Nous nous réunissons aujourd'hui exceptionnellement un mardi. J'ai bien conscience que cela bouscule et surcharge nos agendas. Certains d'entre vous s'en sont émus. Mais nous n'avons pas pu trouver d'autre solution pour permettre au Sénat de se prononcer en temps utile sur la nouvelle proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) formulée par la Commission européenne et intégrant l'instrument de relance. En effet, ce sujet occupera certainement le Conseil européen du 19 juin prochain. La Commission a publié sa proposition fin mai. Les textes nous ont été transmis il y a dix jours. La semaine dernière nous était indispensable pour les étudier et entendre le Gouvernement - j'ai encore échangé hier soir avec Mme Sandrine Gaudin, Secrétaire générale des affaires européennes. Nous ne pouvions donc pas rapporter devant vous la semaine dernière. Nous ne pouvions pas non plus le faire après-demain jeudi, jour habituel de nos réunions, car la proposition de résolution européenne (PPRE) que notre commission va examiner aujourd'hui doit être renvoyée à la commission des finances, et celle-ci aura aussi besoin de quelques jours pour permettre à ses membres d'amender notre texte, avant de l'examiner mardi 16 juin, soit trois jours avant le Conseil européen.
Vous le voyez, le calendrier est très tendu, mais ce n'est pas notre fait. Il nous est imposé par les autorités européennes, qui accélèrent les procédures pour doter le plus vite possible l'Union européenne (UE) des outils juridiques permettant d'apporter une réponse financière rapide à la crise déclenchée par la pandémie de Covid-19.
Nous nous réunissons donc aujourd'hui pour examiner une PPRE que je vous présente avec notre collègue Simon Sutour. Presque six mois après notre première prise de position sur le CFP, celle-ci porte sur la communication présentée par la Commission européenne le 27 mai dernier, comprenant à la fois une proposition révisée de CFP 2021-2027 et une proposition de mise en place d'un instrument de relance de 750 milliards d'euros pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19, éviter les divergences entre les 27 États membres et ainsi conforter le marché unique.
Nous avons dû intervenir rapidement afin que le Sénat puisse adopter une résolution définitive avant le Conseil européen prévu le 19 juin, même si celui-ci ne devrait pas être conclusif. Après avoir été inquiétés par les annonces du président Macron et de la chancelière Merkel, les quatre pays dits frugaux - l'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède - ont fait un peu de chemin, mais cela risque de ne pas suffire...
Je vous rappelle que ce plan de relance présenté par la Commission intervient après l'adoption en avril, au sein de l'Eurogroupe élargi, d'un premier train de mesures d'urgence à hauteur de 540 milliards d'euros. La Banque centrale européenne (BCE) a de son côté mis en oeuvre un programme de rachat d'actifs d'urgence pandémique (PEPP), dont l'enveloppe atteint désormais 1 350 milliards d'euros.
Compte tenu de l'ampleur de la crise économique résultant de la pandémie, la nécessité est rapidement apparue d'aller au-delà de ces premières mesures, afin de mettre en place un plan de relance très significatif.
Le 18 mai 2020, le Président de la République française et la chancelière allemande ont dévoilé une « initiative franco-allemande pour la relance européenne face à la crise du coronavirus », qui a largement inspiré la proposition de plan de relance présentée par la Commission européenne. Cette initiative proposait en particulier de mettre en place un fonds de « 500 milliards d'euros en dépenses budgétaires de l'Union européenne (UE) pour les secteurs et régions les plus touchés, sur la base des programmes budgétaires de l'UE et dans le respect des priorités européennes ». Le 23 mai, les quatre États « frugaux » présentaient une contre-proposition insistant en particulier sur l'octroi de prêts plutôt que de subventions et appelant à une modernisation du CFP, afin de contenir le montant des contributions nationales au financement de l'UE. Leur message a été partiellement entendu, puisque, sur 750 milliards d'euros, les prêts représentent 250 milliards d'euros et les subventions, 500 milliards d'euros. Mais ils ont aussi compris qu'il était important de conforter le marché unique, dont ils font pleinement partie et dont leur activité économique, qui repose beaucoup sur l'exportation intra-européenne, dépend largement. Aussi sont-ils, après l'émotion initiale, revenus à une attitude plus constructive.
C'est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté, le 27 mai, à la fois une nouvelle proposition de CFP pour les années 2021-2027 et une proposition de plan de relance de 750 milliards d'euros, intitulé Next Generation EU, pour faire face aux conséquences de la crise de la Covid-19. Cet instrument de relance viendrait, à titre exceptionnel et temporaire, compléter et renforcer les dépenses inscrites dans le CFP par des engagements au cours de la période 2021-2024.
La Commission souhaite utiliser ces montants exceptionnels pour rendre l'Europe plus verte, plus digitale et plus résiliente. On ne peut qu'approuver, mais encore faut-il s'entendre sur ce que recouvre le mot « vert » : tout le monde n'a pas la même définition du verdissement... Face aux critiques de certains États membres, la Commission réaffirme donc ses priorités politiques et en particulier l'ambition du Pacte vert pour l'Europe.
Nous souhaitons affirmer à cette occasion que la transition vers une économie plus verte ne doit pas être synonyme de décroissance, et souligner la nécessité de concilier lutte contre les dérèglements climatiques, développement durable, développement économique et inclusion sociale. Des fuites indiquent qu'on irait vers une réduction de 10 % de la surface agricole utile, une hausse de 25 % de la production agricole bio, et une baisse de 50 % de l'usage de produits phytosanitaires, mais sans qu'il soit fait référence aux sauts technologiques qui sont nécessaires pour atteindre ces résultats !
