela dit, la portée de ce complément est limitée par l’absence d’incitation fiscale. L’introduction d’une limite dans le temps est une autre avancée. Elle permettra de connaître la somme collectée pour ensuite la répartir au prorata de la masse salariale, par les structures concernées.

Néanmoins, ces améliorations ne peuvent pallier les nombreux écueils de ce texte. Ainsi, la question de savoir qui en seront les bénéficiaires reste entière et gêne profondément, y compris dans les rangs des soignants. Dans le train de six heures du matin, cela a été rappelé, ces derniers étaient aux côtés des caissiers, des livreurs, des éboueurs, des agents du service public…

Quand ils s’opposent à ce dispositif, les soignants se montrent, eux, solidaires de toutes celles et tous ceux qui étaient en première ligne. Ils refusent de fragmenter un peu plus la société. Est-ce l’heure de telles réponses fractionnées qui opposent nos concitoyens les uns aux autres, madame la ministre ?

De plus, faute de données sur le nombre de bénéficiaires éligibles et d’évaluation des montants qui pourraient être collectés, il n’est pas exclu que les sommes à redistribuer soient en réalité assez faibles. Nous sommes donc invités à voter un texte pour lequel le Gouvernement a acté la procédure accélérée, qui mobilisera l’administration pour que les décrets soient publiés dans de très brefs délais, et sur lequel nous avons de sérieux doutes du point de vue opérationnel : atteindra-t-il ses objectifs, d’autant que le contexte de crise économique et sociale entraîne un appauvrissement certain de la population ?

Rappelons que plus d’un tiers des salariés sont encore au chômage partiel et que, si l’on en croit le ministre de l’action et des comptes publics au micro d’une antenne hier matin, l’indemnisation des salariés devrait passer de 70 % à 60 % du salaire brut.

Mme la ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Vous l’aurez compris, comme sur la forme, ce texte génère un profond malaise sur le fond.

D’une part, j’éprouve une gêne à l’écoute de l’auteur de cette proposition de loi, qui reconnaissait le 2 juin dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale que ce texte « n’était pas destiné à répondre aux attentes du personnel soignant ». Quel aveu, alors que le Ségur de la santé s’est ouvert le 25 mai et qu’en ce moment même plusieurs milliers de soignants et de citoyens venus les soutenir sont devant le ministère de la santé, après plus de dix-huit mois de conflit, pour exiger des réformes structurantes !

Tant de questions restent sans réponse. Parmi elles, celle du versement des primes exceptionnelles, notamment pour les personnels des services départementaux d’aide à domicile, qui n’est toujours pas garanti. La question de la revalorisation des salaires de ces soignants, hospitaliers comme du secteur médico-social, reste aussi ouverte, tout comme celle des praticiens étrangers à diplôme hors de l’Union européenne, dont l’égalité de traitement avec les médecins français et européens demeure suspendue à la publication des décrets de la loi Santé, qui date maintenant d’un an.

Parmi eux, ceux qui exercent dans les Ehpad sont exclus du dispositif d’intégration pleine et entière dans le système de santé français, alors qu’ils affrontaient le virus aux côtés de leurs collègues français dans ces structures durement touchées.

La question de la réorganisation du système de santé, dans laquelle vous avez ouvertement refusé d’inclure le problème crucial de la gouvernance ainsi que de la place des soignants et des élus locaux dans la refonte du processus décisionnel de l’hôpital – c’est le Premier ministre qui l’a annoncé en ouverture du Ségur – est un véritable problème.

D’autre part, j’éprouve une gêne sur le fond lorsque, en plus de rester sourds aux revendications des professionnels concernés, vous drapez dans des valeurs de solidarité et de générosité une logique consistant à déshabiller l’un pour habiller l’autre. En demandant aux salariés de payer des chèques-vacances aux soignants, je crains que vous ne travestissiez, madame la ministre, l’impuissance de l’État.

Vous souhaitez, avec cette proposition de loi, monétiser les dons des Français ? Mais vous démonétisez en réalité un principe auquel les Français sont extrêmement attachés, celui de la solidarité nationale par laquelle chacun cotise selon ses ressources et reçoit selon ses besoins.

Pendant cette crise, on a vu se multiplier les « cagnottes ». Les actions de solidarité, par exemple à l’intérieur d’une entreprise, ne posent aucun problème, tout au contraire, mais soyez clairs.

En avril, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’était exprimé dans la presse pour demander aux actionnaires de ne pas être trop gourmands. En écho, les personnels soignants répondent que cette proposition de loi sur le don de chèques-vacances est irrecevable, comme j’ai encore pu le lire ce matin sur une banderole tendue à l’entrée de l’hôpital Saint-Louis. C’est dire s’ils sont attentifs à nos débats !

Les Français attendent plus que des médailles, des primes ou des lois les « autorisant à se montrer solidaires », puisque c’est en ces termes exacts que ce texte a été présenté par son auteur. Ils préféreraient, à juste titre, que la rémunération des soignants soit à la hauteur de la valeur sociale dont ils ont été les témoins. Ils veulent un engagement ferme et une réponse forte de l’État mettant en avant l’exigence de la contribution de chacun selon ses moyens plutôt que selon sa bonne volonté.

Au lieu de cela, vous fermez la porte à toute hausse de la fiscalité sur les plus fortunés et vous choisissez de faire peser le remboursement des 136 milliards d’euros de dette publique sur les cotisations sociales des Français.

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, madame la ministre. Celle-ci, dans ses fondements, est peut-être plus grave encore. Le groupe socialiste et républicain votera résolument contre ce texte.

Mmes Cathy Apourceau-Poly et Éliane Assassi applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Nathalie Delattre applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, deux semaines après l’examen de la proposition de loi relative aux points d’accueil pour soins immédiats (PASI), nous nous retrouvons de nouveau pour débattre d’un texte qui semble ne pas faire l’unanimité au sein de cet hémicycle. Pourtant, s’agissant des aspirations des personnels des secteurs sanitaire et médico-social, les problématiques, et même les solutions, sont bien identifiées et partagées par la majorité d’entre nous. Impossible de les ignorer, alors que les manifestations de soignants et les auditions que je mène sur les territoires font émerger les mêmes revendications.

C’est donc probablement le décalage entre la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et les demandes des acteurs de terrain qui provoque une certaine forme de malaise, tant chez les soignants que chez les parlementaires. La question de la pertinence et de l’urgence de débattre d’un tel mécanisme se pose en effet, alors que des mesures structurantes doivent être adoptées à l’issue du Ségur de la santé.

