Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 17 juin 2020 à 15h00
Report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans revenir sur la genèse de ce projet de loi, déjà amplement exposée, je me concentrerai sur son sujet le plus important, à savoir le cas de nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France, dont le collège électoral n’a pu être renouvelé au mois de juin comme il aurait dû l’être.

Pour couper court à tout suspense, je précise d’ores et déjà que la majorité du groupe Les Républicains votera le texte proposé par la commission des lois.

Le sujet est délicat, tout le monde l’aura compris. Tout d’abord, il ne s’agit pas, comme nous le faisons parfois, de transcrire une bonne idée en termes législatifs. Nous débattons d’une question technique qui nous impose de procéder, autant que nous le pouvons, à une analyse du droit constitutionnel. En outre, si les sénateurs représentant les Français établis hors de France existent depuis la IVe République, la situation que nous connaissons aujourd’hui est inédite. Elle ne s’était jamais produite auparavant, et nous ne pouvons donc nous appuyer, dans notre réflexion, sur une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Enfin, de la décision que nous prendrons découleront la constitutionnalité – ou non – de l’élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et, dès lors, l’éventualité d’une vacance de leur siège, l’enjeu étant, in fine, la complétude – ou non – du Sénat.

Trois solutions ont été évoquées : conserver la date de septembre 2020, mais avec un collège électoral « périmé » ; repousser l’élection jusqu’après le renouvellement du collège électoral, fixé par la commission des lois à septembre 2021 ; enfin, repousser l’élection au prochain renouvellement partiel du Sénat, et donc proroger de trois ans le mandat des six collègues concernés.

Choisir entre ces trois solutions ne relève pas de l’évidence, cela a été rappelé, et les membres de la commission des lois se souviendront certainement de nos débats de la semaine dernière, quand deux de nos collègues, MM. Bas et Richard, dont la qualité de l’analyse juridique est connue et reconnue sur toutes les travées de cette assemblée, ont évoqué assez longuement ces sujets de droit constitutionnel, sans tomber toujours d’accord. En effet, il n’existe pas de certitude en la matière.

Pour autant, même en l’absence de jurisprudence sur ce point précis, des principes d’ores et déjà établis par le Conseil constitutionnel peuvent nous guider. Il s’agit finalement de répondre à une question assez simple : quel choix sera le plus respectueux de la démocratie telle que définie par l’article 3 de la Constitution, à savoir une démocratie où des électeurs se rendent aux urnes pour désigner leurs représentants ?

Deux de ces principes retiennent particulièrement notre attention et permettent, me semble-t-il, de parvenir à la solution retenue par la commission des lois.

Premier principe, il faut s’assurer que la représentativité des électeurs n’est pas « défraîchie », pour reprendre le mot du Conseil constitutionnel. En d’autres termes, le collège électoral doit avoir été élu le plus récemment possible. Ce sera le cas avec la proposition de la commission des lois, puisque l’élection aura lieu peu de mois après le renouvellement du collège électoral.

Second principe, l’électeur doit pouvoir exercer son droit de suffrage selon une « périodicité raisonnable », aux termes du Conseil constitutionnel. Est-ce le cas si nous reportons une élection au-delà de l’échéance fixée par les textes légaux ? Vous l’avez compris, le Conseil constitutionnel admet que nous puissions le faire et prolonger un mandat, à condition toutefois que cette prorogation soit exceptionnelle et transitoire et qu’elle réponde à un objectif d’intérêt général. Il me semble que nous nous trouvons exactement dans cette situation en l’occurrence.

En conclusion, je pense que procéder à l’élection une année plus tard que prévu, mais avec un collège électoral renouvelé, est tout à fait conforme à ces deux principes anciens et importants. En tout cas, si cette solution n’offre pas de certitude – aucune n’en offre –, c’est certainement celle qui présente le moins de risques. Nous suivrons donc la position de la commission des lois et voterons le texte qu’elle a élaboré.

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