L'UE ne doit se priver d'aucune technologie permettant d'atteindre les objectifs ambitieux qu'elle s'est assignés, que ce soit en matière d'énergie, d'industrie ou d'agriculture. Notre PPRE insiste d'ailleurs sur la nécessité de doter suffisamment le projet ITER pour le mener à bien : si la France ne le fait pas, qui en parlera ? Il nous semble également important que les États membres aient une définition harmonisée du verdissement, afin d'éviter entre eux des distorsions de concurrence.
Afin que les entreprises et les citoyens de l'UE soient pleinement bénéficiaires des moyens financiers nouveaux envisagés pour l'UE, nous pourrions en outre compléter le texte de la PPRE qui vous a été transmis hier. Nous proposons d'insister sur la nécessité de renforcer la résilience de l'économie et de la base industrielle de l'UE, en soulignant le besoin de moderniser la politique de la concurrence, mais aussi d'optimiser et d'accroître la réactivité des outils de défense commerciale face aux pratiques déloyales. Cet enjeu avait d'ailleurs été identifié dans l'initiative franco-allemande. Rappelez-vous aussi le règlement sur le filtrage des investissements directs étrangers dont nous avons discuté il y a deux ans et de l'évolution de la commissaire Vestager - que nous entendrons le 16 juin - sur l'enjeu qui s'attache à l'émergence de champions européens dans un monde ouvert.
Je suis d'accord : l'UE ne doit se priver d'aucune technologie pour atteindre les objectifs ambitieux qu'elle s'est fixés. Lors de la dernière réunion de la Commission des affaires européennes des Parlements nationaux à Helsinki, j'ai rappelé que la France fermait ses dernières centrales à charbon grâce au nucléaire, ce qui lui assurait un excellent bilan carbone. Certains de nos collègues n'avaient pas beaucoup apprécié ma remarque !
Le CFP socle serait arrêté à 1 100 milliards d'euros en prix 2018. Il s'agit donc d'une voie intermédiaire entre la proposition initiale que la Commission avait présentée en mai 2018 - 1 134,6 milliards d'euros - et la proposition de la présidence finlandaise du Conseil en décembre 2019 - 1 087 milliards d'euros. Elle est très proche de celle proposée par le Président du Conseil européen M. Charles Michel, à la mi-février 2020 - 1 094,8 milliards d'euros. Cette comparaison doit toutefois être analysée avec précaution, en raison des compléments inscrits au sein de l'instrument de relance, même si celui-ci présente un caractère extraordinaire et temporaire. La Commission présente en effet le CFP socle et l'instrument de relance de manière agrégée.
Nous considérons qu'une réaction rapide et ambitieuse de l'UE, dans le respect des compétences des États membres, est légitime et pertinente. Tous les États membres n'ont pas la même capacité à répondre aux conséquences économiques et sociales de la crise. L'ampleur du plan de relance allemand en témoigne. J'observe d'ailleurs que des efforts sont en particulier prévus pour réduire le coût de l'énergie et améliorer la situation en matière de déploiement numérique, ce qui pourrait donner demain à l'Allemagne un avantage comparatif.
Nous affirmons néanmoins que la nouveauté de l'instrument de relance ne doit pas conduire à négliger les négociations sur le CFP socle.
Nous avons fait le choix de ne pas reprendre tous les éléments que nous avions évoqués dans la résolution adoptée par le Sénat au mois de février, mais de nous concentrer sur quelques points qui nous paraissent essentiels.
Nous saluons notamment le fait que la politique de cohésion demeure une politique stratégique et voit son importance accrue par les crédits exceptionnels du plan de relance. Un nouveau programme intitulé REACT-EU sera doté de 5 milliards d'euros dès 2020 puis de 50 milliards d'euros en 2021 et 2022 dans le cadre du plan de relance. Même si les crédits inscrits dans le cadre socle baissent de près de 8 milliards d'euros par rapport à la proposition présentée par la Commission en mai 2018, on aboutira bien à une hausse globale des crédits de cohésion, dont la Commission souligne l'importance pour la relance économique. Le montant de la part de notre pays est un autre sujet. Pour l'instant, nous maintenons l'essentiel, mais il nous faut rester vigilants, car le Fonds européen de développement régional (Feder), par exemple, est un appui important pour l'investissement des collectivités territoriales : le Gouvernement doit en prendre conscience.
La communication de la Commission précise qu'afin de garantir un soutien suffisant aux États membres et aux régions qui en ont le plus besoin, un réexamen des dotations nationales au titre de la cohésion serait opéré en 2024. Ce réexamen pourrait donner lieu à des ajustements, à la hausse uniquement, dans la limite de 10 milliards d'euros pour l'ensemble des États membres.
Nous insistons également sur la gouvernance de la zone euro. En début d'année, nous avions salué l'accord de principe intervenu pour mettre en place un instrument budgétaire de convergence et de compétitivité (IBCC) au sein de la zone euro, même si nous avions mis en évidence ses insuffisances. Nous regrettons aujourd'hui que la nouvelle proposition de la Commission ne consacre plus de crédits à cet outil, dont on comprend que les fonctions pourraient être reprises par la nouvelle « facilité pour la reprise et la résilience » mise en place au sein de l'instrument de relance. Nous jugeons essentiel de réinstaurer un mécanisme de gouvernance et un cadre d'analyse propres à la zone euro, et ce de manière durable, les outils du plan de relance n'ayant qu'une durée limitée.
Nous saluons la mise en place d'un nouveau programme pour la santé, afin de tirer les leçons de la crise que nous avons traversée. Doté de 1,7 milliard d'euros dans le CFP socle, ce programme bénéficierait de 7,7 milliards d'euros supplémentaires provenant du plan de relance.