Ce texte, qui vise à offrir des chèques-vacances aux professionnels des secteurs sanitaire et médico-social mobilisés pendant la crise, trouve selon moi, en premier lieu, un sens économique : par l’émission de chèques-vacances, il permet aux bénéficiaires de participer à la relance du tourisme, activité durement touchée par le Covid-19, ce qui est en soi une bonne chose. Il présente néanmoins plusieurs faiblesses.

D’une part, si j’entrevois dans cette mesure d’abord un bienfait économique, telle n’était pas l’intention première des auteurs de cette proposition de loi, qui entendent apporter aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social la preuve de la reconnaissance de la Nation. Or, malgré les bonnes intentions, nous sommes nombreux à douter que la mesure atteigne réellement son objectif, tant les aspirations du secteur dépassent quelques chèques-vacances.

La question du salaire a souvent été évoquée et figurera, nous l’espérons tous, en bonne place dans les conclusions du Ségur de la santé. Ce que les soignants attendent, c’est une véritable revalorisation de leurs métiers, qui passe par le salaire mais aussi par le recrutement de personnel dans de nombreux services et par une organisation plus agile du système de santé.

Les aides à domicile pourraient, quant à eux, y voir une prime bienvenue, alors que celle négociée entre l’État et les départements tarde à venir. Toutefois, même pour ces métiers particulièrement précaires et dévalorisés, qui ont été en première ligne pendant la crise malgré les difficultés et le manque de matériel, la temporalité et le niveau de la mesure pourraient apparaître en décalage avec les réformes attendues.

Parmi les autres faiblesses de ce texte, soulignées par notre rapporteure, je note tout particulièrement le choix des auteurs concernant les bénéficiaires de la mesure. En effet, alors que de nombreuses professions ont continué à faire leur travail au contact des Français et du virus – je pense notamment aux salariés de la grande distribution et à ceux des services de nettoyage –, comment justifier que seuls les employés des secteurs sanitaire et médico-social bénéficient de ces chèques-vacances ? Néanmoins, élargir l’assiette des bénéficiaires reviendrait à dissoudre encore l’enveloppe disponible, dont nous ne pouvons pas connaître le montant à l’avance. Sur ce point, il ne semble pas y avoir de bonne réponse, ce qui souligne probablement le caractère inabouti de la proposition de loi.

Des doutes subsistent par ailleurs quant au succès de l’entreprise. La majorité du groupe du RDSE approuve le travail effectué par la rapporteure Frédérique Puissat. Celui-ci a permis d’améliorer le dispositif tout en évitant d’alourdir les charges des entreprises, dont un certain nombre entrevoit aujourd’hui un avenir sombre. Cependant, nous pouvons aussi douter de la capacité de nombreux salariés à renoncer à une journée de salaire, quand plusieurs millions d’entre eux ont été placés en chômage partiel et ont ainsi perdu une part de leurs revenus. Il est à craindre que le coût d’administration de la mesure s’avère disproportionné au regard des sommes collectées et de ses effets marginaux.

En résumé, cette proposition de loi représente une marque d’attention et de solidarité, une certaine forme de reconnaissance, qu’il ne faut pas sous-estimer, à l’égard des personnels du monde médical et médico-social. Cependant, ces personnels attendent autre chose, et même plus, du Gouvernement. Par le mot « plus », j’entends des réformes structurantes à la hauteur de l’enjeu. En effet, si le virus semble être derrière nous, il continue de circuler dans le monde. Et d’autres virus suivront ! Les canicules deviendront plus fréquentes, de même que les maladies chroniques, qui prennent une part plus importante dans notre système de soins et appellent des prises en charge au long cours, dans le cadre d’un véritable parcours du patient.

Si l’intention du texte est louable, les personnels concernés méritent davantage qu’une simple mesure, après avoir été trop longtemps délaissés. Ils réclament que l’État investisse dans ce secteur d’avenir, qu’il recrute, améliore les conditions de travail et place le soignant au cœur du processus décisionnel et organisationnel, l’un et l’autre termes n’étant pas incompatibles.

La majorité de mon groupe sera favorable à cette proposition de loi, à condition que celle-ci prévoie des mesures d’accompagnement structurantes, ce à quoi le Ségur devrait aboutir. Que ce texte soit adopté ou non, nous insistons sur le fait que les attentes sont fortes dans les territoires. Plus que des médailles et des chèques-vacances, les soignants réclament des réformes en profondeur !

Mme Nathalie Delattre applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours des derniers mois, les Français n’ont eu de cesse d’inventer de nouvelles solidarités pour apporter un soutien moral aux soignants sous pression face à l’épidémie de la Covid-19. Applaudissements, livraisons de repas chauds dans les services les plus tendus des hôpitaux… : nos concitoyens ont ressenti l’impérieuse nécessité de leur rappeler leur importance et le rôle essentiel qu’ils ont joué et continuent de jouer en cette période inédite. Nous savons tous que ces manifestations sont allées droit au cœur des soignants.

Personnels des secteurs sanitaire et médico-social, personnels des hôpitaux, des établissements pour personnes âgées, des services à domicile et personnels non salariés, qu’ils soient soignants ou non, tous ont multiplié les heures de travail, sans prendre de repos, faute de personnel disponible pour les relever, ou simplement par esprit de dévouement professionnel.

Notre travail de législateur n’est pas de faire des lois d’émotion. Pour autant, lorsqu’une pandémie d’une telle ampleur frappe notre pays, nous ne pouvons rester insensibles au besoin affiché des citoyens. Il n’est, dès lors, pas surprenant que des propositions de loi similaires aient émané de la plupart des bancs du Parlement. Je citerai, par exemple, la proposition de loi déposée par notre collègue Édouard Courtial, ou celles des députés Maxime Minot et Christophe Bouillon.

C’est donc dans un double objectif que l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi de Christophe Blanchet : faire un geste original envers le personnel soignant en offrant un ou plusieurs jours de congé sous forme de chèques-vacances et permettre aux Français qui le demandent de mettre en place un geste de solidarité correspondant à leur souhait ; c’est peut-être là l’essentiel.

Cela démontre bien que cette proposition n’est en aucun cas destinée à se substituer aux politiques publiques qui visent à apporter une réponse pérenne aux difficultés structurelles des secteurs, que ce soit celui de la santé ou du secteur médico-social.

Pour signifier l’évidence, dois-je rappeler les chantiers engagés avant la crise sanitaire à travers le plan Ma santé 2022 ?

Dois-je rappeler les annonces significatives de ces dernières semaines ? J’entends par là le versement de primes pour les personnels soignants, les mesures financières pour l’hôpital, la meilleure prise en charge de la dépendance.

