Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 juin 2020 à 17h05
Budget communautaire — Proposition révisée de cadre financier pluriannuel 2021-2027 et instrument de relance : communication et examen d'une proposition de résolution européenne

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Nous nous réunissons aujourd'hui exceptionnellement un mardi. J'ai bien conscience que cela bouscule et surcharge nos agendas. Certains d'entre vous s'en sont émus. Mais nous n'avons pas pu trouver d'autre solution pour permettre au Sénat de se prononcer en temps utile sur la nouvelle proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) formulée par la Commission européenne et intégrant l'instrument de relance. En effet, ce sujet occupera certainement le Conseil européen du 19 juin prochain. La Commission a publié sa proposition fin mai. Les textes nous ont été transmis il y a dix jours. La semaine dernière nous était indispensable pour les étudier et entendre le Gouvernement - j'ai encore échangé hier soir avec Mme Sandrine Gaudin, Secrétaire générale des affaires européennes. Nous ne pouvions donc pas rapporter devant vous la semaine dernière. Nous ne pouvions pas non plus le faire après-demain jeudi, jour habituel de nos réunions, car la proposition de résolution européenne (PPRE) que notre commission va examiner aujourd'hui doit être renvoyée à la commission des finances, et celle-ci aura aussi besoin de quelques jours pour permettre à ses membres d'amender notre texte, avant de l'examiner mardi 16 juin, soit trois jours avant le Conseil européen.

Vous le voyez, le calendrier est très tendu, mais ce n'est pas notre fait. Il nous est imposé par les autorités européennes, qui accélèrent les procédures pour doter le plus vite possible l'Union européenne (UE) des outils juridiques permettant d'apporter une réponse financière rapide à la crise déclenchée par la pandémie de Covid-19.

Nous nous réunissons donc aujourd'hui pour examiner une PPRE que je vous présente avec notre collègue Simon Sutour. Presque six mois après notre première prise de position sur le CFP, celle-ci porte sur la communication présentée par la Commission européenne le 27 mai dernier, comprenant à la fois une proposition révisée de CFP 2021-2027 et une proposition de mise en place d'un instrument de relance de 750 milliards d'euros pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19, éviter les divergences entre les 27 États membres et ainsi conforter le marché unique.

Nous avons dû intervenir rapidement afin que le Sénat puisse adopter une résolution définitive avant le Conseil européen prévu le 19 juin, même si celui-ci ne devrait pas être conclusif. Après avoir été inquiétés par les annonces du président Macron et de la chancelière Merkel, les quatre pays dits frugaux - l'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède - ont fait un peu de chemin, mais cela risque de ne pas suffire...

Je vous rappelle que ce plan de relance présenté par la Commission intervient après l'adoption en avril, au sein de l'Eurogroupe élargi, d'un premier train de mesures d'urgence à hauteur de 540 milliards d'euros. La Banque centrale européenne (BCE) a de son côté mis en oeuvre un programme de rachat d'actifs d'urgence pandémique (PEPP), dont l'enveloppe atteint désormais 1 350 milliards d'euros.

Compte tenu de l'ampleur de la crise économique résultant de la pandémie, la nécessité est rapidement apparue d'aller au-delà de ces premières mesures, afin de mettre en place un plan de relance très significatif.

Le 18 mai 2020, le Président de la République française et la chancelière allemande ont dévoilé une « initiative franco-allemande pour la relance européenne face à la crise du coronavirus », qui a largement inspiré la proposition de plan de relance présentée par la Commission européenne. Cette initiative proposait en particulier de mettre en place un fonds de « 500 milliards d'euros en dépenses budgétaires de l'Union européenne (UE) pour les secteurs et régions les plus touchés, sur la base des programmes budgétaires de l'UE et dans le respect des priorités européennes ». Le 23 mai, les quatre États « frugaux » présentaient une contre-proposition insistant en particulier sur l'octroi de prêts plutôt que de subventions et appelant à une modernisation du CFP, afin de contenir le montant des contributions nationales au financement de l'UE. Leur message a été partiellement entendu, puisque, sur 750 milliards d'euros, les prêts représentent 250 milliards d'euros et les subventions, 500 milliards d'euros. Mais ils ont aussi compris qu'il était important de conforter le marché unique, dont ils font pleinement partie et dont leur activité économique, qui repose beaucoup sur l'exportation intra-européenne, dépend largement. Aussi sont-ils, après l'émotion initiale, revenus à une attitude plus constructive.

C'est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté, le 27 mai, à la fois une nouvelle proposition de CFP pour les années 2021-2027 et une proposition de plan de relance de 750 milliards d'euros, intitulé Next Generation EU, pour faire face aux conséquences de la crise de la Covid-19. Cet instrument de relance viendrait, à titre exceptionnel et temporaire, compléter et renforcer les dépenses inscrites dans le CFP par des engagements au cours de la période 2021-2024.

La Commission souhaite utiliser ces montants exceptionnels pour rendre l'Europe plus verte, plus digitale et plus résiliente. On ne peut qu'approuver, mais encore faut-il s'entendre sur ce que recouvre le mot « vert » : tout le monde n'a pas la même définition du verdissement... Face aux critiques de certains États membres, la Commission réaffirme donc ses priorités politiques et en particulier l'ambition du Pacte vert pour l'Europe.

Nous souhaitons affirmer à cette occasion que la transition vers une économie plus verte ne doit pas être synonyme de décroissance, et souligner la nécessité de concilier lutte contre les dérèglements climatiques, développement durable, développement économique et inclusion sociale. Des fuites indiquent qu'on irait vers une réduction de 10 % de la surface agricole utile, une hausse de 25 % de la production agricole bio, et une baisse de 50 % de l'usage de produits phytosanitaires, mais sans qu'il soit fait référence aux sauts technologiques qui sont nécessaires pour atteindre ces résultats !

L'UE ne doit se priver d'aucune technologie permettant d'atteindre les objectifs ambitieux qu'elle s'est assignés, que ce soit en matière d'énergie, d'industrie ou d'agriculture. Notre PPRE insiste d'ailleurs sur la nécessité de doter suffisamment le projet ITER pour le mener à bien : si la France ne le fait pas, qui en parlera ? Il nous semble également important que les États membres aient une définition harmonisée du verdissement, afin d'éviter entre eux des distorsions de concurrence.

Afin que les entreprises et les citoyens de l'UE soient pleinement bénéficiaires des moyens financiers nouveaux envisagés pour l'UE, nous pourrions en outre compléter le texte de la PPRE qui vous a été transmis hier. Nous proposons d'insister sur la nécessité de renforcer la résilience de l'économie et de la base industrielle de l'UE, en soulignant le besoin de moderniser la politique de la concurrence, mais aussi d'optimiser et d'accroître la réactivité des outils de défense commerciale face aux pratiques déloyales. Cet enjeu avait d'ailleurs été identifié dans l'initiative franco-allemande. Rappelez-vous aussi le règlement sur le filtrage des investissements directs étrangers dont nous avons discuté il y a deux ans et de l'évolution de la commissaire Vestager - que nous entendrons le 16 juin - sur l'enjeu qui s'attache à l'émergence de champions européens dans un monde ouvert.

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