Nous regrettons en revanche la diminution des crédits consacrés à Erasmus + par rapport à la proposition de mai 2018. La position conjointe que nous avions adoptée avec nos collègues de l'Assemblée nationale avait mis l'accent sur ce programme qui est emblématique, sans succès...
Concernant la politique agricole commune (PAC), nous relevons avec satisfaction que, par rapport aux propositions initiales de la Commission, le premier pilier gagne 4 milliards d'euros et le second pilier, 5 milliards d'euros. En outre, le second pilier bénéficierait de 15 milliards d'euros supplémentaires à titre exceptionnel dans le cadre du plan de relance, afin de favoriser la transition verte affirmée dans la stratégie dite « de la ferme à la table ».
L'augmentation des crédits de la PAC, et singulièrement la revalorisation du premier pilier que le Sénat appelait de ses voeux, va indéniablement dans le bon sens. L'effort demeure toutefois insuffisant pour répondre aux orientations défendues par le Sénat, qui entend réaffirmer le caractère stratégique de la PAC, alors que la stratégie « de la ferme à la table » suscite des interrogations sur l'approche économique du développement de l'agriculture européenne.
Je souhaiterais d'ailleurs renforcer encore à ce sujet la version du texte qui vous a été transmise hier, en soulignant plus fortement l'enjeu que représente la revalorisation du premier pilier, y compris pour nos outre-mer, dont l'agriculture présente des spécificités. Nos collègues ultramarins l'avaient défendu en février devant la commission des finances et il me semble qu'il ne serait pas inutile d'appuyer le soutien que nous apportons aux outre-mer au travers de cette PPRE.
Concernant l'autonomie stratégique de l'UE, nous constatons que le fonds européen de la défense serait doté de 8 milliards d'euros, soit 3,4 milliards d'euros de moins que dans la proposition initiale de la Commission européenne, les crédits consacrés à la mobilité militaire étant par ailleurs sabrés. Je constate que, proposition de CFP après proposition de CFP, le fonds européen de la défense sert de variable d'ajustement, ce qui n'est pas acceptable.
La proposition de la Commission est certes plus satisfaisante que celles présentées par la présidence finlandaise du Conseil puis par le Président du Conseil européen, mais nous souhaitons affirmer avec force qu'elle n'apparaît pas à la hauteur de l'ambition affichée visant à affirmer l'autonomie stratégique européenne. Nous suggérons donc de réaffirmer les positions que nous avons prises à deux reprises en début d'année en faveur d'une remontée de ces crédits.
De même, nous souhaitons confirmer notre souhait d'un rétablissement de l'ambition initiale concernant la politique spatiale européenne, qui doit être pleinement indépendante pour assurer l'autonomie stratégique de l'UE. La Commission propose en effet de diminuer ces crédits d'un milliard d'euros, ce qui est toujours plus satisfaisant, reconnaissons-le, que les propositions présentées par la présidence finlandaise du Conseil puis par le Président du Conseil européen. L'espace va devenir un endroit stratégique d'affrontement entre puissances : l'UE ne doit pas en être absente.
À la suite d'un échange que j'ai eu hier soir avec la Secrétaire générale des affaires européennes, Mme Sandrine Gaudin, je souhaiterais également compléter le texte qui vous a été transmis par un ajout sur ITER, en reprenant notre position de février. La France apparaît en effet très seule sur ce dossier et il me paraît important que nous apportions un soutien à ce programme. Il y a comme une pudeur, à Bruxelles, qui empêche de parler du nucléaire, vu la pression qu'y font régner les environnementalistes les plus radicaux, qui refusent de voir que le nucléaire permet de diminuer les émissions de CO2. Or, à en croire le Professeur Gérard Mourou, lauréat du prix Nobel, sur les lasers à haute fréquence, nous pourrions dans une dizaine d'années régler le problème des déchets nucléaires, qui est le tendon d'Achille de la filière. Je n'ai donc pas d'états d'âme à soutenir cette position.
Nous autres, dans mon département, nous vivons sous le champignon... et nous nous en portons très bien !
J'en viens maintenant à l'instrument de relance de 750 milliards d'euros Next Generation EU, qui viendrait compléter le CFP sur la période 2021-2024.
Ces 750 milliards d'euros seraient répartis en 500 milliards d'euros de subventions et garanties et 250 milliards d'euros de prêts. Ils se décomposent schématiquement en deux blocs.
Un premier bloc de 190 milliards d'euros viendrait renforcer à titre exceptionnel différents programmes du CFP. Nous en avons déjà évoqué quelques-uns, mais je veux également souligner l'accent mis sur les programmes « InvestEU » et « Horizon Europe », qui bénéficieraient de cette nouvelle enveloppe afin de favoriser les investissements stratégiques et de soutenir la solvabilité des entreprises. Les crédits inscrits au titre du plan de relance ne correspondent toutefois pas à des majorations nettes, les crédits inscrits sur le CFP socle enregistrant des baisses.
De même, 30 milliards d'euros viendraient compléter les 10 milliards d'euros inscrits dans le CFP socle, au titre du fonds de transition juste. Ceci apparaît nécessaire en vue d'accompagner la transition vers une économie plus verte et les mutations socio-économiques indispensables dans les territoires les plus touchés. Dans sa résolution du 11 février 2020, le Sénat soulignait en effet la nécessité d'accompagner certains territoires et certaines filières confrontés à d'importants défis de reconversion.
Le plan de relance viendrait également renforcer les dépenses de résilience, notamment la sécurité civile et les crédits consacrés à l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, ainsi qu'à l'aide humanitaire.
Aux côtés de ces crédits divers, la Commission propose la mise en place d'un outil de très grande ampleur : la « facilité pour la reprise et la résilience », à hauteur de 560 milliards d'euros. Ces 560 milliards d'euros seraient répartis en deux enveloppes : 310 milliards d'euros de subventions et 250 milliards d'euros de prêts.
