Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 16 juin 2020 à 14h30
Don de chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, deux semaines après l’examen de la proposition de loi relative aux points d’accueil pour soins immédiats (PASI), nous nous retrouvons de nouveau pour débattre d’un texte qui semble ne pas faire l’unanimité au sein de cet hémicycle. Pourtant, s’agissant des aspirations des personnels des secteurs sanitaire et médico-social, les problématiques, et même les solutions, sont bien identifiées et partagées par la majorité d’entre nous. Impossible de les ignorer, alors que les manifestations de soignants et les auditions que je mène sur les territoires font émerger les mêmes revendications.

C’est donc probablement le décalage entre la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et les demandes des acteurs de terrain qui provoque une certaine forme de malaise, tant chez les soignants que chez les parlementaires. La question de la pertinence et de l’urgence de débattre d’un tel mécanisme se pose en effet, alors que des mesures structurantes doivent être adoptées à l’issue du Ségur de la santé.

Ce texte, qui vise à offrir des chèques-vacances aux professionnels des secteurs sanitaire et médico-social mobilisés pendant la crise, trouve selon moi, en premier lieu, un sens économique : par l’émission de chèques-vacances, il permet aux bénéficiaires de participer à la relance du tourisme, activité durement touchée par le Covid-19, ce qui est en soi une bonne chose. Il présente néanmoins plusieurs faiblesses.

D’une part, si j’entrevois dans cette mesure d’abord un bienfait économique, telle n’était pas l’intention première des auteurs de cette proposition de loi, qui entendent apporter aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social la preuve de la reconnaissance de la Nation. Or, malgré les bonnes intentions, nous sommes nombreux à douter que la mesure atteigne réellement son objectif, tant les aspirations du secteur dépassent quelques chèques-vacances.

La question du salaire a souvent été évoquée et figurera, nous l’espérons tous, en bonne place dans les conclusions du Ségur de la santé. Ce que les soignants attendent, c’est une véritable revalorisation de leurs métiers, qui passe par le salaire mais aussi par le recrutement de personnel dans de nombreux services et par une organisation plus agile du système de santé.

Les aides à domicile pourraient, quant à eux, y voir une prime bienvenue, alors que celle négociée entre l’État et les départements tarde à venir. Toutefois, même pour ces métiers particulièrement précaires et dévalorisés, qui ont été en première ligne pendant la crise malgré les difficultés et le manque de matériel, la temporalité et le niveau de la mesure pourraient apparaître en décalage avec les réformes attendues.

Parmi les autres faiblesses de ce texte, soulignées par notre rapporteure, je note tout particulièrement le choix des auteurs concernant les bénéficiaires de la mesure. En effet, alors que de nombreuses professions ont continué à faire leur travail au contact des Français et du virus – je pense notamment aux salariés de la grande distribution et à ceux des services de nettoyage –, comment justifier que seuls les employés des secteurs sanitaire et médico-social bénéficient de ces chèques-vacances ? Néanmoins, élargir l’assiette des bénéficiaires reviendrait à dissoudre encore l’enveloppe disponible, dont nous ne pouvons pas connaître le montant à l’avance. Sur ce point, il ne semble pas y avoir de bonne réponse, ce qui souligne probablement le caractère inabouti de la proposition de loi.

Des doutes subsistent par ailleurs quant au succès de l’entreprise. La majorité du groupe du RDSE approuve le travail effectué par la rapporteure Frédérique Puissat. Celui-ci a permis d’améliorer le dispositif tout en évitant d’alourdir les charges des entreprises, dont un certain nombre entrevoit aujourd’hui un avenir sombre. Cependant, nous pouvons aussi douter de la capacité de nombreux salariés à renoncer à une journée de salaire, quand plusieurs millions d’entre eux ont été placés en chômage partiel et ont ainsi perdu une part de leurs revenus. Il est à craindre que le coût d’administration de la mesure s’avère disproportionné au regard des sommes collectées et de ses effets marginaux.

En résumé, cette proposition de loi représente une marque d’attention et de solidarité, une certaine forme de reconnaissance, qu’il ne faut pas sous-estimer, à l’égard des personnels du monde médical et médico-social. Cependant, ces personnels attendent autre chose, et même plus, du Gouvernement. Par le mot « plus », j’entends des réformes structurantes à la hauteur de l’enjeu. En effet, si le virus semble être derrière nous, il continue de circuler dans le monde. Et d’autres virus suivront ! Les canicules deviendront plus fréquentes, de même que les maladies chroniques, qui prennent une part plus importante dans notre système de soins et appellent des prises en charge au long cours, dans le cadre d’un véritable parcours du patient.

Si l’intention du texte est louable, les personnels concernés méritent davantage qu’une simple mesure, après avoir été trop longtemps délaissés. Ils réclament que l’État investisse dans ce secteur d’avenir, qu’il recrute, améliore les conditions de travail et place le soignant au cœur du processus décisionnel et organisationnel, l’un et l’autre termes n’étant pas incompatibles.

La majorité de mon groupe sera favorable à cette proposition de loi, à condition que celle-ci prévoie des mesures d’accompagnement structurantes, ce à quoi le Ségur devrait aboutir. Que ce texte soit adopté ou non, nous insistons sur le fait que les attentes sont fortes dans les territoires. Plus que des médailles et des chèques-vacances, les soignants réclament des réformes en profondeur !

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