Dois-je rappeler le lancement du Ségur de la santé, le 25 mai dernier ? Cette grande concertation, impliquant près de 300 acteurs du système de santé, répond à l’engagement du Président de la République d’élaborer, à l’issue de la crise, un plan massif d’investissements et de revalorisation de l’ensemble des carrières : transformation et revalorisation des métiers, nouvelle politique d’investissements et de financement des services de soins, simplification radicale des organisations des équipes… Les conclusions de ces travaux sont attendues en juillet.

De manière plus générale, dois-je détailler l’action actuellement menée par le Gouvernement dans ces domaines, et ainsi répondre aux critiques selon lesquelles nous ne serions pas à la hauteur de la situation ?

Vous le voyez, cette proposition de loi ne peut en rien se substituer à la réforme profonde du système de santé engagée par le Gouvernement. Elle n’est qu’un « plus », qui permet de lier les Français avec ceux qu’ils ont soutenus durant ces trois mois.

D’ailleurs, ce texte comportait initialement un article unique visant à offrir la possibilité aux salariés, dans le secteur public comme dans le secteur privé, de faire don à titre volontaire d’une partie de leurs jours de repos, afin de financer des chèques-vacances au bénéfice de ceux qui ont lutté directement contre la Covid-19. Durant l’examen à l’Assemblée nationale, les députés de la majorité ont souhaité créer un compte spécifique de l’Agence nationale pour les chèques-vacances pour recueillir les dons des particuliers non salariés, tels que les retraités, les indépendants, voire les parlementaires.

Lors de l’examen de la proposition de loi devant la commission des affaires sociales du Sénat, la rapporteure, notre collègue Frédérique Puissat, a déposé un amendement visant à réécrire l’article 1er. Le texte propose désormais la retenue de salaire d’un ou plusieurs jours de travail, et non plus d’un jour de congé.

Cette proposition est très intéressante. Sa quintessence est même partagée par la plupart des groupes, car elle offre un nouveau moyen d’action. Pour autant, pourquoi la mettre en opposition avec le projet initial, en remplaçant le jour de congé par cette nouvelle écriture ? La force du bicamérisme réside souvent dans la complémentarité des deux chambres. C’est pourquoi nous déposerons un amendement visant à réintroduire le don de jours de repos, offrant ainsi deux possibilités plutôt qu’une au salarié et à l’employeur.

Par ailleurs, nous déposerons un second amendement visant à abaisser le plafond de rémunération des bénéficiaires du dispositif à deux SMIC, afin d’amplifier la mesure pour celles et ceux qui, en première ligne, en ont le plus besoin.

Vous l’aurez compris mes chers collègues, le groupe La République En Marche votera en faveur de ce texte, sous réserve de l’adoption de notre premier amendement ; dans le cas contraire, et sans grande surprise, nous nous abstiendrons.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le secteur médical et hospitalier vient de traverser une crise sanitaire majeure qui a mis pleinement en lumière ses dysfonctionnements et la nécessité d’une réforme d’ampleur – d’une énième réforme, oserais-je dire. Dans ce contexte, je ne cacherai pas que l’examen de cette proposition de loi me laisse perplexe. Je m’interroge sur son opportunité.

Certes, l’idée est généreuse. Durant la crise sanitaire, nombreux ont été les Français qui ont témoigné leur soutien aux personnels soignants exposés au risque de contamination, épuisés par le manque de moyens et la croissance rapide de l’épidémie. Il y a eu les applaudissements de vingt heures, des dons, des mises à disposition de logements, etc. Parmi ces initiatives, l’idée de donner des jours de RTT pour permettre aux soignants de se reposer a germé.

Ce projet trouve aujourd’hui une traduction législative avec un dispositif permettant finalement de convertir des jours de repos en chèques-vacances. Or il ne s’agit pas d’une demande des personnels soignants et sa mise en œuvre soulève de sérieux doutes.

Ce n’est pas une demande des soignants, car ceux-ci ont d’autres attentes.

Tout d’abord, ils souhaitent la revalorisation de leurs salaires et, surtout, de meilleures conditions de travail, dans un contexte de dégradation de l’hôpital public et du système de santé dont nous avons pu constater l’étendue pendant la crise sanitaire et qui date de loin. Le don de chèques-vacances n’apparaît pas comme une priorité. Il pourrait même être perçu par un esprit soupçonneux comme une simple opération de communication.

Ensuite, le dispositif rend nécessaire une intervention législative pour le moins approximative. Nous ne sommes pas dans le cas de figure des lois que nous avons votées en 2014 et 2018. Il était alors question de dons de jours de repos entre salariés d’une même entreprise, destinés à soulager un proche aidant s’occupant d’un enfant malade ou d’une personne en perte d’autonomie. Le transfert d’un jour de congé d’un salarié à un autre est simple, et l’opération est neutre pour l’employeur.

Dans le cas présent, le dispositif qui nous a été présenté s’apparente plutôt à celui de la journée de solidarité, avec une monétisation des journées de travail permettant une sortie de trésorerie en direction de l’Agence nationale pour les chèques-vacances.

Comme l’a souligné notre rapporteur, ce qui est concevable au plan macroéconomique l’est moins à l’échelle individuelle, et le moment semble peu propice pour peser sur l’organisation de l’activité des entreprises, leur comptabilité ainsi que sur leurs charges de secteur public. Je reviendrai sur ce point, en évoquant les modifications apportées au texte par notre rapporteur.

Enfin, l’ANCV obtiendra-t-elle suffisamment de dons pour que l’opération ait un sens ?

Je pense qu’il faut resituer cette proposition de loi dans son contexte émotionnel.

En pleine crise sanitaire, la présence exemplaire des personnels soignants a donné l’envie de les aider en retour. Les risques s’éloignent, et il n’est pas certain que le mouvement sincère de générosité de nos concitoyens se poursuive hors du contexte de crise, chacun retournant à sa vie de tous les jours et à d’autres préoccupations. Sera-t-il alors possible de rassembler un montant réellement utile ? La somme réunie ne sera-t-elle pas disséminée entre les nombreux bénéficiaires potentiels, pour se réduire finalement à quelques euros ? L’absence d’étude d’impact ne permet pas de le savoir.

D’ailleurs, n’existe-t-il pas de façon plus simple de faire un don ? Finalement, l’idée de départ, séduisante, se traduit par une construction juridique complexe qui ne se justifie guère. La proposition de loi que nous sommes chargés d’examiner suscite en définitive de tels doutes quant à son opportunité, sa praticité et son efficacité que nous nous sommes demandé, lors de son examen en commission, quelle position nous devions adopter en tant que législateur.

Après ce que je viens de dire, le rejet de la proposition de loi paraîtrait légitime. Cependant, malgré ces réserves, il me semble difficile de se prononcer contre un texte solidaire. Le Sénat a toujours défendu les intérêts des corps hospitaliers et des personnels soignants. Le rejet d’un texte qui leur est favorable ne serait pas cohérent avec cette démarche et pourrait être mal interprété.