Cette « facilité » servirait à financer des dépenses en phase avec les priorités de l'UE - transition écologique et numérique, résilience des économies nationales - et s'inscrirait dans le cadre du Semestre européen. Cette inscription dans le cadre du Semestre européen impliquera donc un dialogue exigeant entre les États membres et la Commission lors de l'examen des programmes nationaux de réforme. Ceux-ci intégreront en effet à l'avenir des plans nationaux pour la reprise et la résilience. La Commission précise qu'elle évaluera ces plans « au regard de leurs effets sur la durabilité compétitive, la résilience économique et sociale, la croissance durable et les transitions écologique et numérique des États membres ».
Nous pourrions d'ailleurs compléter la version du texte qui vous a été adressée hier afin de demander un renforcement de l'implication des Parlements nationaux dans la mise en oeuvre et le suivi du Semestre européen. Il nous faut toujours insister pour que les Parlements nationaux soient admis à jouer leur rôle européen...
S'agissant des subventions, une clé de répartition prédéfinie sera établie. Elle tiendra compte de la population, du PIB par habitant et du chômage. Elle sera particulièrement bénéfique pour les pays les plus touchés par la crise, notamment ceux caractérisés par un faible revenu par habitant et un chômage élevé. Selon les informations que nous avons recueillies auprès de la direction du Budget, la France pourrait ainsi bénéficier de 10,4 % des subventions de cette facilité, soit environ 32 milliards d'euros. Elle serait donc le troisième État membre bénéficiaire du volet subventions de cette facilité, après l'Italie et l'Espagne qui en recevraient environ 20 % chacune.
Compte tenu des conditions actuelles de financement sur les marchés, il n'apparaît pas certain que la France ait un intérêt à solliciter un prêt dans le cadre de cette facilité.
Le taux de retour global de la France sur l'ensemble des crédits du plan de relance n'est pas connu de manière précise à ce stade. Il pourrait avoisiner le montant de 39 milliards d'euros évoqué dans la presse. Les services interrogés n'ont toutefois pas confirmé ce montant, d'autant que l'enveloppe globale du plan de relance reste soumise à l'approbation du Conseil européen.
Pour assurer le financement de ces 750 milliards d'euros, la Commission émettrait des obligations sur les marchés financiers au nom de l'UE. Les fonds empruntés seraient remboursés à partir de 2028 et potentiellement jusqu'en 2058, ce qui nous conduit à mettre l'accent sur le besoin de financement à venir de l'UE.
Les 250 milliards d'euros de fonds empruntés, qui seraient octroyés sous la forme de prêts aux États membres dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience, seraient remboursés par les sommes reçues de la part des États membres bénéficiaires de ces prêts. Seuls les 500 milliards d'euros empruntés aux fins de subventions et garanties feraient ainsi l'objet d'une mutualisation au niveau de l'UE.
Pour procéder à cette opération, la Commission propose de relever le plafond des ressources propres de l'UE de 0,6 point de pourcentage afin d'augmenter la marge de manoeuvre, c'est-à-dire la différence entre ce plafond des ressources propres et les dépenses réelles, cette marge de manoeuvre faisant office de garantie.
La Commission précise que ce pouvoir d'emprunter serait clairement limité en termes de volume, de durée et de portée. Ce relèvement du plafond prendrait donc fin lorsque tous les fonds empruntés auront été remboursés et que tous les passifs éventuels seront éteints, c'est-à-dire au plus tard le 31 décembre 2058.
Ce relèvement temporaire s'ajouterait néanmoins à un autre relèvement du plafond qui serait, lui, permanent. La Commission justifie ce second relèvement en faisant valoir que « l'impact économique de la pandémie de coronavirus montre à quel point il est important de faire en sorte que l'UE dispose d'une marge de manoeuvre budgétaire suffisante en cas de chocs économiques entraînant une chute du revenu national brut ». La décision sur les ressources propres impliquant une approbation par le Parlement français, en application de l'article 211 du traité sur le fonctionnement de l'UE, nous jugeons nécessaire que des justifications complémentaires soient apportées concernant la nécessité de relever de manière permanente le plafond des ressources, en plus du relèvement temporaire prévu pour permettre le financement de l'instrument de relance. Il est vrai qu'il faut sans cesse demander que les Parlements nationaux puissent exercer leurs compétences... Incidemment, je rappelle aussi qu'il faut aussi plus de transparence dans les trilogues.
Si l'instrument de relance soulage à court terme les finances publiques nationales des États membres, dans un esprit de solidarité entre eux, il n'en demeure pas moins que l'enjeu de financement de ces mesures à moyen terme est majeur et conduit à remettre l'accent sur deux points déjà soulignés par le Sénat dans sa résolution européenne du 11 février 2020 : les rabais et l'évolution du système des ressources propres.
Selon les informations recueillies auprès de la direction du Budget et du Secrétariat général des affaires européennes, pour le seul CFP socle, la contribution moyenne annuelle de la France au cours de la période pourrait atteindre entre 26 et 29 milliards d'euros, en cas de maintien intégral des rabais -malheureusement probable - et d'absence de nouvelle ressources propres, contre environ 20 milliards d'euros aujourd'hui. Ce n'est pas neutre dans la conjoncture actuelle... Le rapporteur général de la commission des finances, M. de Montgolfier, sera fondé à s'en émouvoir !
Le remboursement de l'emprunt découlant de l'instrument de relance induirait une charge financière supplémentaire pour les États membres. S'il est difficile de l'évaluer avec précision aujourd'hui, elle pourrait, en l'absence d'accord sur les rabais et de nouvelles ressources propres, atteindre un montant de 3 à 4 milliards d'euros par an à compter de 2028.
