Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 juin 2020 à 17h05
Budget communautaire — Proposition révisée de cadre financier pluriannuel 2021-2027 et instrument de relance : communication et examen d'une proposition de résolution européenne

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Pour assurer le financement de ces 750 milliards d'euros, la Commission émettrait des obligations sur les marchés financiers au nom de l'UE. Les fonds empruntés seraient remboursés à partir de 2028 et potentiellement jusqu'en 2058, ce qui nous conduit à mettre l'accent sur le besoin de financement à venir de l'UE.

Les 250 milliards d'euros de fonds empruntés, qui seraient octroyés sous la forme de prêts aux États membres dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience, seraient remboursés par les sommes reçues de la part des États membres bénéficiaires de ces prêts. Seuls les 500 milliards d'euros empruntés aux fins de subventions et garanties feraient ainsi l'objet d'une mutualisation au niveau de l'UE.

Pour procéder à cette opération, la Commission propose de relever le plafond des ressources propres de l'UE de 0,6 point de pourcentage afin d'augmenter la marge de manoeuvre, c'est-à-dire la différence entre ce plafond des ressources propres et les dépenses réelles, cette marge de manoeuvre faisant office de garantie.

La Commission précise que ce pouvoir d'emprunter serait clairement limité en termes de volume, de durée et de portée. Ce relèvement du plafond prendrait donc fin lorsque tous les fonds empruntés auront été remboursés et que tous les passifs éventuels seront éteints, c'est-à-dire au plus tard le 31 décembre 2058.

Ce relèvement temporaire s'ajouterait néanmoins à un autre relèvement du plafond qui serait, lui, permanent. La Commission justifie ce second relèvement en faisant valoir que « l'impact économique de la pandémie de coronavirus montre à quel point il est important de faire en sorte que l'UE dispose d'une marge de manoeuvre budgétaire suffisante en cas de chocs économiques entraînant une chute du revenu national brut ». La décision sur les ressources propres impliquant une approbation par le Parlement français, en application de l'article 211 du traité sur le fonctionnement de l'UE, nous jugeons nécessaire que des justifications complémentaires soient apportées concernant la nécessité de relever de manière permanente le plafond des ressources, en plus du relèvement temporaire prévu pour permettre le financement de l'instrument de relance. Il est vrai qu'il faut sans cesse demander que les Parlements nationaux puissent exercer leurs compétences... Incidemment, je rappelle aussi qu'il faut aussi plus de transparence dans les trilogues.

Si l'instrument de relance soulage à court terme les finances publiques nationales des États membres, dans un esprit de solidarité entre eux, il n'en demeure pas moins que l'enjeu de financement de ces mesures à moyen terme est majeur et conduit à remettre l'accent sur deux points déjà soulignés par le Sénat dans sa résolution européenne du 11 février 2020 : les rabais et l'évolution du système des ressources propres.

Selon les informations recueillies auprès de la direction du Budget et du Secrétariat général des affaires européennes, pour le seul CFP socle, la contribution moyenne annuelle de la France au cours de la période pourrait atteindre entre 26 et 29 milliards d'euros, en cas de maintien intégral des rabais -malheureusement probable - et d'absence de nouvelle ressources propres, contre environ 20 milliards d'euros aujourd'hui. Ce n'est pas neutre dans la conjoncture actuelle... Le rapporteur général de la commission des finances, M. de Montgolfier, sera fondé à s'en émouvoir !

Le remboursement de l'emprunt découlant de l'instrument de relance induirait une charge financière supplémentaire pour les États membres. S'il est difficile de l'évaluer avec précision aujourd'hui, elle pourrait, en l'absence d'accord sur les rabais et de nouvelles ressources propres, atteindre un montant de 3 à 4 milliards d'euros par an à compter de 2028.

Or, par rapport à sa proposition de mai 2018, la Commission européenne apparaît en retrait sur la suppression des rabais. Elle indique en effet que, compte tenu des conséquences de la pandémie de Covid-19, « les rabais actuels pourraient être supprimés progressivement sur une période beaucoup plus longue que ce qu'envisageait la Commission dans sa proposition de 2018 ». Nous proposons de ne pas souscrire à cette approche et de réaffirmer notre souhait de supprimer l'ensemble des rabais à l'occasion de la mise en place du nouveau CFP. À présent que les Anglais sont presque partis, nous subissons toujours cette décision qui remonte à Mme Thatcher...

L'évolution très significative des contributions nationales, toutes choses égales par ailleurs, devrait constituer en outre une forte incitation à trouver à l'avenir un accord sur la mise en place de nouvelles ressources propres, que le Parlement européen réclame avec force.

La Commission européenne évoque de nouveau plusieurs pistes déjà connues ainsi qu'une possible nouvelle ressource propre, fondée sur les activités des grandes entreprises, dont les contours apparaissent très flous à ce stade. Il nous apparaît essentiel que la Commission clarifie rapidement ses orientations et propositions, en veillant à maîtriser la pression fiscale qui pourrait en résulter pour les citoyens et les entreprises de l'UE.

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