Nous ne pouvions cependant adopter la proposition de loi en l’état, car elle laissait de nombreuses questions dans le flou concernant sa mise en œuvre par les employeurs, ses bénéficiaires, la répartition des sommes données. Nous avons donc, sur proposition de la rapporteure, adopté en commission une série de modifications.

Je tiens à cet égard à féliciter Frédérique Puissat, qui s’est efforcée avec pragmatisme de donner un minimum de portée opérationnelle au texte. La proposition de loi a été intégralement réécrite. Elle repose maintenant sur un don de rémunération, plutôt que sur un don de jours de repos. Ainsi, la solidarité est bien attachée au salarié plutôt qu’à l’employeur et pourra s’appliquer même si le salarié ne dispose pas de jours de repos.

Une limite a été fixée dans le temps, permettant d’évaluer la somme perçue au 31 août et ciblant les personnels ayant travaillé durant la crise sanitaire. La liste fixée par arrêté déterminera les établissements des secteurs sanitaire et médico-social bénéficiaires, et ce sont eux qui seront chargés de répartir les sommes collectées entre leurs personnels.

Si ce texte nous paraît – je regrette encore de le souligner – peu utile, il témoigne cependant d’une intention généreuse et doit être compris ainsi. Il appartient désormais au Gouvernement de s’attaquer aux vrais enjeux de notre politique de santé publique. Le milieu hospitalier et le secteur médico-social attendent des changements radicaux, les choix forts et rapides annoncés par le Premier ministre lors de l’inauguration du Ségur de la santé.

Vous l’aurez compris, il s’agit non pas simplement d’une question de rémunération ou de primes, mais d’engager des réformes structurelles que nous réclamons dans cette enceinte depuis plusieurs années et qui permettraient aux soignants de se consacrer pleinement et sereinement aux métiers qu’ils exercent comme un sacerdoce.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Édouard Courtial

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, loin des polémiques accessoires, certains sujets doivent dépasser les querelles politiciennes et les clivages partisans.

Accepter l’idée selon laquelle aucune liberté n’est possible sans sécurité, et donc soutenir nos forces de l’ordre, relève indéniablement de ces sujets. Il en est de même, tout aussi sûrement, du dévouement et du sens du devoir dont ont fait preuve les personnels soignants lors de cette crise sanitaire sans précédent.

Souvenez-vous des applaudissements qui résonnaient, il y a quelques semaines encore, chaque soir à vingt heures. Partout, dans les villes et les villages de France, le temps s’arrêtait dans une communion nationale pour rendre hommage à nos personnels soignants, ces héros qui, avec pour seules armes leur volonté et leur humanité, se battaient, avec un courage forçant l’admiration de chacun, contre cette force invisible qui voulait, et veut encore, nous abattre. Tels des roseaux, ils pliaient mais ne rompaient pas, portés par ce souffle qui défiait la tempête : celui d’une Nation retrouvée et unie qui voulait se faire entendre d’un même cœur.

Comment traduire cette émotion extraordinaire et cette reconnaissance unanime ?

Je suis, comme mon collègue Olivier Paccaud, sénateur de l’Oise, un territoire sans doute plus durement touché que d’autres. Je me devais donc d’apporter une réponse concrète et utile. C’est pourquoi, dès le 22 mars, j’ai déposé une proposition de loi permettant à tout salarié de donner un jour de repos aux personnels soignants, entendus dans le sens large. Ces RTT, qui sont des jours non de congé mais de récupération, convenaient parfaitement, sur le plan tant du symbole que du fond, à mon objectif. Cette possibilité n’est offerte, en l’état actuel du droit, qu’aux salariés d’une même entreprise, pour aider à la prise en charge momentanée d’un proche.

Conscient, d’une part, que les personnels soignants ne peuvent souvent pas, compte tenu de leurs missions, prendre leurs jours de RTT et, d’autre part, que leur rémunération n’est pas à la hauteur de leurs responsabilités, j’ai choisi de rendre ces dons monétisables sous forme de primes. Outre que cela ne coûte pas davantage aux entreprises, cette solution permettait de leur donner, même de manière temporaire, davantage de pouvoir d’achat, dont ils disposeraient comme bon leur semble.

Ce texte n’avait bien entendu pas l’ambition de répondre à la problématique beaucoup plus profonde du mal-être du milieu hospitalier et médico-social, qui implique nécessairement une amélioration des conditions de travail et une revalorisation des salaires et des carrières des personnels soignants. Cette aspiration bien légitime, qu’ils expriment encore aujourd’hui dans la rue, le Gouvernement doit y répondre.

Une prime a bien été annoncée pour récompenser leur implication dans la crise, mais il faudra beaucoup plus que cette mesure de court terme. Le Ségur de la santé doit absolument déboucher sur des avancées réelles et durables en la matière. En effet, si la crise a montré la résilience de notre système de santé et de ces personnels, elle a aussi révélé des insuffisances budgétaires profondes et récurrentes que les quatre précédents plans Hôpitaux n’ont pas permis de combler.

Le texte que j’ai proposé était donc avant tout un appel. Or celui-ci a été non seulement entendu, mais aussi plagié par la majorité au Palais-Bourbon, alors que Maxime Minot, député de l’Oise, et moi-même l’avions déposé simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Je ne suis pas là pour distribuer les bons et les mauvais points ; il nous faut d’abord penser à l’objectif recherché. Pour autant, cette méthode me laisse pour le moins songeur quant à la déontologie de certains députés, à l’opportunité douteuse dont font preuve certains auteurs de textes et à leur volonté d’incarner un nouveau monde. Celui-ci s’avérerait finalement, par certains côtés, bien pire que l’ancien s’il venait à remettre en cause une certaine honnêteté intellectuelle…

Ainsi, la pâle copie inaboutie qui nous est parvenue devait être améliorée. Elle l’a été, fort heureusement, sous la conduite de notre chère rapporteure, Frédérique Puissat. Je la remercie pour son approche constructive, dont le principal effet est d’augmenter la portée de la version initiale, sans pour autant englober entièrement ma proposition.

Je peux entendre l’idée visant à flécher les dons vers des chèques-vacances, pour encourager la reprise d’un secteur déterminant pour notre économie et auquel je suis très attaché : le tourisme. Elle réduit néanmoins considérablement le périmètre de la proposition de loi.

Cela revient, aussi, à priver les personnels soignants d’une grande partie de leur liberté quant à l’usage du don. Et s’ils souhaitaient pouvoir payer les traites de leur maison ou aider leurs enfants ? La monétisation sous forme de primes et pas seulement de chèques-vacances prend alors tout son sens. Cette mesure, que j’avais souhaité faire figurer dans mon texte, n’a pas été comprise à l’Assemblée nationale. Je regrette qu’elle n’ait pas été élargie lors de son examen au Sénat.

