Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, loin des polémiques accessoires, certains sujets doivent dépasser les querelles politiciennes et les clivages partisans.
Accepter l’idée selon laquelle aucune liberté n’est possible sans sécurité, et donc soutenir nos forces de l’ordre, relève indéniablement de ces sujets. Il en est de même, tout aussi sûrement, du dévouement et du sens du devoir dont ont fait preuve les personnels soignants lors de cette crise sanitaire sans précédent.
Souvenez-vous des applaudissements qui résonnaient, il y a quelques semaines encore, chaque soir à vingt heures. Partout, dans les villes et les villages de France, le temps s’arrêtait dans une communion nationale pour rendre hommage à nos personnels soignants, ces héros qui, avec pour seules armes leur volonté et leur humanité, se battaient, avec un courage forçant l’admiration de chacun, contre cette force invisible qui voulait, et veut encore, nous abattre. Tels des roseaux, ils pliaient mais ne rompaient pas, portés par ce souffle qui défiait la tempête : celui d’une Nation retrouvée et unie qui voulait se faire entendre d’un même cœur.
Comment traduire cette émotion extraordinaire et cette reconnaissance unanime ?
Je suis, comme mon collègue Olivier Paccaud, sénateur de l’Oise, un territoire sans doute plus durement touché que d’autres. Je me devais donc d’apporter une réponse concrète et utile. C’est pourquoi, dès le 22 mars, j’ai déposé une proposition de loi permettant à tout salarié de donner un jour de repos aux personnels soignants, entendus dans le sens large. Ces RTT, qui sont des jours non de congé mais de récupération, convenaient parfaitement, sur le plan tant du symbole que du fond, à mon objectif. Cette possibilité n’est offerte, en l’état actuel du droit, qu’aux salariés d’une même entreprise, pour aider à la prise en charge momentanée d’un proche.
Conscient, d’une part, que les personnels soignants ne peuvent souvent pas, compte tenu de leurs missions, prendre leurs jours de RTT et, d’autre part, que leur rémunération n’est pas à la hauteur de leurs responsabilités, j’ai choisi de rendre ces dons monétisables sous forme de primes. Outre que cela ne coûte pas davantage aux entreprises, cette solution permettait de leur donner, même de manière temporaire, davantage de pouvoir d’achat, dont ils disposeraient comme bon leur semble.
Ce texte n’avait bien entendu pas l’ambition de répondre à la problématique beaucoup plus profonde du mal-être du milieu hospitalier et médico-social, qui implique nécessairement une amélioration des conditions de travail et une revalorisation des salaires et des carrières des personnels soignants. Cette aspiration bien légitime, qu’ils expriment encore aujourd’hui dans la rue, le Gouvernement doit y répondre.
Une prime a bien été annoncée pour récompenser leur implication dans la crise, mais il faudra beaucoup plus que cette mesure de court terme. Le Ségur de la santé doit absolument déboucher sur des avancées réelles et durables en la matière. En effet, si la crise a montré la résilience de notre système de santé et de ces personnels, elle a aussi révélé des insuffisances budgétaires profondes et récurrentes que les quatre précédents plans Hôpitaux n’ont pas permis de combler.
Le texte que j’ai proposé était donc avant tout un appel. Or celui-ci a été non seulement entendu, mais aussi plagié par la majorité au Palais-Bourbon, alors que Maxime Minot, député de l’Oise, et moi-même l’avions déposé simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Je ne suis pas là pour distribuer les bons et les mauvais points ; il nous faut d’abord penser à l’objectif recherché. Pour autant, cette méthode me laisse pour le moins songeur quant à la déontologie de certains députés, à l’opportunité douteuse dont font preuve certains auteurs de textes et à leur volonté d’incarner un nouveau monde. Celui-ci s’avérerait finalement, par certains côtés, bien pire que l’ancien s’il venait à remettre en cause une certaine honnêteté intellectuelle…
Ainsi, la pâle copie inaboutie qui nous est parvenue devait être améliorée. Elle l’a été, fort heureusement, sous la conduite de notre chère rapporteure, Frédérique Puissat. Je la remercie pour son approche constructive, dont le principal effet est d’augmenter la portée de la version initiale, sans pour autant englober entièrement ma proposition.
Je peux entendre l’idée visant à flécher les dons vers des chèques-vacances, pour encourager la reprise d’un secteur déterminant pour notre économie et auquel je suis très attaché : le tourisme. Elle réduit néanmoins considérablement le périmètre de la proposition de loi.
Cela revient, aussi, à priver les personnels soignants d’une grande partie de leur liberté quant à l’usage du don. Et s’ils souhaitaient pouvoir payer les traites de leur maison ou aider leurs enfants ? La monétisation sous forme de primes et pas seulement de chèques-vacances prend alors tout son sens. Cette mesure, que j’avais souhaité faire figurer dans mon texte, n’a pas été comprise à l’Assemblée nationale. Je regrette qu’elle n’ait pas été élargie lors de son examen au Sénat.
Néanmoins, j’entends parfaitement l’argument, tout à fait pertinent, selon lequel le dispositif proposé accroît la base des donateurs par rapport au texte originel. C’est une bonne chose. En effet, en élargissant cette solidarité par le travail, il l’ouvre à tous les salariés et ne la limite pas à ceux d’entre eux qui disposent de jours de congé. En outre, permettre un abondement complémentaire de l’employeur, ainsi que la participation à ce dispositif des non-salariés et des personnes morales via des dons financiers, est tout à fait opportun et souhaitable.
En tout état de cause, je dirai pour conclure à ceux qui l’ignorent, ou voudraient l’ignorer, que l’apport du Sénat est toujours précieux et souvent déterminant ; le rapporteur l’a encore démontré aujourd’hui.
Je suis heureux d’avoir contribué à mettre sur la table cette proposition en faveur des personnels soignants, même si notre gratitude ne sera jamais à la hauteur des vies qu’ils ont sauvées ou des soins qu’ils ont prodigués avec la compassion qui les caractérise, car leur engagement va bien au-delà de leur mission.
Ce don, qui sera peut-être possible demain, cet acte gratuit, solidaire et anonyme, est un écho à la générosité dont ils ont fait preuve. Merci à eux qui ont été la fierté de la Nation pendant cette crise. Ne les décevons pas !