Or, par rapport à sa proposition de mai 2018, la Commission européenne apparaît en retrait sur la suppression des rabais. Elle indique en effet que, compte tenu des conséquences de la pandémie de Covid-19, « les rabais actuels pourraient être supprimés progressivement sur une période beaucoup plus longue que ce qu'envisageait la Commission dans sa proposition de 2018 ». Nous proposons de ne pas souscrire à cette approche et de réaffirmer notre souhait de supprimer l'ensemble des rabais à l'occasion de la mise en place du nouveau CFP. À présent que les Anglais sont presque partis, nous subissons toujours cette décision qui remonte à Mme Thatcher...
L'évolution très significative des contributions nationales, toutes choses égales par ailleurs, devrait constituer en outre une forte incitation à trouver à l'avenir un accord sur la mise en place de nouvelles ressources propres, que le Parlement européen réclame avec force.
La Commission européenne évoque de nouveau plusieurs pistes déjà connues ainsi qu'une possible nouvelle ressource propre, fondée sur les activités des grandes entreprises, dont les contours apparaissent très flous à ce stade. Il nous apparaît essentiel que la Commission clarifie rapidement ses orientations et propositions, en veillant à maîtriser la pression fiscale qui pourrait en résulter pour les citoyens et les entreprises de l'UE.
La double proposition présentée par la Commission le 27 mai est donc importante à plusieurs titres et justifie une prise de position du Sénat.
Nous saluons le fait qu'au travers de cet effort d'une ampleur inédite, l'UE fasse preuve de réactivité et d'innovation, qu'elle réaffirme ses valeurs de solidarité, qu'elle veille à apporter aux États membres un soutien pertinent au regard des priorités de l'action de l'UE et qu'elle préserve ainsi le marché unique.
Nous soulignons aussi les enjeux que représentera cette concentration de fonds européens en début de période, qui représente un véritable défi en termes d'ingénierie.
C'est un moment important pour l'UE, même s'il doit être analysé sans emphase : l'UE ne reprend pas les dettes des États membres et les dépenses inscrites au sein de l'instrument de relance ne devraient pas conduire à un accroissement pérenne du budget de l'UE. La Commission ne cesse de souligner que cet accroissement des dépenses est exceptionnel et temporaire, et uniquement conçu pour faire face aux conséquences de la crise de la Covid-19. Autant de gages aux quatre États « frugaux », qu'on appelle aussi les quatre « pingres » !
Cet emprunt au nom de l'UE, inédit dans son ampleur, devrait toutefois donner des marges de manoeuvre nouvelles à la Commission, qui confirme les priorités politiques esquissées par la Présidente Ursula von der Leyen en faveur du Pacte vert pour l'Europe, de la stratégie numérique et d'une Europe plus résiliente.
La question du mode de financement de l'UE à partir de 2028 se posera aussi avec une intensité nouvelle, compte tenu des remboursements à venir.
Nous considérons ainsi que les Parlements nationaux devront s'impliquer plus fortement dans les débats à venir, que ce soit dans le suivi de l'instrument de relance en général, dans le suivi du Semestre européen ou encore lors de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Et nous estimons qu'ils auront besoin pour cela non seulement d'être mieux informés qu'ils ne le sont aujourd'hui, en particulier sur les échanges en trilogues, - comme nous l'avons rappelé à la Médiatrice européenne la semaine dernière - mais aussi mieux associés, les actes délégués et les actes d'exécution permettant à la Commission de les contourner...
Bravo pour ce rapport, qui précise des chiffres encore soumis à des aléas. La contribution de la France sera donc de 26 à 29 milliards d'euros par an. S'agira-t-il bien de mesures exceptionnelles ? On parle d'un plan en trois ans, mais la période 2021-2024 en compte quatre ! Avec 750 milliards d'euros en plus sur cet intervalle, on fait plus que doubler le budget annuel. Comment faire marche arrière ensuite ? D'autant que de 2028 à 2058, il faudra rembourser. Nous sommes donc dans des faux-semblants diplomatiques vis-à-vis des États frugaux. J'avais rappelé plusieurs fois avant la crise que, pour perdurer à l'horizon 2050, l'UE devrait porter son budget au moins à 3 % de son PIB. La crise est peut-être l'opportunité, non de renforcer Bruxelles, mais de rester compétitifs dans le monde. Les plans de relance américain et chinois sont plus lisibles que les nôtres, partagés entre le niveau européen et l'échelle nationale. Même sur les 500 milliards d'euros de subventions, le journal Le Monde affirme que 67 milliards d'euros seraient en réalité des garanties destinées à exercer un effet de levier. Bref, il y a encore beaucoup de flou dans la mécanique qui nous est proposée. Il faudra des éclaircissements. Espérons que la secrétaire d'État nous les apportera !
En un temps si court, difficile de comprendre tous ces chiffres ! Pourriez-vous nous fournir un tableau récapitulatif ? Pour la recherche, les fonds augmentent-ils, ou le budget est-il en baisse, par exemple ? M. Sutour a parlé de vigilance. C'est important vu le flou sur les chiffres, qui ne sont d'ailleurs pas définitifs, puisque le Conseil européen ne les adoptera sans doute pas tels quels. On parle de 32 milliards d'euros arrivant brutalement dans nos régions et devant être dépensés rapidement, alors que l'on connaît les difficultés qui existent déjà pour consommer les crédits de droit commun. Comment et par qui ces fonds seront-ils gérés ? Il nous manque aussi des informations sur les modalités de remboursement des ressources qui seront empruntées, ou des avances remboursables. Quelle clef de répartition ? Quel coût ? Quelle durée ? Enfin, il y a un vrai problème de clarté dans la discussion, car la Commission s'exprime en euros constants, ce qui est difficilement compréhensible pour une période de sept ans. En tout cas, je me réjouis de voir qu'il existe un plan santé spécifique, comme je l'avais recommandé lors de l'audition de M. Breton.