Néanmoins, j’entends parfaitement l’argument, tout à fait pertinent, selon lequel le dispositif proposé accroît la base des donateurs par rapport au texte originel. C’est une bonne chose. En effet, en élargissant cette solidarité par le travail, il l’ouvre à tous les salariés et ne la limite pas à ceux d’entre eux qui disposent de jours de congé. En outre, permettre un abondement complémentaire de l’employeur, ainsi que la participation à ce dispositif des non-salariés et des personnes morales via des dons financiers, est tout à fait opportun et souhaitable.

En tout état de cause, je dirai pour conclure à ceux qui l’ignorent, ou voudraient l’ignorer, que l’apport du Sénat est toujours précieux et souvent déterminant ; le rapporteur l’a encore démontré aujourd’hui.

Je suis heureux d’avoir contribué à mettre sur la table cette proposition en faveur des personnels soignants, même si notre gratitude ne sera jamais à la hauteur des vies qu’ils ont sauvées ou des soins qu’ils ont prodigués avec la compassion qui les caractérise, car leur engagement va bien au-delà de leur mission.

Ce don, qui sera peut-être possible demain, cet acte gratuit, solidaire et anonyme, est un écho à la générosité dont ils ont fait preuve. Merci à eux qui ont été la fierté de la Nation pendant cette crise. Ne les décevons pas !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La discussion génale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

I. – Jusqu’au 31 août 2020, tout salarié peut décider de renoncer à sa rémunération au titre d’une ou plusieurs journées de travail afin de financer l’effort de solidarité nationale en reconnaissance de l’action des personnels mobilisés dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19.

Dans ce cas, l’employeur retient la fraction de la rémunération nette du salarié correspondant aux journées de travail concernées.

La somme correspondante est versée par l’employeur à l’Agence nationale pour les chèques-vacances mentionnée à l’article L. 411-13 du code du tourisme selon des modalités fixées par décret.

Un accord collectif d’entreprise peut prévoir un abondement de l’employeur proportionnel au nombre de journées données par les salariés de l’entreprise.

L’Agence nationale pour les chèques-vacances gère les sommes recueillies en application du présent article sur un compte mis en place à cet effet.

Ce compte peut également être alimenté jusqu’au 31 août 2020 par des dons versés par toute personne physique ou morale. Ces dons n’ouvrent droit à aucune réduction d’impôt.

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article ainsi que les modalités d’application du dispositif aux agents publics.

II. – L’Agence nationale pour les chèques-vacances répartit les sommes réunies en application du I du présent article sous la forme de chèques-vacances entre les établissements et services sanitaires, médico-sociaux et d’aide et d’accompagnement à domicile, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, au prorata de leur masse salariale.

L’Agence nationale pour les chèques-vacances ne reçoit aucune commission liée à la cession des chèques-vacances distribués en application du présent II.

Les établissements et services mentionnés au premier alinéa du présent II sont chargés de la répartition des chèques-vacances entre leurs personnels, y compris vacataires et stagiaires, ayant travaillé entre le 12 mars et le 10 mai 2020 et dont la rémunération n’excède pas le triple du salaire minimum interprofessionnel de croissance, dans des conditions fixées par décret.

III. – Les sommes versées à l’Agence nationale pour les chèques-vacances en application du présent article qui n’ont pas été distribuées sous forme de chèques-vacances au 31 décembre 2020 sont reversées au Trésor public.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Je voudrais profiter de ce débat pour évoquer la situation des personnels du secteur médico-social, qu’ils relèvent du public ou du privé.

Il est évident que nous devons leur exprimer notre gratitude, car la crise sanitaire a été surmontée grâce à leur travail remarquable et à leur dévouement total au service des patients. Le travail est non seulement une nécessité financière, mais également un élément de dignité au quotidien. Le personnel soignant, quant à lui, a été d’une grande dignité.

Sans entrer dans le détail du présent texte, je vous ferai part de deux réflexions.

Premièrement, les salariés participent déjà au financement du système de santé français au travers des cotisations sociales obligatoires. La présente proposition de loi donne donc l’impression que l’État se déresponsabilise pour que les salariés, au nom de la solidarité nationale, rémunèrent en partie les vacances des soignants. Cela ne me semble pas très ajusté, et je pense que c’est à l’État de payer.

Deuxièmement, le personnel soignant demande des réformes structurelles, et non conjoncturelles. Pendant deux mois, le personnel soignant a dû essentiellement prendre en charge les personnes atteintes du coronavirus. Aujourd’hui, il leur faut s’occuper de tous les autres malades, alors même que de nombreux postes ne sont pas remplacés pendant les vacances.

Fournir des congés payés quand le personnel soignant travaille en sous-effectif, cela n’a pas vraiment de sens ! Les soignants, cela a été dit, veulent de meilleures conditions de travail, davantage d’embauches de personnel qualifié, du matériel pour faire leur travail, des lits pour accueillir dignement ceux qui souffrent et, bien sûr, une revalorisation salariale.

Si l’intention est bonne, ce texte, assez complexe, n’est certainement pas à la hauteur du sujet, compte tenu des difficultés du système de santé français. Je souhaite que le Ségur de la santé, qui vient de s’ouvrir, ne soit pas seulement un grand débat de plus, mais qu’il aboutisse à des propositions extrêmement concrètes et adaptées aux besoins de nos soignants.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Ce texte a toutes les apparences de la vertu. D’inspiration louable, il constitue un appel à la générosité à l’adresse des personnels soignants, qui ont œuvré pour sauvegarder des vies et protéger les Français de l’épidémie de Covid-19.

L’article 1er de cette proposition de loi vise à permettre aux salariés de renoncer à leurs jours de congé, en vue de la monétisation de ceux-ci.

À la suite des travaux de la commission des affaires sociales, il a été prévu qu’au lieu d’une monétisation des jours de congé, le salarié qui souhaite manifester sa solidarité envers le personnel soignant puisse reverser le montant correspondant à la rémunération d’une ou plusieurs journées de travail. Pour autant, je m’associe aux questionnements et aux réserves émis par Mme le rapporteur. Je m’interroge ainsi sur l’opportunité de ce texte.

L’octroi de chèques-vacances me paraît, tout d’abord, en décalage par rapport aux attentes des personnels soignants.

Je rappelle que d’autres professionnels ont contribué activement à la lutte contre le Covid-19. Bien qu’ils ne soient pas visés par cette proposition de loi, ils méritent tout autant notre reconnaissance.

