Intervention de Philippe Bas

Réunion du 17 juin 2020 à 15h00
Report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles — Article 1er

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

D’un accident comme celui que nous connaissons, que j’ai qualifié de cas de force majeure, il faut prendre soin de ne tirer que les conséquences strictement nécessaires, dans une grande économie de moyens et selon une vision minimaliste, de manière à circonscrire les effets des circonstances ; nous devons en quelque sorte faire la part du feu.

C’est un accident, il y en a d’autres. M. Yung nous rappelait à l’instant ce qui se passe en cas d’élection partielle. Régulièrement, certains de nos collègues entrent au Gouvernement ou démissionnent, parfois pour assurer une fonction dans un exécutif local ; ils sont alors remplacés. L’élection de certains collègues est parfois annulée ; cela concerne parfois une liste entière – je me souviens de l’annulation, en 2005, de l’élection de cinq sénateurs d’un même département.

Ce projet de loi organique vise à ne pas donner d’effet disproportionné à l’accident en question. En l’occurrence, nous avons connaissance de l’accident avant l’élection ; c’est pour cela que nous devons agir. Nous devons traiter la situation de nos collègues qui seront élus en septembre 2021, si cette loi organique est promulguée, exactement comme nous avons l’habitude de le faire en d’autres circonstances.

Notre collègue Philippe Dominati s’inquiète que nous ouvrions la voie à des dérives extrêmement graves en prolongeant des mandats sans motif d’intérêt général et pour une durée disproportionnée. Or, précisément, le motif d’intérêt général existe bien : c’est l’accident que je mentionnais, c’est-à-dire la crise sanitaire mondiale. Par ailleurs, il ne serait pas constitutionnel de prolonger le mandat de deux, de trois, de quatre ou de cinq ans. On ne peut pas faire n’importe quoi : nous sommes assujettis au respect de principes qui sont ceux de la démocratie ; nous avons juste besoin que le corps électoral soit complété. En effet, comme l’a souligné M. Le Gleut, de nombreux sièges de conseiller consulaire ne sont plus pourvus aujourd’hui. Le collège électoral doit donc être complété et renouvelé démocratiquement. Nous sommes tous, j’imagine, favorables, au nom de la légitimité de notre assemblée, à ce que chacun d’entre nous soit élu par un corps électoral réellement représentatif des Français qui l’ont désigné. C’est tout de même une règle de base, il n’est même pas besoin de faire du juridisme, d’entrer dans le détail des principes constitutionnels pour l’affirmer énergiquement !

Il faut veiller à limiter la prolongation de la durée des mandats pour éviter tout risque constitutionnel. A contrario, si l’on devait laisser les choses suivre leur cours, je crains fort que les six collègues qui seraient alors élus en septembre 2020 ne voient leur élection contestée et en définitive annulée. Il s’ensuivrait pour le Sénat une vacance de sièges et l’obligation de devoir piteusement revoter une loi organique pour fixer la date d’élections sénatoriales partielles, qui devraient nécessairement avoir lieu non pas dans le délai de trois mois prévu en cas de démission, de décès ou d’entrée au Gouvernement, mais nettement plus tard, puisque l’annulation pourrait intervenir en décembre, en janvier, en février ou en mars de l’année prochaine. Ce serait une situation désastreuse pour le Sénat ! Il faut y faire attention.

Mes chers collègues, j’y insiste, ce n’est pas de gaieté de cœur que, après réflexion, je me suis rallié à la position du Gouvernement, qui n’était pas la mienne initialement. J’aurais préféré, monsieur le ministre, que le travail se fasse dans des conditions normales, que le Gouvernement nous présente une lettre rectificative ou un projet de loi, assorti d’un avis du Conseil d’État. Je regrette que vous ne l’ayez pas fait, car un juge de paix aurait alors traité les questions juridiques, et nous aurions été plus à l’aise, sur cette base, pour voter le texte. Nous avons fait de notre mieux pour suppléer à l’absence d’avis du Conseil d’État, et je ne crois pas qu’il soit possible d’envisager autre chose que ce que je vous propose pour donner assurer la sécurité juridique du dispositif.

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