Cette PPRE me convient parfaitement, tant en ce qui concerne le CFP que le plan de relance. Mais ces fonds seront-ils efficaces ? À court terme, M. Rapin a raison : nous avons déjà du mal à consommer les fonds de cohésion ! Ceux du plan de relance devront être dépensés intégralement et intelligemment, dans le cadre des orientations européennes, et en évitant si possible les effets d'aubaine : on voit trop souvent des porteurs de projets qui ne sont pas indispensables profiter de tels fonds. Pour le Semestre européen, la concertation avec les États membres devra aussi être exigeante, afin que le bénéfice soit collectif. Nous devrions aussi l'inscrire dans la PPRE : ce plan de relance doit profiter à l'Europe, et non à certains pays tiers, asiatiques notamment, qui en tireraient parti pour vendre leurs produits et infrastructures.
Je partage votre conclusion sur la nécessaire implication des Parlements nationaux, qui possèdent la souveraineté fiscale, dans la Conférence sur l'avenir de l'Europe.
Je souscris à l'esprit de l'alinéa 30 où il est affirmé que « la transition vers une économie plus verte ne doit pas être synonyme de décroissance », ainsi qu'à vos propos sur le nucléaire - même si, l'an dernier, l'abandon du projet de réacteur Astrid a marqué un retour en arrière préoccupant en matière de souveraineté. Je propose cependant que l'on ajoute, à la fin de ce paragraphe, après la mention des objectifs de l'Union européenne en matière environnementale, « en particulier en termes de neutralité carbone et sobriété énergétique ».
Je suggère également de rappeler ce qui était mentionné dans notre proposition de résolution européenne de février dernier sur Frontex, c'est-à-dire la nécessité de doter l'agence d'un budget lui permettant de jouer son rôle de gardien des frontières avec crédibilité et dans le respect des valeurs européennes.
Compte tenu du rôle de la France dans la modification des règles du processus d'adhésion à l'Union européenne, qui s'appliquera à la Macédoine et à l'Albanie, je propose de rappeler la nécessité de moyens supplémentaires pour crédibiliser le nouveau processus. En effet, désormais des bénéfices seront progressivement accordés aux candidats dès avant l'adhésion.
Enfin, si l'on peut se féliciter des engagements financiers exceptionnels de l'Union européenne, il convient, pour lancer une évolution systémique, de travailler à des financements pérennes. Il est particulièrement angoissant d'envisager que ceux qui ont vingt ans aujourd'hui continueront à rembourser les engagements au titre du Covid-19 quand ils en auront soixante... Il est indispensable de réfléchir à des recettes propres pour le budget de l'Union européenne. Je comprends que vous n'évoquiez pas, dans la proposition de résolution, l'imposition sur le capital, mais puisque l'on ne peut pas taxer encore davantage la consommation des Européens, il faut des outils nouveaux. Compte tenu de la liberté de circulation des capitaux dans l'Union européenne, j'estime que c'est à ce niveau qu'il faut agir, en tirant parti des circonstances pour faire preuve d'audace.
Félicitations pour votre travail, qui s'inscrit dans la suite de la résolution européenne du 11 février 2020.
Aller dans le sens de l'histoire implique de réévaluer le budget de la PAC, en allant plus loin que les efforts déjà consentis. Une réévaluation est envisagée, nous dit-on, après les trois ou quatre premières années ; en tout cas ce budget n'est pas à la hauteur des besoins de l'agriculture européenne.
Comme vous l'avez souligné, le Fonds européen de la défense est trop souvent une variable d'ajustement, d'autant que la France, qui porte nombre d'interventions militaires, mériterait un soutien au niveau européen.
Je suis, pour ma part, partisan d'un affichage en euros constants, en particulier pour le budget de la PAC. L'inflation a été relativement faible au cours des dernières années, mais on ne sait pas ce qui peut arriver dans les mois qui viennent...
Tout le monde veut un monde plus durable. C'est vrai pour le tourisme, sur lequel je remettrai demain un travail à la commission des affaires économiques, comme pour l'agriculture. Les agriculteurs eux-mêmes s'y attèlent depuis longtemps. Mais jusqu'où faut-il aller ? Sur les 15 milliards d'euros du plan de relance, on ne parle que de la stratégie « de la ferme à la table », qui ne touche pourtant qu'une part très modeste des ventes de produits agricoles. N'oublions pas le reste ! Pour le moment, l'Union européenne et la France sont globalement autosuffisantes ; mais sans désherbants ni produits de traitement, une crise pourrait nous rendre entièrement dépendants. Imaginons une dépendance agricole analogue à celle que nous avons connue pour les masques... Pour ma part, je réfute le parallèle qu'a fait le Président de la République entre la crise sanitaire et la guerre, justement parce que pendant la guerre, les habitants des villes ont souffert de sous-alimentation.
Il convient également d'intégrer la recherche aux stratégies de verdissement de notre économie, car tout changement de méthode réclame un effort approfondi dans ce domaine. Certaines biotechnologies peuvent révolutionner l'agriculture. Ce n'est pas seulement une question d'argent, mais de volonté, de mise en commun de nos systèmes de recherche. L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) manque de moyens, et la coordination européenne n'a pas été à la hauteur. Promettre des carottes locales ne fait pas une politique. Soyons plus économiques et scientifiques.
Une synthèse des données financières relatives au plan de relance européen me semblerait en effet tout à fait bienvenue.