D’inspiration généreuse, le dispositif adopté par l’Assemblée nationale apparaît difficilement applicable, à plusieurs titres, mais les travaux menés par notre commission des affaires sociales ont permis de le rendre plus opérationnel. À titre d’exemple, la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale ne précisait aucunement la manière dont les sommes collectées seraient réparties. Je m’associe, encore une fois, aux interrogations de notre collègue rapporteur : adopter un dispositif aussi flou, en laissant au pouvoir réglementaire le soin d’en définir le fonctionnement, ne constitue pas une méthode adéquate.

Je salue les travaux conduits par la commission des affaires sociales. Ils ont permis de délimiter le dispositif dans le temps, en prévoyant le recueil de dons jusqu’au 31 août 2020, afin que les dispositifs correspondent réellement à une opération liée à l’épidémie de Covid-19. Il paraissait important de fixer une borne chronologique, pour que le dispositif corresponde réellement à une réponse à cette pandémie.

Madame la ministre, les limites de cette proposition de loi – et une certaine tartufferie – sont évidentes. Ce texte, agité à la suite de l’émotion suscitée par la crise sanitaire et de la reconnaissance vis-à-vis du personnel soignant, ne saurait tenir lieu de politique publique de santé.

J’ajouterai un mot sur la médaille. Ce geste, qui se veut éminemment symbolique, en dit long sur une certaine impuissance publique mâtinée, bien sûr, de l’apparat compassionnel. Il me semble être surtout la manifestation d’une forme d’incapacité publique : on préfère agiter avec ostentation des emblèmes ou des amulettes sous le nez de nos concitoyens, qui ont pu mesurer à cette occasion les limites de notre système hospitalier, malade de lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

travail

insérer les mots :

, ou, à sa demande et en accord avec son employeur, renoncer sans contrepartie, dans une limite déterminée par décret, à des jours de repos acquis et non pris, qu’ils aient été affectés ou non sur un compte épargne-temps, en vue de leur monétisation,

La parole est à M. Martin Lévrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Cet amendement, que j’ai évoqué lors de la discussion générale, vise à réintroduire la faculté donnée au salarié d’effectuer, en accord avec son employeur, un don de jours de repos, afin de le laisser choisir l’expression de sa solidarité.

Cette proposition repose sur trois bases simples, qui me paraissent importantes.

Premièrement : la logique de l’accord d’entreprise. Tout ce qui favorise le dialogue entre l’employeur et le salarié est une bonne chose.

Deuxièmement : la solidarité transpartisane. J’ai écouté les propos d’Édouard Courtial : le présent amendement permet de réconcilier tout le monde et, ajouté au travail de la rapporteure, il est de nature à améliorer la proposition de loi.

Troisièmement : la logique du bicamérisme. Ce serait une force pour le Sénat que d’être capable de s’entendre autour d’un tel projet de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

L’avis est défavorable, ce qui signifie que les auteurs de l’amendement ne voteront pas la proposition de loi, ce que je regrette. C’est en effet ce que M. Lévrier a annoncé dans son propos introductif.

Réintroduire cette phrase, qui provient du texte porté à l’Assemblée nationale, revient à complexifier un texte qui n’en a pas besoin. Au demeurant, le dispositif proposé par la commission ne fait pas obstacle à ce qu’un salarié disposant de jours de repos non pris les monétise, dans les conditions actuellement prévues par le droit, et verse la somme correspondante à l’ANCV.

Bien que la mesure proposée soit compatible avec les deux systèmes et que cet amendement soit de compromis, l’avis de la commission, je le répète, est défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

En cohérence avec mes propos initiaux, l’avis du Gouvernement est favorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 1 rectifié quater, présenté par Mme Guidez, M. Détraigne, Mmes Lopez et de la Provôté, MM. Menonville, Pierre, Le Nay et B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Gabouty, Canevet et Mouiller, Mme Vermeillet, MM. Laugier et Decool, Mmes Sollogoub et Gatel, M. Vogel, Mme Billon, MM. Cazabonne et Kern, Mme Férat, M. P. Martin, Mme Dindar, MM. Cigolotti et Médevielle, Mme Bonfanti-Dossat, M. Houpert, Mmes N. Delattre et Kauffmann, M. Delcros, Mmes Canayer et F. Gerbaud, MM. Longeot et Fouché et Mme Noël, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après le mot :

personnels

insérer les mots :

et des proches aidants

II. – Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

, et les aidants familiaux mentionnés à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles à l’exception des bénéficiaires de la prestation mentionnée à l’article L. 245-11 du même code restés confinés dans leur établissement et les proches aidants mentionnés à l’article L. 113-1-3 dudit code à l’exception des bénéficiaires de l’allocation mentionnée au L. 232-8 du même code

III. – Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les conditions d’attribution et de distribution des chèques vacances pour les aidants familiaux et les proches aidants mentionnés au premier alinéa du présent II sont fixées par décret.

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Je pense que je n’aurai pas plus de chance…

Certes, ce texte vise les personnes mobilisées à titre professionnel ; toutefois, sans l’action précieuse des proches aidants, des millions de Français n’auraient pas pu bénéficier d’accompagnement et d’assistance dans leur quotidien. De plus, beaucoup de personnes ont dû cumuler ce qui semble être un « devoir naturel » avec une activité salariée, et ce dans des conditions sanitaires parfois compliquées. Sans eux, c’est tout un pan de notre solidarité nationale qui se serait effondré, et cela n’a pas été sans conséquence sur leur santé physique et morale, notamment lorsque les personnes aidées n’ont pas pu retourner dans leur structure d’accueil, en raison des mesures prises dans le cadre du confinement.

C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à rendre éligibles au dispositif les personnes qui ont été mobilisées pendant la pandémie de Covid-19 en aidant un proche handicapé ou en perte grave d’autonomie, tout en en excluant les aidants séparés de leur proche aidé durant la période de confinement.

Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Nous avons discuté de cet amendement en commission, je ne suis donc pas surprise de le voir arriver. J’espérais même qu’il arriverait, afin qu’on puisse débattre du rôle des proches aidants pendant cette période un peu compliquée, comme on en débat d’ailleurs régulièrement, dans cet hémicycle.

Cet amendement vise à élargir la liste des bénéficiaires du dispositif, au risque de rendre celui-ci – on ne sait s’il aura du succès, il faudrait pouvoir lire dans le marc de café pour savoir combien de fonds seront récoltés et distribués – encore plus complexe. L’ANCV nous l’a bien dit, le principe de répartition sera déjà très compliqué pour elle. Cette agence, qui édite les chèques-vacances, a des interlocuteurs qui achètent les chèques-vacances – les CSE ou les organismes sociaux – et a, de l’autre côté, 200 000 contractants qui peuvent en bénéficier. Avec cet amendement, on ajouterait des individualités à ces bénéficiaires, ce qui serait encore plus compliqué.