Je suis moi aussi en plein accord avec Michel Raison. Une partie de la population veut modifier son alimentation ; c'est un enjeu stratégique important. Cependant, notre premier devoir, et la raison d'être de l'Europe telle qu'elle s'est construite dans l'après-guerre, est de nourrir l'ensemble de la population dans de bonnes conditions. Pour cela, il faut des productions accessibles à tous les ménages. Il serait pour le moins étonnant que nos choix en matière de politique agricole commune affaiblissent la consommation alimentaire en Europe. Nos exportations agricoles sont créatrices d'emploi. L'agriculture ne doit pas être configurée pour 20 % ou 30 % de la population. Je vois des scientifiques, des intellectuels publier des tribunes parlant de révolution dans nos modes de production, mais notre rôle est de garder la tête sur les épaules.
Ainsi, plutôt que de nous donner bonne conscience en plantant des arbres, il faut se poser la question de l'économie forestière. Quelles sont les essences de demain, alors que la chimie verte, qui utilise les fibres du bois, est une véritable révolution en préparation ? L'Europe doit se montrer incitative dans ce domaine.
Comme André Reichardt, j'estime qu'il convient que l'Europe impose des contraintes sur les produits agricoles importés. La relocalisation que chacun appelle de ses voeux doit s'accompagner d'un maintien de la performance, faute de quoi des concurrents issus d'autres espaces mondiaux viendront conquérir nos marchés.
De grâce, simplifions l'utilisation des fonds de cohésion et des crédits européens, dont nous sommes quelques-uns à avoir l'expérience ! D'autres pays ne s'embarrassent pas de complications.
Le volume des fonds de cohésion nous met à l'abri d'une crise de liquidité, mais le principal enjeu est notre capacité à faire émerger des projets de qualité. Ainsi, en France, l'épargne a beaucoup progressé : la question n'est donc pas tant le financement que la qualité et la rentabilité des projets. Or malgré des taux très bas, les projets manquent. Comme Jean-François Rapin et André Reichardt, j'estime qu'il faut éviter les effets d'aubaine. Faisons émerger des projets d'avenir, de qualité, qui garantissent l'avenir de ceux qui rembourseront à soixante ans ce que nous empruntons alors qu'ils en ont vingt.
Nous vous proposons donc quelques amendements à la proposition de la résolution européenne.
Pour répondre à l'inquiétude que plusieurs d'entre vous manifestent à l'égard du risque de concurrence déloyale et de l'absence de prise en compte du respect de l'environnement, nous proposons l'ajout d'un alinéa après l'alinéa 30 qui pourrait être rédigé ainsi : « Insiste sur la nécessité de renforcer la résilience de l'économie et de la base industrielle de l'Union européenne, ce qui suppose notamment une politique de modernisation de la concurrence, ainsi qu'une optimisation et une réactivité accrue des outils de défense commerciale face aux pratiques commerciales déloyales, afin que les entreprises et les citoyens de l'Union soient pleinement bénéficiaires des moyens financiers nouveaux envisagés par l'Union ».
À la fin de l'alinéa 30, nous ajouterions les mentions « neutralité climatique » et « sobriété énergétique » proposées par Jean-Yves Leconte.
Nous proposons de compléter ainsi l'alinéa 36 : « Insiste sur l'importance de revaloriser le premier pilier, qui demeure essentiel pour permettre aux agriculteurs de relever les défis économiques, sanitaires, environnementaux et liés au dérèglement climatique auxquels ils sont confrontés, et qui finance notamment le Programme d'options spécifiques à l'éloignement à l'insularité (Posei), programme indispensable pour le soutien à l'agriculture des régions ultrapériphériques. »
À l'alinéa 42, nous proposons l'ajout suivant : « et réaffirme que le projet International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER) devra bénéficier des crédits adéquats pour permettre, dans le respect des engagements pris, la conduite de ces travaux en vue de créer pour l'avenir une source durable d'énergie sûre et respectueuse de l'environnement ».
Enfin, à l'alinéa 48, nous vous soumettons l'ajout suivant : « Demande un renforcement de l'implication des Parlements nationaux dans la mise en oeuvre et le suivi du semestre européen ». Cela va mieux en le disant...
Je rappelle l'objet de notre travail : donner notre point de vue à notre gouvernement, d'abord dans l'espoir qu'il reprendra nos propositions, ensuite pour lui donner un appui dans la négociation au niveau européen. D'où l'importance du contact de notre président avec la Secrétaire générale aux affaires européennes et du débat prévu avant le Conseil européen de jeudi. Vous le savez, notre proposition de résolution passera sous les fourches caudines de la commission des finances, avec toutefois le regard bienveillant de notre collègue Jean-François Rapin...
Il convient que les nouveaux fonds de cohésion soient pris en compte, dans la comptabilité des régions, comme de l'investissement à part entière. Manier les financements européens est particulièrement complexe, or cette complexité vient davantage de Paris que de Bruxelles. Il faut libérer les initiatives et non les laisser brider par une administration omnipotente, et continuer à nous battre même si la demande, comme pour l'implication des Parlements nationaux, relève du voeu pieux.
Monsieur Leconte, je suis favorable à la mention de la neutralité carbone, mais dans ce cas, n'ayons pas honte de notre industrie nucléaire qui fournira de l'électricité pour nos voitures électriques...
Je suis solidaire de mes collègues sur la PAC, en ajoutant qu'elle doit prendre davantage en compte les productions méditerranéennes comme la vigne, la petite agriculture de montagne sèche, les cultures fruitières et légumières et l'élevage. Le blé et la betterave ne sont pas toute l'agriculture française.
Plusieurs d'entre vous ont demandé des tableaux chiffrés, qui seront intégrés dans le rapport.
La Commission européenne a l'habitude d'utiliser des euros constants dans ses communications, mais il est vrai qu'elle joue parfois de l'ambiguïté. Cela fait partie de la culture bruxelloise... N'en soyons pas dupes.
Quant à la nécessité de trouver des ressources propres, le rapport Monti nous avait laissés sur notre faim. Nous sommes contraints, pour soulager la participation des États membres au budget européen, de faire preuve de courage politique et d'inventivité. Dans le panel des ressources propres le plus souvent citées, figurent la taxe carbone aux frontières - un impératif économique et écologique -, une ressource fondée sur le système d'échange de quotas d'émission de CO2, la taxe sur les déchets d'emballages plastiques non recyclés, et la taxe sur le numérique - sous réserve que la réflexion engagée au sein de l'OCDE aboutisse. L'harmonisation de la taxation sur les sociétés à travers l'Assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (Accis) n'est plus évoquée.
L'ingénierie de la gestion des fonds par les régions est en effet un point d'attention particulier, puisque des sommes considérables viendront s'ajouter aux fonds de cohésion traditionnels : REACT-EU représentera 5 milliards d'euros dans un premier temps puis 50 milliards ; le Fonds pour une transition juste, 40 milliards d'euros. Les régions devront donc faire preuve de réactivité. En revanche, les 32 milliards d'euros que recevrait la France au titre de la facilité pour la reprise et la résilience du plan de relance resteront probablement gérés au niveau de l'État, car ils passeront par le filtre du Semestre européen. En d'autres termes, pour les toucher, la France devra avoir le courage de mener des réformes structurelles.
Je partage pleinement les craintes d'André Reichardt sur les effets d'aubaine. L'alinéa 30 souligne bien que le plan de relance doit d'abord profiter à l'industrie européenne. La Chine utilise régulièrement l'outil des aides d'État. L'Union européenne a mis en place le règlement sur le filtrage des IDE (investissements directs étrangers) : toute prise de participation d'une entreprise extérieure à l'Union européenne dans une entreprise stratégique doit être signalée à la Commission européenne, afin de prévenir les opérations de prédation. Les Britanniques sont en train de se doter d'un mécanisme de ce type.
Le plan de relance est conçu pour harmoniser les politiques économiques des États membres. Alors que le gouvernement français apporte 40 milliards d'euros au niveau national, l'Allemagne a frappé fort avec 130 milliards d'euros. En matière industrielle, elle est en train de corriger l'un de ses rares talons d'Achille, le coût de l'énergie. D'abord, le produit de l'équivalent allemand de la CSPE (contribution au service public de l'électricité) est passé de 30 à 20 milliards d'euros, contre 7 milliards d'euros en France. Ensuite, Nord Stream 2 fera prochainement de l'Allemagne le hub gazier européen. Enfin, l'Allemagne injecte 8 milliards d'euros dans la recherche sur l'hydrogène et investit 7 ou 8 milliards d'euros pour l'accélération du déploiement de la 5G.
Ce pays a déjà mobilisé 52 % de l'enveloppe au titre de l'assouplissement de la Commission européenne du cadre sur les aides d'État ! Le rapporteur général de notre commission des finances nous avertissait, dès avant la crise sanitaire, de l'insuffisance de nos marges de manoeuvre budgétaires : la comparaison avec l'Allemagne nous en donne une illustration concrète.
Monsieur Leconte, le budget consacré à l'élargissement reste stable, à près de 13 milliards d'euros.
Monsieur Haut, les États membres restent très sourcilleux quant au ratio du budget européen sur le revenu national brut (RNB). Nous sommes à 1,12 %, compte tenu de la baisse du RNB liée à la crise de la Covid-19, ce qui est au-dessus de la proposition finlandaise.
Il semblerait que les vues au sein des 27 commencent à converger sur le caractère stratégique de l'agriculture. Mais il ne faudrait pas que le pacte vert se traduise par une décroissance. Je lis à l'instant le titre de cette dépêche : « Les ministres de l'Union européenne inquiets de l'impact potentiel du Pacte vert européen sur le secteur agricole ». Il y a une prise de conscience, à laquelle nos quatre PPRE sur le sujet ne sont pas étrangères. La commissaire européenne à la santé et à sécurité alimentaire, Mme Stella Kyriakides, a tendance à s'exprimer à la place du commissaire à l'agriculture, ce qui n'est jamais bon signe. Nous l'avions déjà constaté au moment du débat sur les profils nutritionnels.
Monsieur Raison, je vous remercie d'être la conscience scientifique de la commission ! Depuis des décennies, l'INRA se penche plutôt sur les sciences molles que sur les sciences dures. Or si nous ne nous intéressons pas aux new breeding techniques (nouvelles techniques de sélection variétale), d'autres ne nous ont pas attendus pour le faire. Désormais dirigée par un Chinois, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) va faire évoluer les normes agricoles et, comme je le rappelle souvent, celui qui tient les normes tient le marché... Ne soyons pas naïfs. Je suis très à l'écoute des écologistes, mais je suis plus sévère pour les environnementalistes radicaux qui ne veulent pas tenir compte des sauts technologiques dans leur réflexion.
La simplification est mentionnée à l'alinéa 37. La complexité de l'utilisation des fonds est une dérive bien française : des États comme la Pologne savent utiliser les fonds européens rapidement et avec simplicité...
Monsieur Henno, il faudra en effet se concentrer sur les investissements les plus pertinents.
Monsieur Leconte, je suis favorable à un rappel de nos demandes sur Frontex.
À l'issue du débat, la commission adopte la proposition de résolution européenne dans la rédaction issue de ses travaux, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 50.