J’ai donc le regret d’émettre – ma collègue Jocelyne Guidez le sait – un avis défavorable sur cet amendement, mais peut-être serait-il opportun de le retirer, de sorte qu’on puisse remercier tous les proches aidants qui sont intervenus pendant cette crise.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement et, à défaut, émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Non, je le retire, mais je voudrais dire une chose : les amendements sur ce sujet sont généralement largement cosignés et adoptés ici, au Sénat. Or, depuis le début de cette crise, chaque fois qu’un amendement est passé, il a été viré en commission mixte paritaire.

Mes chers collègues, nous nous sommes battus ici, au Sénat, pour faire avancer les choses. Il ne faudrait pas que les proches aidants redeviennent invisibles sous prétexte qu’il serait normal d’aider un membre de sa famille.

Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 1 rectifié quater est retiré.

L’amendement n° 4, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

ce cas

par les mots :

le cas de la renonciation du salarié à la rémunération au titre d’une ou plusieurs journées de travail

La parole est à M. Martin Lévrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Je retire cet amendement, de même que le suivant, qui étaient liés à mon amendement précédent, l’amendement n° 3 rectifié, qui n’a pas été adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 4 est retiré.

L’amendement n° 5, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

correspondante

par les mots :

correspondant à cette fraction ou celle correspondant aux jours de repos monétisés

Cet amendement a été précédemment retiré par son auteur.

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Savin et Piednoir, Mmes Lavarde et Billon, MM. Charon, Chasseing, Houpert et Laugier, Mme Bruguière, M. Brisson, Mme Richer, M. Menonville, Mme Duranton, MM. Cuypers, J.M. Boyer, Dallier, A. Marc, Théophile et Le Gleut, Mme Férat, M. Dufaut, Mme Gruny, M. Détraigne, Mmes Deromedi et Lamure, MM. Pointereau, Bonhomme et Vaspart, Mmes Ramond et Canayer, MM. Gremillet et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Longeot et Decool, Mmes Noël et Mélot, MM. Lagourgue et Fouché, Mme Kauffmann et MM. Laménie et Sido, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Après les mots :

de chèques-vacances

insérer les mots :

et de coupons sport

II. – Alinéa 9

Après les mots :

des chèques-vacances

insérer les mots :

et des coupons sport

III. – Alinéa 10

Après le mot :

chèques-vacances

insérer les mots :

et des coupons sport

IV. – Alinéa 11

Après les mots :

de chèques-vacances

insérer les mots :

ou de coupons sport

La parole est à M. Michel Savin.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Cet amendement vise à permettre à l’Agence nationale pour les chèques-vacances de distribuer, non seulement des chèques-vacances, mais également des « coupons sport », eux-mêmes gérés par cette agence. Cette distribution serait fléchée en direction des personnels des secteurs sanitaire et médico-social, en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de Covid-19.

L’ouverture du dispositif aux « coupons sport » permettrait d’élargir le bénéfice de ce dernier à des organismes supplémentaires. En effet, grâce à ces coupons, c’est vers près de 8 000 structures sportives supplémentaires que les personnels des secteurs concernés pourraient se tourner. Cela permettrait également de promouvoir la pratique sportive, qui a été fortement mise en avant lors de cet épisode et qui est essentielle pour le bien-être de chacun.

Pour ce qui concerne la mise en œuvre effective, le décret prévu dans le texte devrait s’assurer de la bonne répartition entre les chèques-vacances et les « coupons sport », au regard des besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Je n’ai pas été surprise de cet amendement de Michel Savin, qui intervient souvent, on le sait – c’est un grand sportif, me glisse le président de la commission –, sur cette thématique qui lui est, qui nous est, chère.

Cela dit, ce texte de loi est déjà complexe ; en outre, la demande de Michel Savin est presque satisfaite, puisque 84 % des lieux qui acceptent les « coupons sport » acceptent aussi les chèques-vacances. Si on introduit un autre paramètre dans ce texte et qu’on demande aux bénéficiaires de savoir s’ils veulent des chèques-vacances ou des « coupons sport », on risque d’instaurer un dispositif trop compliqué à mettre en œuvre.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement en raison de la complexité qu’il tend à introduire dans le dispositif, mais si M. Savin pouvait le retirer, au motif qu’il est presque satisfait, ce serait une très bonne chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Je suis un peu gêné, parce que Mme le rapporteur, ma collègue – et amie – sénatrice de l’Isère, comme moi, a raison : c’est « presque » satisfait ; ça ne l’est donc pas totalement. Il est dommage qu’on passe à côté de cette possibilité de permettre à ces agents de bénéficier de ce « coupon sport », car 8 000 structures passeront à côté du dispositif.

Cela dit, je ne veux pas que mon amendement soit mis aux voix, parce qu’il serait adopté et ça mettrait en difficulté le rapporteur.

Sourires.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

L’amendement n° 6, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer le mot :

triple

par le mot :

double

La parole est à M. Martin Lévrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Actuellement, la proposition de loi offre le bénéfice de ces chèques-vacances aux personnes ou aux étudiants ayant un salaire inférieur à 3 SMIC, c’est-à-dire à peu près 4 500 euros.

Le président Milon l’a indiqué précédemment, on ne sait absolument pas quel montant on pourra récolter au travers de cette opération. En effet, le fait que, aujourd’hui, les gens sont un peu passés à autre chose, que la crise est derrière eux et qu’ils sont revenus à l’essentiel de leur quotidien risque d’entraîner des recettes assez faibles. Par conséquent, il me paraît important de prioriser le dispositif pour les publics qui ont des salaires les plus faibles. C’est pourquoi je propose, au travers de cet amendement, d’abaisser le plafond de 3 à 2 SMIC.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Nous en avons discuté en commission ; c’est très délicat, parce que la question de la fixation du plafond à 2 ou 3 SMIC est compliquée.

Cet amendement a une vertu : il vise à restreindre la liste des bénéficiaires et à rendre le dispositif plus effectif. Néanmoins, ce que je crains, pour ma part, ce sont les effets de bord. En effet, on peut imaginer une infirmière dont le revenu dépasse légèrement, au terme de sa carrière, 2 SMIC, et cette disposition conduirait à lui retirer le bénéfice du dispositif.

La commission a donc émis, sur ma proposition, un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Le Gouvernement a émis un avis favorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

(Supprimé)

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Je le répète, je regrette que ce soit, une fois de plus, dans la poche des salariés les plus modestes, qui ont subi la crise de plein fouet, qu’on aille chercher des chèques pour les donner aux soignants, parce que l’État s’est complètement défaussé et n’a pas joué son rôle dans la crise du Covid-19. Évidemment, on n’ira pas chercher dans la poche des plus riches – ce serait un crime de toucher à l’ISF ! – ou de ceux qui sont dans les paradis fiscaux, parce que – ô malheur ! – ça les handicaperait énormément…

Je regrette également qu’on n’ait pas inclus dans le dispositif les aidants familiaux, les aides à domicile et les assistantes familiales, qui ont parfois reçu en placement, pendant plusieurs semaines, des enfants en situation de handicap, coupés de leur famille du fait de l’isolement.

Je déplore en outre qu’on ait mis sur le dos des départements, plutôt que sur celui de l’État, le fait de devoir donner ou non une prime aux assistantes familiales et aux aides à domicile. On demande ainsi aux départements de payer alors que, on le sait tous, les départements ne sont pas au mieux de leur forme financière.

La crise coûtera cher à ces derniers, puisque plusieurs d’entre eux, notamment le Pas-de-Calais, dont je suis élue, ont décidé d’offrir la restauration scolaire, en septembre, octobre et novembre, aux enfants, parce que les temps qui arrivent seront très difficiles. Ces dépenses pèseront très lourdement sur les départements. On casse donc jusqu’à l’égalité territoriale, puisque, si on vit dans un département un peu plus aisé ou qui peut se serrer la ceinture, on pourra recevoir la prime et, si on vit dans un autre, qui n’en a pas les moyens, on ne la recevra pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Aux raisons, que j’ai exposées, de notre vote contre cette proposition de loi, je veux ajouter deux autres considérations.

La première, c’est que, au cours de mes bientôt trois années dans cet hémicycle, j’ai appris qu’on y était attaché à une certaine efficience de la loi. Or la proposition que vous nous présentez aujourd’hui, bornée au 31 août 2020 – nous sommes le 16 juin –, est telle que, tandis que les appels à la générosité existent par ailleurs et qu’on demande maintenant aux Français de donner une partie de leur salaire – je ne reviens pas sur ce point –, les sommes récoltées seront probablement faibles. Nous sommes donc en train de légiférer de façon quasi anecdotique et inefficiente ; nous ne pouvons pas nous y résoudre.

Ma deuxième considération tient au respect ou plutôt à l’irrespect. Je n’ai jamais vu mettre en place un mécanisme dont les possibles récipiendaires ne veulent pas ! Et ce n’est pas anecdotique ni minoritaire ; toutes les organisations, quelle que soit leur forme – syndicale, collective ou professionnelle –, ont indiqué que cette mesure ne recevait pas leur accord, qu’elles n’en voulaient pas, pour des raisons que j’ai brièvement exposées.

Alors, pourquoi vouloir l’adopter à tout prix ? Soit c’est une opération de communication politique, et ce n’est évidemment pas ça qui nous convaincra de voter pour, soit c’est la marque d’une certaine coupure avec le pays et avec les soignants… Ces derniers sont très nombreux dans les rues, cet après-midi, dans beaucoup de villes de France. La réponse que vous souhaitez leur apporter ne fait pas sens, et nous ne pouvons pas voter, même pour des raisons stratégiques, que j’ai bien entendues, madame la rapporteure, pour une telle réponse.

Nous devons rétablir un fonctionnement commun avec le pays et non envoyer des signaux d’incompréhension.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Je m’exprime en mon nom propre, puisque les votes du groupe du RDSE varieront ; Véronique Guillotin a très bien expliqué, en discussion générale, les questionnements que les uns et les autres ont exprimés sur ces travées.

Pour ma part, j’ai hésité entre le pour, le contre et l’abstention. Je me dis néanmoins qu’il faut voter pour, parce qu’on ne va pas interdire à certains d’avoir envie de donner ; on ne va pas interdire à ceux qui accepteront de donner de le faire.

Comme beaucoup, ici, nous plaçons de grands espoirs dans le Ségur de la santé, parce que cette proposition de loi représente un cataplasme sur une jambe de bois. On peut proposer du temps ou des chèques-vacances, certains proposent même leur résidence de vacances pour que les médecins et autres aides-soignants puissent y résider, ou encore des médailles en chocolat, mais c’est quand même au Gouvernement et à l’État de prendre ses responsabilités.

Cela dit, jamais, à titre personnel, je n’empêcherai un élan de solidarité ; c’est pourquoi je voterai pour cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Cette proposition de loi est assez accessoire, mais elle est fondée sur le volontariat. Elle ne doit surtout pas nous faire oublier la nécessité de revaloriser les salaires et les carrières du personnel concerné dans le cadre du Ségur qui s’entame.

Le groupe Les Indépendants votera pour ce texte, ainsi modifié par la commission, en félicitant, d’ailleurs, Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Je reviens à l’instant des manifestations ; les infirmières, les infirmiers et tout le personnel soignant étaient particulièrement nombreux et inquiets ; on voyait s’exprimer, sur les panneaux, leur inquiétude quant à la possibilité d’exercer convenablement leur métier, vu la période qu’ils viennent de vivre.

J’ai cherché des panneaux où l’on demandait ce type de mesure ; je n’en ai pas trouvé. En revanche, j’en ai trouvé qui exprimaient l’inverse, sur lesquels on lisait que les soignants ne voulaient pas faire l’aumône. Quelque part, c’est – mon collègue l’a dit – de l’irrespect ; voilà ce qui est ressorti de ces manifestations : une sensation d’irrespect.

La réponse au problème de l’hôpital public, par rapport à la situation qu’on vient de vivre, ne peut pas consister à demander à la caissière de donner ses congés à un infirmier, qui, ensuite, donnera les siens à un commerçant, via le système de dons Darmanin. Cela ne va pas. Si on va au bout de la logique, cela veut dire que, pour avoir un système de santé et un hôpital qui fonctionnent, tout le monde doit baisser ses salaires, même les plus pauvres, tout le monde doit diviser ses vacances par deux. Ce n’est pas acceptable.

En revanche, on le sait, on a des moyens. Sur la question de la répartition et des salaires les plus importants, là, nous pouvons agir ; mais je pense qu’on n’a pas le courage de le faire. Nous avons eu, il n’a pas très longtemps, un débat sur l’ISF. On nous a dit qu’un rétablissement n’en valait pas la peine, que c’était anecdotique, mais on examine aujourd’hui quelque chose d’anecdotique et tout le monde est content…

Je suis donc un peu attristé de l’image et de la réponse qu’on donne aux personnes qui manifestent actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 121 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 17 juin 2020 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles (procédure accélérée ; texte de la commission n° 514, 2019-2020) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires (509, 2019-2020).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures cinq.